Un jour sans fin
Cinéma / Critique - écrit par riffhifi, le 10/08/2009 (Le meilleur film du réalisateur-scénariste Harold Ramis, le meilleur rôle de Bill Murray ? En tout cas, Un jour sans fin continue aujourd'hui à se manger sans faim, et à diffuser sa leçon de vie sans agacer.
En 1992, Bill Murray et Harold Ramis sont connus du grand public pour leurs rôles de ghostbusters dans SOS Fantômes (1984) et sa suite (1989). Le premier est déjà auteur de nombreux scénarios (dont ceux des deux films en question), et est passé trois fois derrière la caméra pour signer des comédies un peu benêtes : Le golf en folie (avec Bill Murray), Bonjour les vacances (avec Chevy Chase) et Club Paradis (avec Robin Williams). Mais rien ne permet de présager que les deux hommes livreront avec Un jour sans fin l'un des meilleurs films des années 90. A peu de choses près, l'étincelle aurait pu ne pas se produire : Ramis hésita entre différents acteurs (Steve Martin, Tom Hanks, Chevy Chase, John Travolta) avant de se résoudre à confier le rôle principal à Bill Murray, et leurs conceptions opposées du scénario les amena à se fâcher gravement à l'issue du tournage. Alors qu'ils s'apprêtent à se reparler après 16 ans de bouderie à l'occasion du
tournage de SOS fantômes 3, voyons ce qu'il reste de leur chef-d'œuvre...
Phil Connors (Bill Murray) est un présentateur météo égocentrique et méprisant, chargé de couvrir le traditionnel ‘jour de la marmotte‘ (‘groundhog day', le titre original) dans la petite ville de Punxsutawney. Escorté de son caméraman Larry (Chris Elliott) et surtout de sa nouvelle productrice Rita (Andie MacDowell), Phil compte bien passer le moins de temps possible sur place. Malheureusement pour lui, il se retrouve prisonnier d'une boucle temporelle, et se réveille tous les matins au même endroit pour vivre la même journée...
Trooper - Now you can go back to Punxsutawney, or you can go ahead and freeze to death. It's your choice. So what's it gonna be?
Phil - I'm thinking...
Incontestablement, l'histoire présente des allures de conte. A la manière du Scrooge de Charles Dickens (dont Bill Murray a d'ailleurs incarné une version moderne dans Fantômes en fête), Phil est un homme seul qui n'aime personne, enfermé dans un réseau de certitudes dont la plus tenace est la croyance que personne ne mérite son attention, son respect ou son affection. Ce caractère résolument asocial fournit au film ses ressorts les plus comiques : confronté au surnaturel de sa situation, la première réaction du héros (une fois la panique passée) est d'en profiter comme un gros sagouin, en pur égoïste jouisseur. Pas sûr que les personnages de Frank Capra auraient eu la même réaction, bien qu'Un jour sans fin s'inscrive résolument dans son héritage : on pense notamment
à La vie est belle, avec son postulat fantastique et son décor enneigé.
- Do you ever have déjà vu?
- Didn't you just ask me that?
Si le cynisme laisse progressivement la place à la morale, ce n'est pourtant pas pour satisfaire la norme hollywoodienne en dépit de tout bon sens : passé par une phase de dépression, le héros réalise petit à petit que son bonheur passe par celui des autres, et qu'il ne tient qu'à lui de transformer sa journée pourrie en journée de rêve. Il apprendra également que séduire une femme n'est pas une science exacte... Après avoir traversé une incroyable série de gags explorant impitoyablement les limites du concept de la journée sans lendemain.
Un jour sans fin, non content d'avoir marqué durablement les spectateurs et de rester aujourd'hui un film fabuleux et visible en boucle, a fait quelques petits au fil des ans : Harold Ramis s'est lui-même remis à la comédie fantastico-morale avec Multiplicity et Endiablé, les séries TV des années 90 et 2000 sont nombreuses à compter un épisode « à la un jour sans fin » (X-files, Stargate, Urgences, Supernatural...), et un remake italien appelé È già ieri fut tourné en 2004. Mais l'original bénéficie d'une magie probablement impossible à dupliquer. Selon les dires des scénaristes, Phil reste prisonnier du 2 février durant environ 10 ans. Gageons que le film résiste lui aussi sans peine à 3 650 visions.