Machin movie, Les machins en folie : formules toutes prêtes pour titres de comédies loufoques

/ Article - écrit par riffhifi, le 28/10/2010

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Une dizaine d'années après Very Bad Things, la formulation devient subitement une mode : en à peine plus d'un an, on essuie successivement Very Bad Trip, Very Bad Deal (direct-to-dvd), Very Bad Cop (idem) et Very Bad Cops (à ne pas confondre avec le précédent), qui sont tous dûs à l'imagination (?) débordante des traducteurs français, aucun des titres anglais ne comportant la mention "very bad". Désignant indifféremment des films policiers ou des comédies (voire des comédies policières), le titre en "very bad" est le dernier d'une famille de préfixes et suffixes utilisés à la chaîne pour créer entre les films une parenté artificielle. On pourrait se pencher sur les "last", les "piège" ou les "fatal", mais la comédie constitue la cible privilégiée de cette tendance.

La formule la plus ancienne est probablement le "... en folie", utilisé dès 1925 pour
un film de Buster Keaton : Seven Chances devient ainsi Fiancées en folie, ouvrant la voie à plusieurs décennies de titres français sur le même modèle : on le retrouve pour L'explorateur en folie en 1930 (qui cache en réalité le Animal Crackers des Marx Brothers), Hollywood en folie (Variety Girls, avec Bob Hope et Bing Crosby) en 1947, puis pour les pochades des Charlots : Les bidasses en folie (1971), Les charlots en folie : A nous quatre Cardinal (1974) et Le retour des bidasses en folie (1983) contribuent fortement à ringardiser la tournure. On note également le film de Peter Sellers La clinique en folie (1972), la série de John Cleese L'hôtel en folie (Fawlty Towers, 1974), la comédie italienne Le bataillon en folie (1976), le film Le golf en folie (1980) réalisé par Harold Ramis avec Bill Murray (avant la marmotte d'Un jour sans fin, les deux zigs chassaient les taupes), Les croque-morts en folie (1982) de Ron Howard avec Michael Keaton, et L'exorciste en folie (1990), une parodie de L'exorciste avec Leslie Nielsen (on y reviendra plus loin). Depuis 1990, la formule est tombée en désuétude en France, bien qu'on la retrouve en 2007 pour l'une des suites dtv d'American Pie : Campus en folie.

Le Canada, quant à lui, fait du zèle : le Clerks de Kevin Smith y est retitré Commis en folie, Brooklyn Boogie en (attention les yeux) La tabagie en folie, et Ecole paternelle devient Garderie en folie.

Entre-temps, on n'a pas échappé aux joyeux films érotiques des années 70, dont les titres subtils laissent planer autant de poésie que de mystère : Les chattes en folie, Les zizis en folie...



Sous-catégorie peu représentée, le "Chérie, ..." mérite néanmoins d'être remarqué. Sa première utilisation date de 1952 : Chérie, je me sens rajeunir est alors la traduction de Monkey Business, une comédie fantastique de Howard Hawks avec Cary Grant, Ginger Rogers et Marilyn Monroe. On retrouve le préfixe en 1960 pour Chérie, recommençons (Once more, with feeling!), une comédie musicale avec Yul Brynner dans le rôle d'un pianiste qui doit reconquérir sa femme. Mais en 1989, le célèbre Chérie, j'ai rétréci les gosses constitue bien la traduction littérale de Honey, I shrunk the kids, et pas une extravagance des Français ! Suivront Chérie, j'ai agrandi le bébé en 1992, Chérie, nous avons été rétrécis en 1997 et la série télé Chérie, j'ai rétréci les gosses de 1997 à 2000. Entre-temps, la comédie romantique Speechless (1994, avec Michael Keaton, Geena Davis et Christopher Reeve) en profite pour se rebaptiser chez nous Chérie, vote pour moi.


Le "Y a-t-il ...", inauguré à l'orée des années 80, a connu une belle popularité durant vingt ans, avant de disparaître subitement au profit du "... Movie" en 2000. Utilisé pour la première fois en 1980 avec le célèbre Y a-t-il un pilote dans l'avion ? du trio Zucker-Abrahams-Zucker (ZAZ), il ressert bien entendu pour la suite produite deux ans plus tard (Y a-t-il enfin un pilote dans l'avion ?), mais également pour deux films français de la même période, sans qu'il soit possible de déterminer s'il s'agit de coïncidence ou d'opportunisme : Y a-t-il un Français dans la salle ? (1982) est un film de Jean-Pierre Mocky écrit par Frédéric Dard, et Y a-t-il
un pirate sur l'antenne ?
(1983) une comédie vite oubliée avec Paul Préboist. En 1986, le Ruthless People des ZAZ est titré en France Y a-t-il quelqu'un pour tuer ma femme ?, puis leurs trois Naked Gun deviennent Y a-t-il un flic pour sauver la reine ? (1988), Y a-t-il un flic pour sauver le président ? (1991) et Y a-t-il un flic pour sauver Hollywood ? (1994). Le pauvre Leslie Nielsen, héros du premier "avion" et des trois "flic", restera associé à la formule : L'exorciste en folie est renommé Y a-t-il un exorciste pour sauver le monde ? lors de sa sortie vidéo, Le Détonateur est titré en Belgique Y a-t-il un fugitif à bord ?, et l'ignoble 2001 A Space Travesty (avec Ophélie Winter !) sort en France sous le titre Y a-t-il un flic pour sauver l'humanité ?, bien qu'il n'ait aucun lien avec les trois autres "flic". Dernier abus en date avec Nielsen : Y a-t-il un joueur pour sauver la Junior Ligue ?, une comédie sportive de 2008 sortie directement en vidéo.

Notons également Y a-t-il un commandant pour sauver la navy ? (titre vidéo du Touche pas à mon périscope de 1996), Y a-t-il un commandant à bord ? (1997) et Y a-t-il un parrain pour sauver la mafia ? (1999, avec Christopher Walken).


En 2000, la sortie et le succès de Scary movie, parodie lourdingue de Scream par les frères Wayans, créent une nouvelle mode. Quelques mois plus tard, un ersatz intitulé Scary Scream Movie met en scène Coolio et quelques nazes du même genre. S'ensuivent les inévitables Scary movie 2 (2001), Scary movie 3 (2003) qui marque l'arrivée de David Zucker et Leslie Nielsen, symboles de la période "Y a-t-il" et enfin Scary movie 4 (2006). Dans la même fournée, les distributeurs français nous refilent en 2001 un des premiers films des frères Wayans, daté de 1996, retitré Spoof Movie pour l'occasion.


En 2005, My Big Fat Independent Movie (inédit en France) est un des plus gros bides de tous les temps : un budget de 3 millions de dollars, pour moins de 5 000 $ de recettes en salles... A partir de 2006, les tâcherons Jason Friedberg et Aaron Seltzer décident de parodier tous les succès du moment, sans s'occuper de la qualité de leurs gags ou de leur narration. En trois ans, leurs oeuvres successives auront pour titre Sexy Movie (en anglais : Date Movie), Big Movie (en anglais : Epic Movie), Orgie movie (sorti au ciné sous le titre Spartatouille, en anglais : Meet the Spartans), et Disaster Movie (inédit en France).

En 2008, Super-héros movie est produit par David Zucker, et laisse paraître un Leslie Nielsen traditionnel en simili-Oncle Ben. La même année, News Movie sort en vidéo, et cache en réalité The Onion Movie, une comédie où apparaît Steven Seagal). En 2009, outre le Dance Movie de la famille Wayans, on voit sortir en DVD le curieux Space Movie - La menace fantoche (un film allemand de 2004 avec Til Schweiger), tandis que Spanish movie reste inédit en France, malgré un cameo de l'increvable Leslie Nielsen.


A présent, il reste à prendre les paris : Mords-moi, la parodie de Twilight signée Friedberg et Seltzer (sortie le mois prochain), sera probablement retitré pour le marché de la vidéo ; faut-il miser sur Vampire movie, Les vampires en folie, ou Y a-t-il un vampire pour sucer le monde ? Peut-être serait-il plus judicieux de se rabattre sur le tout simple Very Bad Movie...