Loups-garous : une filmographie au poil

/ Dossier - écrit par Lestat et riffhifi, le 24/02/2010

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Ils sont velus, ils sont tous là : les loups-garous de tous poils ont posé pour la photo de famille qui réunit plus de six décennies d'apparitions cinématographiques et télévisées.

Les loups-garous sévissent depuis au moins dix siècles : on les a connus précédemment sous le sobriquet de "leus warous", de "garwaf", de "garval" et même de "werwolf" (notez la similitude avec la traduction anglaise "werewolf"), on a tenté de les enfermer par la suite dans le cadre sécurisant de la maladie mentale (la lycanthropie est désormais considérée comme l'état d'un homme qui croît se transformer en loup), mais les faits restent là : si vous êtes mordus par une telle créature, vous vous transformerez à votre tour en humanimal chaque nuit de pleine lune, et il ne vous restera qu'à vous tirer une balle en argent dans la citrouille pour mettre fin à vos tourments.


Le cinéma, curieusement, ne s'est pas jeté immédiatement sur le mythe, et il faut attendre les années 40 pour voir le loup-garou accéder au statut de monstre culte. Depuis, les poilus n'en finissent plus d'envahir les écrans...
Dès 1913, on recense cependant un court métrage américano-canadien de 18 minutes (The Werewolf), qui présente la lycanthropie comme une malédiction indienne. Plus surprenant : on trouve trace en 1923 d'un film français, Le Loup-garou, dans lequel le meurtrier d'un prêtre est maudit par sa victime, ce qui le change en loup-garou ; il finit tué par un éclair. Il faut attendre 1935 pour voir le premier film important consacré au sujet, Werewolf of London, produit par la firme Universal dans la foulée de ses Dracula, Frankenstein et autre Momie. Le Dr Glendon, loup-garou de son état, doit se procurer le jus d'une fleur tibétaine très rare pour ne pas se transformer durant les nuits de pleine Lune... Werewolf of London est sous-vendu par Universal, qui n'en est pas satisfait et déplore qu'il manque de vedettes ; on y croise tout de même Valerie Hobson, qui jouait la fiancée de Frankenstein la même année dans le film éponyme (elle jouait la fiancée du savant, pas celle du monstre).


Années 40

Le film fondateur, la base du mythe cinématographique tel qu'on le connaît aujourd'hui, est celui que George Waggner réalise en 1941, sur un scénario original de Curt Siodmak. Curieusement, il aura fallu 70 ans pour qu'un véritable remake en soit produit... Les puristes noteront au passage que l'original s'appelait The Wolf Man, en deux mots, tandis que la version 2010 est baptisée The Wolfman, en un seul. En France, la différence est encore plus flagrante : le premier est traduit par Le Loup-Garou, et le second par... Wolfman, surfant ainsi Le loup-garou (1941) : à table !
Le loup-garou (1941)
A table !
sournoisement sur la popularité des Batman et autre Spider-man.
Lorsque Curt Siodmak est chargé par le studio Universal d'écrire le scénario du Loup-Garou, il ne possède que peu de matière sur laquelle s'appuyer ; riche d'une expérience glanée à faire le scribe sur diverses productions internationales depuis plus de 10 ans, il invente un folklore pittoresque mêlant une malédiction gitane à l'énoncé d'un poème trouble : « Even a man who is pure at heart, and says his prayers by night, may become a wolf when the wolfbane blooms and the autumn moon is bright »... L'histoire est celle de Larry Talbot (Lon Chaney Jr., fils et homonyme du célèbre acteur protéiforme des années 20), dont le retour au pays de Galles natal s'accompagne d'un incident : il est mordu par un loup. En réalité, la bête était un homme (Bela Lugosi, célébrissime interprète de Dracula dix ans plus tôt) victime d'une terrible malédiction. Larry devient à son tour un loup-garou, subissant chaque nuit une douloureuse transformation en animal assoiffé de sang, sous le regard désespéré de son père, Sir John Talbot (Claude Rains, célébrissime interprète de l'homme invisible dix ans plus tôt). Arrivant tardivement dans le bestiaire fantastique des studios Universal, le loup-garou remporte un franc succès malgré son aspect (rétrospectivement) peu convaincant : avec son visage oblong et son espèce de chapka sur la tête, Lon Chaney Jr. évoque autant un ours qu'un loup, mais l'imagerie nuageuse des marécages dans lesquelles il se promène fait date.

Au cours des années 40, Universal renonce à créer de nouveaux personnages fantastiques, préférant opposer les créatures existantes au sein de crossovers tirés par les cheveux. Le premier de ces films pittoresques, ancêtres des récents Freddy vs. Jason ou Alien vs. Predator, est Frankenstein rencontre le loup-garou (Roy William Neill, 1943), dans lequel Larry Talbot (Lon Chaney Jr., qui commence déjà à voir le rôle lui coller à la peau) affronte la créature du défunt docteur Frankenstein (Bela Lugosi), sous l'œil inquiet de la petite-fille de ce dernier, une Bavaroise blonde qui remplit le département "décoratif" laissé vacant par les deux créatures ; La maison de Dracula (1945) : Trop tôt pour le rôle de James Bond
La maison de Dracula (1945)
Trop tôt pour le rôle de James Bond
le résultat reste assez digne, essentiellement grâce à une photographie très classe. On ne peut pas en dire autant des deux suites, respectivement titrées La maison de Frankenstein et La maison de Dracula (toutes deux réalisées par Erle C. Kenton), dont les scénarios interchangeables comportent chacun un savant fou (Boris Karloff dans le premier), un serviteur bossu, Dracula (John Carradine dans les deux), le loup-garou (l'inévitable Lon Chaney Jr. dans les deux) et la créature de Frankenstein (Glenn Strange dans les deux). Une telle quantité de personnages, réunis dans un film d'à peine plus d'une heure à chaque fois, ne laisse pas de place à la moindre intrigue d'intérêt... Reste l'ambiance à base de laboratoires et de châteaux hantés, toujours sympa quand on aime ce qui est gothique.

La décennie culmine dans le ridicule Deux nigauds contre Frankenstein (1948), où le duo comique Abbott & Costello se trouve confronté à Dracula (Bela Lugosi, payant péniblement sa came), la créature de Frankenstein (Glenn Strange), et bien entendu au loup-garou toujours interprété par Lon Chaney Jr. A ce stade, le rôle n'est plus qu'une auto-caricature, Larry Talbot passe son temps à traîner les pieds en clamant qu'il veut mourir, et Chaney peine à irradier la même aura que les stars Lugosi et Karloff, bien qu'il ait finalement interprété les quatre principaux types de monstres d'Universal (le loup-garou, la créature de Frankenstein, la momie et Dracula - ou plus exactement son fils).

En France, l'année 1942 voit sortir Le loup des Malveneur, avec Pierre Renoir dans le rôle d'un noble qui raconte l'histoire de son ancêtre loup-garou. La même année, 20th Century Fox tente de concurrencer Universal en sortant The Undying Monster, une sorte de clone du Loup-Garou (jusqu'à la présence d'un poème magique, « When stars are bright, on a frosty night, beware thy bane, on the rocky lane »), resté inédit chez nous. En 1943, c'est Columbia Pictures qui tente de surfer sur la vague en proposant The Return of the Vampire, avec Bela Lugosi en suceur de sang assisté... d'un loup-garou (ben tiens).

Les années 40 comptent également deux films notables consacrés à la lycanthropie féminine : La fille du loup-garou (Cry of the werewolf) en 1944, réalisé par Henry Levin, opte pour un fantastique allégé en effets spéciaux, d'une psychologie qui évoque La Féline tourné deux ans plus tôt par Jacques Tourneur ; et She-Wolf of London (1946), dont le titre rappelle que les "loups-garous de Londres" étaient déjà actifs bien avant les années 80.


Années 50-70

USA
Entre les années 50 et 70 (ou entre Les monstres attaquent la ville et Massacre à la tronçonneuse, si vous préférez), les Etats-Unis vont connaître une extrêmement I was a teenage werewolf (1957) : La puberté ça craint
I was a teenage werewolf (1957)
La puberté, ça craint
prolifique période de cinéma d'exploitation, qui, au gré de ses peurs, explorera tant l'érotisme que la SF ou l'horreur mais aussi d'autres sous-genres plus atypiques, tels les films pour teenagers ou encore les films de motards. D'une façon aussi inattendue que fascinante, le film de loup-garou suivra l'un ou l'autre de ces courants, donnant naissance à des oeuvres aussi représentatives de leur époque que The Werewolf, I Was a Teenage Werewolf, ou encore Werewolves on Wheels. Le premier, ainsi, est un pur produit de la "science sans conscience" des 50's et propose, au milieu des animaux géants gambadant dans le désert, la mésaventure désastreuse d'un quidam se transformant en loup-garou suite à un traitement douteux. Une sympathique série B, qui a le mérite de changer du tout venant. Notons pour l'anecdote que ce Werewolf-ci permet par la même occasion au studio Columbia d'avoir son lycan rien qu'à lui. Volontiers plus sérieux, I Was a Teenage Werewolf (1957, sorti en Belgique sous le titre Les griffes du loup-garou) se pose pour sa part comme une sorte de version lycanthrope de La fureur de vivre, nous faisant suivre la vie tumultueuse d'un adolescent "à problèmes". Pas de James Dean ici, mais un tout jeune Michael Landon qui fait parfaitement illusion. On retiendra par ailleurs son efficace construction façon méthode Corman et le portrait d'une jeunesse à la dérive.

Jeunesse à la dérive qui conduira à l'arrivée de ces putains de hippies, qui en compagnie de motards-cuirs partagent l'écran du rétrospectivement très redneck Werewolves on Wheels (1971), tentative qui partait sans doute d'un bon sentiment, où des Hells Angels du pauvre boivent de la bière et font chauffer la gomme de leurs bécanes sur fond de country. D'une atmosphère furieusement seventies, Werewolves on Wheels est aussi dénué d'intérêt que son titre est savoureux, l'ensemble ne s'intéressant finalement qu'aux virées, aux bagarres et aux danses au coin du feu de nos rebelles à moteur, dans une sarabande de liberté et de mysticisme lorgnant alternativement vers Easy Rider et le cinéma de Russ Meyer. Le fantasticophile patient attendra la fin du film pour se rassasier de la Werewolves on Wheels (1971) : joue-là comme bécane
Werewolves on Wheels (1971)
Joue-la comme bécane
vision traumatisante d'un loup-garou monté sur un chopper.
Science à la ramasse, génération à bout de souffle, rêve américain décrépi... le film de loup-garou ne quitterait-il pas ses bois brumeux pour entrer violemment dans la modernité ? Pas totalement, pourrait-on répondre. Si la tradition gothique a un peu de plomb de l'aile, l'imagerie créée par Universal et Jack Pierce est toujours vivace et les oeuvrettes moins grandiloquentes ont toujours voix au chapitre. Mais toujours avec une touche d'originalité. Samuel Z Arkoff, qui règne en maître sur la série B de l'époque, produit ainsi une petite curiosité avec How to Make a Monster en 1958, suivant la vengeance d'un maquilleur licencié. Outre ses errances lycanthropes, le film, inventif pour ne pas dire osé, reste une jolie mise en abîmes doublé d'une présentation soignée du métier de maquilleur.
Les années 50 comme la plupart des choses ayant une fin (sauf le saucisson qui en a deux), les 60's nous sautent au visage avec Beauty and the Beast où Jack Pierce reprend du service pour maquiller l'homme-loup de cette variation autour du conte que nous connaissons tous. L'année 1965 revêt pour sa part la cagoule de la honte avec le fumeux Orgy of the Dead, où un énigmatique Stephen C. Apostolof a l'idée saugrenue de mettre en scène un scénario d'Ed Wood, où un loup-garou et une momie se promènent dans un joyeux capharnaüm au parfum de sexploitation. La télévision n'oublie pas d'entrer dans la danse, Elizabeth Montgomery remuant du nez face à un Jean-Pierre poilu dans un épisode de Ma Sorcière bien-aimée, pendant que James West et Artemus Gordon résolvent le mystère pourtant peu de l'Ouest de La Nuit du Loup, permettant par la même occasion à la créature d'intégrer le Far West. Il faut dire qu'il ne manquait plus que lui, Dracula et Frankenstein ayant déjà rencontré respectivement Billy the Kid et Jesse James. La palme revient cependant à la série Les Monstres (The Munsters), qui de 1964 à 66 mettait en scène une famille de... monstres, donc, avec un papa Frankenstein, une maman goule et un fils lycan. Tout ce qu'il faut pour concurrencer la Famille Addams, diffusée à la même époque. Petit écran où Daniel Petrie, futur réalisateur de Cocoon 2, propose en 72 Le Loup de la Nuit, ce qui est une satanée trouvaille de titre nous changeant de La Nuit du Loup ; on y retrouve David Jansen, l'ex-fugitif Richard Kimble.

Oncle Sam a les crocs
Oncle Sam a les crocs
Puisque nous sommes dans les années 70, repassons sans attendre au grand écran, d'autant qu'en 1973, le Loup-Garou voit du pays et rejoint Washington dans le bien nommé Le Loup-Garou de Washington, qui, sous sa trame classique pompant le classique d'Universal dans les grandes largeurs, est un peu le "tous pourris !" de la lycanthropie, sa vision de la classe politique y étant particulièrement morose pour ne pas dire mordante. Hasard ou coïncidence, Le Loup Garou de Washington sortira en plein Watergate. Les amateurs de Code Quantum auront par ailleurs le plaisir d'y retrouver Dean Stockwell, qui campe un loup-garou blanc en costume cravate ne manquant pas de cachet. La même année, c'est l'interprète de Sinbad et OSS 117, Kerwin Matthews, qui endosse poils et crocs pour La malédiction du loup-garou (The Boy who Cried Werewolf). Pas spécialement mieux luné, l'indépendant fauché Andy Milligan impose sa vision névrosée de la cellule familiale avec The Rats are coming! The Werewolves are here! (1972). Malgré ce titre à la ponctuation alléchante, à l'instar de la plupart des films de Milligan, rien ne vous empêche de faire de la plomberie plutôt que de vous infliger cela. Cependant les plus curieux découvriront un film comme souvent plus proche du théâtre filmé, au climat lourd et aux élans de brutalités assez inattendus. L'histoire quant à elle nous intéresse tant bien que mal à une famille de loup-garous et on ne pourra qu'admirer l'abnégation d'Andy Milligan, toujours prompt à développer des sujets ambitieux avec quatre murs et des poches vides.
En 1974, un Richard Matheson (auteur de Je suis une légende) que l'on n'attendait pas vraiment sur ce terrain se penche sur le sujet. Hélas, le Cri du Loup qu'il scénarise n'est jamais qu'un obscur téléfilm, nonobstant la présence de Peter Graves (Les tueurs de l'espace... ah oui, et Mission: Impossible). Enfin, un obscur Wolfman de 1979, inédit en France, constitue une sortie en sourdine pour la créature... avant le feu d'artifice des années 80 ?

Grande-Bretagne
Le cinéma britannique investit le terrain de l'épouvante à partir de la fin des années 50, avec les productions de Hammer vite suivies de celles des concurrents Amicus et Tyburn. Le réalisateur Terence Fisher ayant ouvert la voie avec Frankenstein s'est échappé (1957), Le cauchemar de Dracula (1958) et La malédiction des pharaons (1959), il est naturel que Hammer lui confie également la réinvention du film lycanthropique. S'appuyant sur un roman, The Werewolf of Paris, il écarte cette fois le duo Peter Cushing / Christopher Lee pour offrir le rôle de Leon au jeune Oliver Reed dans La nuit du loup-garou (The Curse of the Werewolf, 1960). Le film La nuit du loup-garou (1960) : Fisher King
La nuit du loup-garou (1960)
Fisher King
est épique, délocalisant l'intrigue en Espagne et retraçant l'histoire du héros maudit depuis son origine, bien avant sa naissance : la malédiction qui pèse sur ses épaules est présentée comme le résultat d'une conjonction de facteurs allant de l'humiliation à la frustration, en passant par la bigoterie et la superstition. Une fois transformé en homme-animal, Oliver Reed conserve une élégance et une noblesse qui achèvent de rendre mémorable cette œuvre d'épouvante colorée, tragique, sophistiquée... Un classique, qui a bien mieux traversé les ans que la version 1940.
En 1965, la firme Amicus produit Le train des épouvantes, un film à sketches réalisé par Freddie Francis dans lequel le Dr Terror incarné par Peter Cushing prédit l'avenir à ses compagnons de voyage ; bien entendu, tous sont condamnés à une fin funeste et imminente, dont l'une par abus de lycanthropie. C'est à nouveau Peter Cushing que l'on retrouve dans les deux films de loups-garous britanniques des années 70. D'abord dans The Beast must die (1974), resté longtemps inédit chez nous avant de sortir plusieurs fois en vidéo sous divers titres (Cinq griffes dans les ténèbres, Le mystère de la bête humaine) ; à nouveau produit par Amicus, il se concentre sur une intrigue façon Dix Petits Nègres, avec un petit groupe de gens parmi lesquels se cache un loup-garou tueur. En 1975, La légende du loup-garou (Legend of the Werewolf) est produit par Tyburn, mais réalisé par le Freddie Francis du Train des épouvantes. La dernière approche britannique au cours des années 70 semble être un épisode de la série Supernatural (1977, aucun rapport avec la récente) appelé The Werewolf reunion.

Espagne
L'actuel cinéma fantastique espagnol nous envoie la vision d'un pays plus adepte des fantômes et des morts-vivants que de la lycanthropie. Pas forcément faux, si l'on fait l'effort de se souvenir d'Armando de Ossorio, qui en son temps mettait en scène de mémorable templiers-zombies, et de l'inaperçu Rosamanta (aka L'Enfer des Loups) que réalisait Paco Plaza en... 2004. Pour autant, il s'est trouvé un homme qui, durant toute sa carrière, aura porté fièrement le flambeaux des poils et des griffes, composant à lui tout seul ou presque un loup-garou espagnol entré depuis dans les encyclopédies (et si ce n'est pas le cas, c'est une honte). Cet homme s'appelle Jacinto Molina. A ses débuts, il n'a rien d'un homme du métier. Haltérophile -il en héritera une atypique silhouette de héros trapu-, Molina est avant tout un fanatique de l'âge d'or d'Universal, et du loup-garou joué par Lon Chaney Jr. en particulier. Sautant le pas, celui que l'on nommera désormais Paul Naschy va faire vivre sa passion, portant à bouts de bras d'iconoclastes projets où il développera, film après film, un personnage créé à sa juste démesure : Waldemar Daninsky. D'Inquisiteur à écrivain, Waldemar Daninsky n'est jamais le même, mais tout les Waldemar partagent une bien gênante caractéristique : sitôt la lune pleine, voici qu'il leur pousse des poils. Scénariste et principal interprète, Paul Naschy garde l'œil sur sa création et impose un univers bien à lui au premier degré absolu, s'entourant de cinéastes davantage techniciens que réels auteurs (de là à dire qu'il s'agissait de prête-noms...). Avec le recul, pourquoi ne pas le dire : il est indéniablement dommage qu'El Hombre Lobo n'ai jamais bénéficié du coup de patte d'un maître, le cas échéant, nul doute que l'un ou l'autre des films composant la franchise Waldemar Daninsky (8 jusqu'en 1980) aurait atteint le statut de classique flamboyant. Il reste toutefois une tête qui dépasse de ce flot d'anonymes : Leon Les vampires du Dr Dracula (1968) : Qu'importe le titre, après tout...
Les vampires du Dr Dracula (1968)
Qu'importe le titre, après tout...
Klimovsky. Solide mercenaire du cinéma d'exploitation, à qui l'on doit entre autres choses une poignée de westerns transalpins, Klimovsky livrera, sans surprise, quelques uns des meilleurs épisodes de la saga.

Waldemar Daninsky donne son premier coup de griffes en 1968, dans le sobrement titré La Marca Del Hombre Lobo, qui sitôt traversé les Pyrénées deviendra l'abracadabrantesque Les Vampires du Dr Dracula. Une fois n'est pas coutume, l'intitulé ne ment pas totalement sur la marchandise, l'histoire proposée par Paul Naschy s'intéressant effectivement à un couple de vampires transformant les badauds en loups-garous au sein de leur lugubre bâtisse. Inégal, Les Vampires du Dr Dracula a toutefois les qualités de ses défauts, Naschy y déballant savoureusement tout un attirail gothique avec l'exubérance naïve caractérisant tout passionné, tout en composant un Hombre Lobo au poil sombre qui pour le coup relève quasiment de l'inédit. Rétrospectivement, le film est essentiellement intéressant pour sa confrontation permanente entre l'univers anachronique de Paul Naschy et les très contemporaines années 60, carambolage plus ou moins harmonieux qui préfigure souvent l'ambiance "autre" du Baron Vampire de Mario Bava. Une caractéristique qui deviendra la marque (del hombre lobo) de fabrique de Paul Naschy, qui n'aura de cesse de plier la modernité de son époque au fantastique suranné qu'il aimait tant. Du reste, le film s'achève sur une empoignade carnassière entre deux loups-garous, ce qui fait toujours plaisir. La Marca del Hombre lobo est une pierre blanche. Pour le 7ème Art espagnol, dont le cinéma fantastique, en pleine résurrection, peine à trouver quelque chose à se mettre sous la dent sortis des premiers essais de Jesus Franco. Et pour Paul Naschy, qui verra sa carrière définitivement lancée et son rêve réalisé, devenant au fil du temps une figure reconnue et incontournable du cinéma populaire. Notons pour l'anecdote que l'ami Molina ne doit la cagoule du lycanthrope qu'au désistement d'un Lon Chaney Jr. respectueusement sollicité et que Les Vampires du Dr Dracula eut l'honneur d'une exploitation en 3D. Belle revanche pour un film dont à la base, personne ne voulait vraiment... En 1970, Paul Naschy persiste et signe un énigmatique Dracula contre Frankenstein, où il tient comme de bien entendu, le rôle... du loup-garou. Bien que les deux œuvres semblent de qualité égale, le cinéphage éclairé prendra soin de ne pas confondre ce titre avec l'éponyme signé un an plus tard par Al Adamson - qui pour sa part met en scène Lon Chaney Jr. ! Les vampires, Paul Naschy aime décidément bien ça, et il le prouve dans La Furie des Vampires (71), mettant entre les pattes velues de Waldemar quelques vampirettes sexys et une sorcière pour le dessert. Plus sanglant, plus charnel, La Furie des Vampires se pose comme le premier film vraiment solide de notre loup-garou espagnol et il n'est pas interdit d'y voir en outre un irrésistible classique du genre, l'ensemble étant en outre joliment emballé par le précédemment cité Léon Klimovsky, qui fait preuve d'un indéniable goût esthétique. Dans la jungle des retitrages sauvages, La Furie des Vampires ne devra pas être pris pour La Furia del Hombre Lobo sorti la même année (mais avant) où Waldemar se transforme en hombre lobo muy furioso après avoir été mordu par un Yéti. Soit. Plus classique -encore que tout soit relatif-, L'empreinte de Dracula en 1973 ne contient bien entendu ni Dracula ni même vampire, préférant mettre en scène Paul Naschy dans la peau d'une pauvre âme subissant la malédiction ancestrale jetée à la figure d'un de ses méchants ancêtres inquisiteur (à ce stade du dossier, vous devinerez de vous-même la nature de la punition). Un tantinet ronflant, L'empreinte de Dracula n'est au bout du compte relevé que par son introduction médiévale très kitsch et son casting féminin soigneusement choisi, sans oublier un très païen sabbat à l'érotisme lancinant. Le film reste une occasion de nous rappeler qu'avec la lycanthropie, l'Inquisition reste un des sujets fétiches de Paul Naschy, qu'il avait d'ailleurs déjà traité un an plus tôt dans El Espanto Surge de la Tomba. D'une manière purement subjective, nous pouvons dire que la série de Waldemar Daninsky atteint son paroxysme avec l'incroyable Dr Jekyll y el Hombre Lobo (1972), concept limpide débouchant sur un scénario aux circonvolutions échevelées, mêlant les fioles tordus du praticien de Stevenson à A poil Mister Hyde !
A poil Mister Hyde !
l'univers embrumé de Paul Naschy, dans un Londres hésitant entre errances seventies et gothisme de bon aloi. Comme toujours d'un sérieux papal quand il ne titille pas explicitement le tragique, le film bénéficie de quelques idées excentriques (Mr Hyde va aux putes, une transformation en boîte de nuit...), ainsi que de la quadruple (!!) performance de Paul Naschy, qui quand il ne campe pas Waldemar et sa face lycanthrope, se voit octroyer le rôle de l'âme damnée du Dr Jekyll, avant de logiquement (si si) muter en un Hyde-Garou bien mal embouché. A la barre, Leon Klimovsky, garant d'une rigueur formelle et d'une illusion de cohérence qui n'était pas acquise d'avance. Enfin, si Dr Jekyll y el Hombre Lobo reste, vous l'aurez compris, le petit chouchou de l'auteur de ces lignes, il serait néanmoins indécent de passer sous silence le fol La Maledicion de la Bestia, où le brave Waldemar retourne au Népal (diantre, la première fois ne lui avait pas suffit ?) affronter un scénario nonsensique et botter les fesses poilues de l'Abominable Homme des Neiges, histoire que tout le monde participe à la fête. Népal dont Waldemar reviendra dans le bien nommé El Retorno del Hombre Lobo, que Paul Naschy réalise lui-même pour l'occasion. Nous sommes en 1981, il était temps. Le temps de boire un petit Redbull, el Hombre Lobo profite d'être revenu pour apparaître en 83 dans La bestia y la espada mágica, toujours réalisé par Naschy. Chassez le naturel, il revient au garou... euh, au galop : Naschy réalisera également, en 1987, El aullido del diablo, où il autointerprète un rôle d'acteur jouant les monstres de cinéma -dont un Waldemar toujours aussi mal épilé.

A l'orée de cette période faste, conscient d'avoir marqué l'imaginaire collectif sans pour autant être dupe quant à sa réelle place dans le patrimoine cinématographique mondial, Paul Naschy, continue sa carrière d'acteur-scénariste-cinéaste. Brian Yuzna se souviendra ainsi de lui dans son très étrange Rottweiler, où il campe avec brio un horrible pourri de technocrate. Mais les crocs de Waldemar ne le quittent jamais vraiment. En 1996,  c'est un homme-loup sexagénaire qu'il campe pour les besoins de Licántropo: El asesino de la luna llena, toujours scénarisé par ses soins . Et c'est aux côtés du zédard Fred Olen Ray que ce bon vieux Daninsky reprend du service, pour les besoins de Tomb of the Werewolf. Nous sommes en 2004, et s'il n'écrit plus rien, l'acteur Naschy n'est pas encore au chômage. Le 30 novembre 2009, le destin rattrape toutefois Jacinto Molina. Après avoir survécu aux balles d'argents, aux crucifix, aux élixirs étranges, aux morsures, au Yéti et à l'amour, El Hombre Lobo perd la bataille face au cancer. Que l'on se console, peut être qu'aux côtés de Lon Chaney Jr. et Oliver Reed, Paul Naschy est plus heureux là-haut qu'ici bas.

Italie
On aurait pu croire que c'est en Italie que le loup-garou européen prendrait son envol, sous l'égide de ces quelques réalisateurs bien trempés qui avaient, en leur temps, fait du gothique transalpin une des plus belles exploitations du médium. Et pourtant... non. Aussi incroyable que cela puisse paraître rétrospectivement, l'Italie n'a que peu exploité les grandes figures du bestiaire fantastique, exception faite peut-être de la créature de Frankenstein, qui traverse les Alpes le temps de quelques incroyables bisseries. De fait, peu de Lupi Mannari dans le cinéma rital post-Mario Bava, si ce n'est peut être deux œuvres mettant un point d'honneur à n'entretenir aucun rapport avec le classicisme américain. 1962 voit ainsi débouler un peu fanfaronnement nommé Lycanthropus, rebaptisé aussi sec d'un plus poétique Le Monstre aux Filles. Un titre français à l'esprit très giallo, qui pour une Lycanthropus (1962) : Anagramme de
Lycanthropus (1962)
Anagramme de "lycan au stupre"
fois correspond bien à ce film de loup-garou peu conventionnel qui relègue le mythe au second plan au profit d'un thriller labyrinthique, où un pensionnat de jeunes filles est menacé par un tueur au surnaturel ambigu. Dans l'ombre de cette petite réussite, le scénariste Ernesto Gastaldi, dont le nom parsème le cinéma italien (Mon nom est Personne, La Rançon de la peur, Il était une fois en Amérique, 2019 après la chute de New York...), qui écrira par la suite, justement, quelques efficaces gialli (L'Homme sans émoire, Crime au cimetière étrusque). Plus ou moins convainquant lorsqu'il touche au fantastique, du fait d'effets spéciaux que l'on qualifiera de sommaires, Le Monstre aux Filles, à défaut de marquer les esprits sur le terrain de la lycanthropie, reste intéressant dans sa façon de préparer le terrain à un genre typiquement italien, qui, signe qui ne trompe pas, trouvera son coup d'envoi officiel avec La Fille qui en savait trop de Mario Bava, sorti un an plus tard. En Italie comme ailleurs, les années 70 amènent comme de juste un wagon d'audaces farfelues. Ceci permet à Salvatore di Silvestro de signer une drôle de curiosité : La Louve Sanguinaire (1976). D'aucun diront au visionnage que cette entreprise n'était qu'un énième prétexte pour l'auteur de A 15 ans dans l'enfer d'Amsterdam et des Nuits chaudes de Cléopâtre de jouer les érotomanes. Nous n'irons pas jusqu'à dire que c'est archi-faux, mais il convient également de voir la Louve Sanguinaire au-delà des scènes dénudées qui l'émaillent. Dans un mélange revigorant de drame gothique et de rape and revenge, nous suivons ainsi le destin de Daniella, sexophobe (!) hantée nuit après nuit par d'affreux cauchemars où elle se transforme en louve-garou. D'une photogénie certaine, surélevée par la musique lancinante de Susan Nicoletti, il n'est pas interdit de voir en La Louve Sanguinaire un juste précurseur de La Compagnie des Loups, les deux titres associant lycanthropie et science des rêves. L'amateur de cinéma déviant appréciera du reste l'érotisme ambiant, les errances gores et les transformations cocasses de cette œuvre indéniablement à part.

Mexique
Lorsqu'on évoque le cinéma bis à consonance latine, il est bon ton de citer l'Espagne et l'Italie. C'est faire involontairement abstraction du Mexique, dont la tradition de cinéma populaire non seulement n'a rien à envier à ces deux pays (à la grande époque des spaghettis, le Mexique produisait ses propres westerns) mais aussi se distingue par un délicieux sens de la démesure, il est vrai amplifié par un folklore local souvent excentrique se mélangeant allégrement aux dernières tendances étrangères. Le loup-garou trouvera en ce terrain de jeu un juste épanouissement, voyant son modèle anglo-américain accommodé à la sauce tortilla. C'est ainsi qu'en 1960, Lon Chaney Jr. traverse le Rio Grande pour les besoins d'un bien foutraque Le Fossoyeur de la Pleine Lune (La Casa del Terror), où un sinistre praticien ramène à la vie une momie égyptienne -dont l'âme a pris soin de revenir de l'Au Delà avec pantalon et chemise- qui se transforme aussi sec Le fossoyeur de la plein lune (1960) Con comme la lune
Le fossoyeur de la pleine lune (1960)
Con comme la lune
en loup-garou au lycanbrushing impeccable. Sous les bandelettes puis les poils, le principal intéressé grogne sans grande conviction et se fend d'une prestation plutôt fonctionnelle, il est vrai mal aidé par les fréquentes ruptures de ton de cette iconoclaste œuvrette hésitant constamment entre frissons de l'angoisse et comédie vaudevillesque, un intermède musical s'intercalant même au beau milieu. Cela n'empêchera pas de trouver au milieu de ce chaos quelques uns de ces impondérables qui rendaient le fantastique à papa si savoureux, à l'image de ce savant forcément fou, vague sosie latin de Boris Karloff, se perdant en logorrhées péremptoires dans son labo clignotant. Et c'est d'ailleurs au Mexique que Lon Chaney Jr. tournera son dernier film de loup-garou, à l'occasion du désormais perdu Face of the Screaming Werewolf (1964)... au sujet sensiblement similaire. Au regard des informations existantes quant à cet incunable, Face of the Screaming Werewolf nous apparaît comme une sorte de patchwork composé, donc, du Fossoyeur de la Pleine Lune, agrémentée d'extraits de La Momie Aztèque, pour le coup un véritable classique du cinéma de genre mexicain. Une bande-annonce venue du fond des âges reste néanmoins visible par la magie de l'Internet, laissant entrevoir un résultat très peu glorieux. Faisons donc comme l'a voulu le destin, en condamnant à l'oubli ce point final au seul rôle vraiment marquant d'un Lon Chaney Jr. à jamais encombré par l'ombre de son prestigieux paternel.

Mais rechercher les traces du loup-garou au Mexique, c'est avant tout croiser la route d'une sacro-sainte figure de la culture populaire mexicaine : le lutteur masqué. Farouche représentant du très apprécié catch local -la lucha libre-, vénéré tel un super-héros, objet de culte et de mystères (Blue Demon n'a-t-il pas été enterré vêtu de son masque ?), le catcheur masqué trouve une juste déclinaison au cinéma via une ribambelle de films aux titres fleuris. Parmi les personnages mis en scène, c'est Santo au masque argenté qui remporte bien entendu la palme de la popularité, Santo qui s'illustrera dans une litanie d'œuvres souvent réjouissantes où il exerce la fonction couteausuissesque de catcheur-détective-justicier face à d'illustres représentants du bestiaire fantastique, local ou non. Entre vampires, Martiens, Llorana et autres momies, Santo trouvera ainsi le temps de tataner du lycanthrope en 1963 dans Santo au Musée de Cire, ainsi qu'en 72, dans le très curieux Santo Contra Las Lobas. Cet opus, que l'on pourrait approximativement traduire par Santo contre les Louves, oppose le susnommé à la Reine des Louves-Garous (pourquoi pas) et ses sbiresses poilues. Malgré quelques seconds rôles cabots (!) et les sempiternels matchs de lucha entrecoupant les péripéties, cet atypique épisode campagnard étonne par sa noirceur et la sauvagerie de ses attaques lycanthropes frôlant parfois le gore, tandis que son dernier acte abrupt achève de prendre le spectateur à revers. Les amateurs attentifs noteront par ailleurs l'ambiance western rappelant parfois les 7 Mercenaires, dont la boucle s'autoboucle dans un plan final semblant sortir d'un chambara. Tout ceci nous amène au mouvementé Santo y Blue Demon contra Dracula y el hombre lobo (1973), au titre sans ambigüité. Pensé pour toucher un large public, Santo y Blue Demon contra Dracula y el hombre lobo (on ne s'en lasse pas) se pose comme un spectacle complet pour petits et grands, la caution familiale, empêchant la présence d'érotisme léger, se voyant compensée par une utilisation appréciable de la
minijupe sur l'intégralité du casting féminin (au grand bonheur de Santo, dont quelques œillades lubriques ont été oubliées au montage). Si malgré son titre Santo Y Blue Demon (...) reste moins exubérant que les délires gothiques-toc de l'excellent Santo contre les Femmes Vampires, le spectateur amusé ne pourra que trouver du plaisir en un dernier acte jubilatoire où Santo et Blue Demon distribuent des grosses baffes à un wagon de figurants-garous grimés à la Demis Roussos. La majorité appréciera, du reste, la classe toujours intacte de Dracula, qui après avoir ressuscité bien sapé et coiffé à la mode 70's, se montre toujours prompt à s'entourer de jolies jeunes femmes. Notons également pour faire bonne bouche que trois ans plus tôt, ce dynamique duo se distinguait dans Santo y Blue Demon contra los Monstruos, titre sibyllin camouflant une ahurissante tentative de versus géant où le sémillant Santo a maille à partir avec, prenez votre respiration, le double maléfique de Blue Demon, une momie en papier-cul, un Dracula à la triste figure, une vampirette en bikini, un Frankenstain (sic) en complet-veston et un loup-garou mal épilé, sans oublier une horreur caoutchouteuse semblant échappée d'un kaiju. D'aucun diront que tel film ne peut être mauvais : ce n'est pas franchement faux.
Le panorama du loup-garou mexicain ne serait toutefois être complet sans El Charro de la Cavaleras (1965), sidérante histoire d'un sous-Zorro en prise avec un lycan en chemise à carreaux, un vampire mal réveillé et le Cavalier Sans Tête qui passait par là. Un bout de péloche qui n'évite pas l'éclat de rire, mais dont on ne peut que louer la sincérité et le rythme bondissant. Et surtout, la même année se distingue également une assez saisissante tentative de "vrai" film de loup-garou avec La Loba. Loin des œuvres délirantes précédemment citées, La Loba fait montre d'un suspense rondement mené et d'un esthétisme soigné, auquel s'ajoute une ambiance tragique doublée d'un sadisme tout latin. La Loba bénéficie en outre de la présence de Kitty De Hoyos, nappant le tout d'un érotisme troublant, notamment à l'occasion d'une transformation lascive où, nue comme un ver, elle laissera échapper sa nature bestiale en se tortillant à terre. Malgré des effets spéciaux en dents de scie -les pieds lycanthropes ressemblent à s'y méprendre à des pantoufles "griffes d'ours"- La Loba pourrait figurer sans honte aux côtés des films gothiques réalisés par Corman.


Années 80-90

USA
Après une désertion presque complète des loups-garous à la fin des années 70, ils reviennent en pleine forme au tout début des années 80, avec trois classiques en l'espace d'à peine deux ans : Hurlements, Le loup-garou de Londres et Wolfen. Le premier mérite qu'on s'y attarde longuement, non seulement parce qu'il est le premier (sorti en 1980), mais surtout parce qu'il est à ce jour le seul film à avoir lancé une longue saga numérotée autour du thème de la lycanthropie. On ne peut Hurlements (1980) : L'enfer de Dante
Hurlements (1980)
L'enfer de Dante
pas louer la cohérence ni la qualité des suites produites sous le label Hurlements (The Howling en v.o.), mais on se doit de respecter leur quantité : six ont vu le jour de 1985 à 1994, et un "reboot" (c'est à la mode) se profile pour 2010 sous le titre The Howling Reborn. Hurlements premier du nom, réalisé par un Joe Dante formé à l'école Roger Corman, jouit de trois atouts : le ton décalé propre au réalisateur malicieux (que l'on retrouvera de façon plus flagrante encore dans les deux Gremlins), un casting en or où l'on croise aussi bien des vieux de la vieille (John Carradine, Patrick Macnee, Slim Pickens) que des membres de la "famille" Dante (Dick Miller, Robert Picardo, Roger Corman, Kevin McCarthy), et surtout une représentation des loups-garous particulièrement efficace (effets spéciaux de Rick Baker et surtout Rob Bottin), notamment dans une scène de transformation anthologique de Picardo. Le scénario est à la fois novateur et respectueux des classiques, auxquels il rend notamment hommage en attribuant à la plupart des personnages les noms des prestigieux réalisateurs cités précédemment dans ce dossier : George Waggner, Terry Fisher, Erle Kenton, Fred Francis... Le succès critique, festivalier et public du film ranime la popularité défaillante du loup-garou et génère la mise en chantiers de nouvelles productions. La première "suite" met pourtant cinq ans à se manifester : Hurlement 2 - Horror (notez d'une part l'inexplicable absence de "s" à Hurlement, d'autre part le pittoresque titre v.o. Howling II: Stirba Werewolf Bitch) sort en 1985, affichant au générique un Christopher Lee déjà iconique depuis une vingtaine d'années (oui oui, aujourd'hui nous sommes une nouvelle vingtaine d'années plus tard, et Lee tourne toujours, plus iconique que jamais). D'ailleurs, le film est une belle iconerie dans laquelle les mythes du loup-garou et du vampire semblent joyeusement mélangés, pour ne pas laisser paraître la grande faiblesse d'un scénario-prétexte vite oublié ; le tout se clôt sur un bon vieux rock 80s qui réconcilie auteurs et spectateurs autour d'un bon secouement de cheveux. En 1987, Hurlements III (sous-titré The Marsupials) est à nouveau réalisé par Philippe Mora, qui plombe une deuxième fois la série d'incohérences : aucun des personnages ne provient des films précédents (ni ne reviendra dans les suivants), les loups-garous meurent sans qu'il soit nécessaire de recourir à des balles en argent... Devant cette bérézina, il semblait nécessaire de redresser la barre en se retournant vers le roman de Gary Brandner qui constitue la base de la saga : Hurlements 4 (1988) est donc sous-titré The original nightmare, et constitue malgré sa numérotation un "re-boot" (Seigneur Dieu, on en sera déjà au deuxième reboot cette année !) de l'ensemble. A l'ordre du jour : du sérieux, du suspense, et un jeune premier du nom de Michael T. Weiss, pas encore héros de la série TV Le Caméléon ; pas de bol, le résultat est tout simplement ennuyeux, sans relief, et (scandale !) avare en loups-garous. Le cinquième opus tourné l'an suivant, La renaissance (The Rebirth), trahit un budget très serré mais astucieusement exploité : après un prologue situé au Moyen-Âge, l'intrigue se la joue Dix Petits Nègres comme dans The Beast Must Die. Les plans de loups-garous se comptent sur les doigts de la main, mais ils sont utilisés plusieurs fois, pour les amateurs de comique de répétition. Débordant sur les années 90, la série subit en 1991 un sixième opus appelé Les monstres (The Freaks), et en 1994 un ultime Nuits de pleine lune (New Moon Rising), qui récolte une note de 1.6/10 de la part des votants du site imdb. Tous ces Hurlements sont disponibles en DVD cheap et mal doublés, mais en-dehors du premier, aucun ne mérite d'être acheté à plus de 2.99€ (heureusement, c'est généralement leur prix).

Le loup-garou de Londres (1981) : La cuisine anglaise, ça fait mal
Le loup-garou de Londres (1981)
La cuisine anglaise, ça fait mal
En 1981, Le loup-garou de Londres vient confirmer le retour en grâce du monstre poilu ; le réalisateur s'appelle John Landis, et s'y connaît en poils puisqu'il a notamment signé l'incroyable nanar assumé Schlock, le tueur à la banane, avant de connaître le succès avec Les Blues Brothers. Aussi plaisantin que Joe Dante (tous deux se retrouveront une vingtaine d'années plus tard dans la série Masters of Horror), le cinéaste envoie deux gringalets yankees en pleine lande britannique, là où le chien des Baskerville faisait déjà des siennes cent ans plus tôt ; malgré les débordements comico-macabres de Landis, l'élément lycanthropique est traité avec soin, et bénéficie de maquillages comparables à ceux du premier Hurlements. Ils valent d'ailleurs l'Oscar des effets spéciaux à Rick Baker, qui faillit ne pas être du projet à cause de son engagement sur... Hurlements ! Les effets sonores ne sont pas en reste : le cri du loup-garou nécessita, selon le réalisateur, de mélanger ceux de six ou sept animaux. Très peu de temps après, le film Wolfen propose une histoire de loups-garous ricains et urbains, avec flics new-yorkais à leurs trousses (Albert Finney). Les studios Warner misent sur l'innovation technologique pour faire un succès (procédé "Megasound", matériel de prises de vue créé spécialement pour représenter la vision nocturne des loups-garous), mais le film s'efface devant les visions plus personnelles de Dante et Landis.

En 1983, Michael Jackson fait appel au Landis du Loup-garou de Londres pour réaliser le clip de sa chanson Thriller : quoi de plus naturel, puisqu'il s'y transforme en loup-garou au rythme d'une danse endiablée... les fans noteront l'affiche de Schlock dans le décor. En 1985, Stephen King s'engouffre dans la mode lycanthropique en signant le scénario de Peur Bleue, tiré d'une de ses nouvelles. Le film est oubliable, et présente finalement mois d'intérêts que ses deux contemporains pleins d'humour : le foutraque Transylvania 6-5000 avec Jeff Goldblum (un milk-shake des monstres classiques, assaisonnés d'humour adolescent et saupoudré de romance facile avec Geena Davis), et surtout Teen Wolf avec Michael J. Fox. Combinaison de teen-movie, de film sportif (le loup-garou fait du basket !), de comédie romantique (avec une majeure de comédie), et de fantastique pas trop teinté d'horreur, Teen Wolf est un irrésistible semi-classique des années 80, à la fois annonciateur de Retour vers le futur, précurseur de la série Le loup-garou du campus et véritable joyau d'humour décomplexé. La suite pointe son nez deux ans plus tard sous le titre Teen Wolf too, mais le remplacement de Michael J. Fox par Jason Bateman ne permet pas de retrouver la fraîcheur de l'original. La même année, The Monster Squad écrit par Shane Black (L'arme fatale) joue sur l'inévitable accumulation des monstres classiques, avec quelques jeunes balancés au milieu ; idem en 1988 dans Waxwork, où un Zach Teen Wolf (1985) : Marty McFly a du poil aux pattes
Teen Wolf (1985)
Marty McFly a du poil aux pattes
Galligan échappé de Gremlins se retrouve confronté à une collection de statues horrifiques qui attirent des victimes dans leur monde (la première est celle du loup-garou bien entendu, joué par John Rhys-Davies). Toujours au rayon du jeunisme : Lone Wolf (1988) montre deux étudiants utilisant un programme informatique pour prédire les futurs agissements d'un loup-garou tueur... La fin des années 80 recèle d'autres curiosités, telles que la courte série télé La malédiction du loup-garou (Werewolf, 1987 - cherchez pas le coffret DVD, ça n'existe pas), Les nouveaux Monstres sont arrivés (série remake des Munsters des années 60), Maman est un loup-garou (My mom's a werewolf, 1988), et surtout Curse of the Queerwolf (1988, inédit mais traduisible littéralement par La malédiction du loup-pédé) dans lequel, mordu par un travesti, un homme devient homo les nuits de pleine lune... Un humour fin qui fait probablement de ce film l'ancêtre de Poltergay !

N'en déplaise à ses détracteurs, Wolf est LE film de loup-garou majeur des années 90. Produit dans la foulée du Dracula de Coppola et du Frankenstein de Kenneth Branagh, le film de Mike Nichols semblait vouloir surfer sur le retour aux classiques de l'épouvante ; pourtant, le scénario fait la part belle à la métaphore et aux rapports humains, installant un triangle amoureux et une lutte de pouvoir entre Jack Nicholson, James Spader et Michelle Pfeiffer. Nicholson n'a guère besoin de maquillage pour jouer les hommes-animaux, et le public sort globalement déçu d'un film qu'il est pourtant permis de trouver original et envoûtant, porté par la musique d'un Ennio Morricone toujours talentueux. Les concurrents de Wolf ne pullulent pas dans cette décennie, et ni les derniers Hurlements, ni les direct-to-video Full Eclipse (1993, avec le badass Melvin van Peebles), Pleine Lune (Bad Moon, Wolf (1994) : A table ! (bis)
Wolf (1994)
A table ! (bis)
1996), Le loup-garou (Arizona Werewolf, 1996) et Lycanthrope (1998, avec Robert Carradine) n'ont durablement marqué les esprits.
Le salut du loup-garou se trouve apparemment du côté télévisé : deux épisodes des Contes de la crypte (The Secret et Concerto pour un loup-garou avec Timothy Dalton en chasseur), un épisode de Superboy (Werewolf, dans lequel Clark Kent affronte... devinez quoi...), un de X-Files (Métamorphoses / Phases, première saison), plusieurs de Buffy contre les vampires (Beauty and the Beasts dans la saison 3, Wild at Heart et New Moon Rising dans la saison 4)... ainsi que deux séries complètes consacrées au sujet : She-Wolf of London (1990, une seule saison), sur une étudiante mordue par un loup-garou, qui cherche un moyen de guérir son encombrante lycanthropie ; et la production canadienne Le loup-garou du campus (1999), avec son super-héros lycéen qui a curieusement l'air moins sérieux en loup qu'en humain. Evoquons également L'antre de Frankenstein (House of Frankenstein), un téléfilm de 1997 dans lequel un détective interprété par Adrian Pasdar enquête sur Frankenstein... lorsque sa copine se transforme en loup-garou et se fait enlever par un vampire. La totale, quoi.

Grande Bretagne
Fidèle à sa sobriété et son flegme légendaire, la Perfide Albion n'aura livré aux années 80 qu'une seule oeuvre. Mais quelle oeuvre ! 10 ans avant sa magnifique adaptation d'Anne Rice, Neil Jordan sortait La Compagnie des Loups, bric-à-brac freudien où s'entrechoquent psychanalyse du conte, lycanthropie innovante et chronique intimiste. Evoquant tour à tour Alice aux Pays des Merveilles et Le Petit Chaperon Rouge, La Compagnie des Loups nous emmène parcourir les rêves de la jeune Rosaleen, où se croisent jouets géants, diable distingué et hommes La Compagnie des Loups (1984) Certains ont un chat dans la gorge...
La Compagnie des Loups (1984)
Certains ont un chat dans la gorge...
mystérieux dont les sourcils se rejoignent et dont il faut se méfier. Pour son seulement deuxième film, Neil Jordan fait déjà preuve du sens esthétique qu'on lui reconnaîtra par la suite et donne corps à cet univers irréel, envoûtant et sexuel, qui trouvera son apogée dans un dernier acte d'une beauté pure. Au chapitre des superlatifs, il est également impensable de passer sous silence la vision complètement repensée de la transformation lycanthropique dont nous gratifie le film, où le loup, prisonnier de son enveloppe humaine, se doit de la déchirer pour goûter à l'appel de la nature. Une superbe curiosité, dont les niveaux de lecture et les chemins tortueux ne nous parlent finalement de rien d'autre que de la puberté et la fin de l'innocence.

Italie
Envers et contre tout, il faudra attendre l'inénarrable Claudio Fragasso (L'Autre Enfer, Zombie 4...) pour obtenir un film de loup-garou italien plus ou moins traditionnel. 1984 voit ainsi sortir Monster Dog, film très typé années 80 où cabotine tranquillement le clown macabre Alice Cooper. Quoiqu'on pense du film, Monster Dog a au moins le mérite de présenter une scène de transformation à la Hurlements, où notre rocker se change en loup-garou caoutchouteux. Malgré un personnage à sa juste démesure, l'intéressé ne trouvait ici que son premier et finalement unique rôle de premier plan, pièce de plus à apporter à une filmographie étrange d'où ne surnage que la défroque de clochard dans laquelle il se glisse pour les besoins du Prince des Ténèbres de John Carpenter. Monster Dog quant à lui rejoint la meute des joyeux nanars de Fragasso. Et le loup-garou italien celle des rendez-vous manqués.

France
Aux abonnées absentes depuis le début de ce dossier, la France se retrouve en 1997 à coproduire une commande pour John Landis, qui, devenue une belle salade russe, se voit réalisée par le britannique Anthony Waller. Remake-suite du Loup-garou de Londres, logiquement intitulée Le Loup-Garou de Paris, le film devient, par la force des choses et dans l'inconscient collectif, un film français (malgré les apports du Luxembourg, des Pays-Bas, du Royaume-Uni et, oui, des USA). Si la tentative de respecter le ton initial est louable et si l'on y croise une poignée de têtes d'affiche bien d'chez nous (Julie Delpy, Tom Novembre et Thierry Lhermitte), le Loup-Garou de Paris reste malheureusement une expérience assez désolante, dont la plupart des bonnes idées visuelles (une transformation dans une fontaine) se voient saborder par l'irruption d'un lycan virtuel déjà moche à l'époque. La logique aurait voulue que patrie de la Bête du Gévaudan soit à l'aise avec les hommes-bêtes, pourtant, c'est ainsi que la France refermait une parenthèse à peine entamée, prouvant une nouvelle fois que de tous les grands-mythes du cinéma fantastique, il n'y a vraiment le vampire a avoir suscité un véritable intérêt hexagonal. Le dernier sursaut en date appartiendra au cinéaste Eugène Green, américain devenu francophilissime, qui signera un furtif court métrage en 2002 sur la lycanthropie, Le nom du feu. Atypique, le projet fait la part belle aux dialogues et ne comporte pas d'effet spécial.


Années 2000

USA
On pourrait croire qu'avec le nouveau millénaire naîtrait une nouvelle génération de Van Helsing (2004) : Une haleine de chacal
Van Helsing (2004)
Une haleine de chacal
loups-garous. En réalité, le lycanthrope de l'an 2000 appartient essentiellement à une vague de retour vers les années 40, avec crossover vampirique et hommage aux classiques. Dès 2003, Underworld oppose le monde des "Lycans" à celui des vampires, dans une guerre ancestrale façon Capulet-Montagu où surnage la figure athlétique et sexy de Kate Beckinsale, armée jusqu'aux dents. L'ambiance sombre et bleutée ratisse son lot d'admirateurs, mais la saga s'essouffle dès Underworld 2 : Evolution (2005), trop secoué mais pas assez pulpeux (une métaphore oranginesque pour signifier que le volume sonore et les mouvements de caméra tentent de masquer l'absence d'intérêt du machin), et s'effondre avec Underworld 3 (2008), pourtant sous-titré Le soulèvement des Lycans ; Len Wiseman, réalisateur des deux premiers films, y avait cédé sa place au "Monsieur Effets Spéciaux" Patrick Tatopoulos. En 2004, Van Helsing se pose en remake bodybuildé de La maison de Frankenstein : le comte Dracula, un valet difforme, un loup-garou, la créature de Frankenstein, tout le monde répond présent dans le blockbuster de Stephen Sommers, déjà responsable de deux films de momies autoparodiques. Au casting, on trouve Hugh Jackman en chasseur de monstres surentraîné, et Kate Beckinsale (encore !) en argument esthétique. L'association garou / vampire sera de nouveau le cœur de la bluette Twilight 2 : Tentation, en 2009, sur laquelle on ne s'appesantira pas (de peur d'attirer des hordes de fans déchaînés sur cette page).

En 2005, le réalisateur Wes Craven n'a plus tourné depuis la trilogie Scream, achevée en 2000 ; avec la complicité du scénariste Kevin Williamson (justement à l'œuvre sur les deux premiers Scream), il s'attaque au mythe du loup-garou avec Cursed, dont il confie la vedette à Christina Ricci. Malheureusement, le film souffre de multiples réécritures, de remontages successifs, et finit par passer complètement inaperçu, marquant aussi peu les esprits que le Vampire à Brooklyn tourné par le cinéaste dix ans plus tôt avec Eddie Murphy ; Craven est décidément plus doué pour créer ses propres mythes que pour perpétuer les classiques. Le grand retour cinématographique du lycanthrope, enfin revenu à une carrière solo prestigieuse, n'a donc lieu qu'en 2010 avec Wolfman, le remake officiel du Loup-Garou de 1940, interprété par un Benicio Del Toro entouré d'Anthony Hopkins, Hugo Weaving et Emily Blunt ; les maquillages sont de Rick Baker, déjà auteur de ceux de Hurlements, Le Loup-garou de Londres, Wolf et Cursed.
Dans la deuxième moitié des années 2000, on remarque par ailleurs une forte concentration de téléfilms et de direct-to-video consacrés au sujet. Certains sortent Wolfman (2010) : Toro-garou
Wolfman (2010)
Toro-garou
un peu du lot, comme le Skinwalkers de 2006 avec ses séquences d'action agitées et ses créatures vaguement originales (qui sont des skinwalkers, pas des loups-garous, nous serine-t-on hypocritement) ; L'ordre du loup (Big Bad Wolf, 2006 également) qui bénéficie de la présence de Clint Howard, frère de Ron ; Un amour de loup-garou (Nature of the Beast, 2007), qui joue vaguement la carte de l'angle romantique, avec son jeune marié qui se découvre une nature animale ; Never Cry Werewolf (2008), inédit en France malgré sa vedette (hum) Kevin Sorbo, ex-Hercule télévisé ; et War Wolves (2009), déjà sorti en DVD français grâce à un casting presque décent où l'on trouve John Saxon et Adrienne Barbeau. On se contentera de lister leurs confrères, produits sur la seule période 2005-2006, introuvables mais aux titres pittoresques : Werewolf in Bangkok, Mexican Werewolf in Texas, Curse of the Wolf, Werewolf in a Women's Prison, Bloodz vs Wolvez ou encore Wolfika... Le plus "intéressant" du lot est probablement An Erotic Werewolf in London (2006), version lesbienne du classique de John Landis.
On note également l'épisode Heart de la série Supernatural (la récente, cette fois), dans lequel les frères Winchester tâtent du loup-garou. Encore plus fugitif : dans le double programme Grindhouse (2007) de Rodriguez et Tarantino, la meilleure des bandes-annonces bidons est réalisée par Rob Zombie sous le titre Werewolf Women of the SS ; avec Nicolas Cage en Fu-Manchu... Enfin, gardons pour la bonne bouche l'évocation de House of the Wolfman (2009), hommage direct aux vieux House of Dracula et House of Frankenstein ; en extra-guest, on y trouve Ron Chaney (!), petit-fils de Lon Chaney Jr. Le film s'apprête à être distribué en vidéo aux USA, ce qui n'était pas gagné d'avance.

UK
En réalité, la relève semble venir du Royaume-Uni en 2002. Situé dans une campagne anglaise paumée, Dog Soldiers est réalisé par Neil Marshall, futur Dog Soldiers (2002) : Engagez-vous, qu'ils disaient...
Dog Soldiers (2002)
Engagez-vous, qu'ils disaient...
réalisateur de The Descent et Doomsday ; usant de la lycanthropie comme d'une base pour un survival stressant où se débattent une escouade de militaires, le film remporte un franc succès chez les amateurs d'horreur qui tache. Il faut dire que Marshall privilégie une approche des plus sympathiques, maniant le gore et les ruptures de ton avec brio, jusqu'à un dernier acte prenant des airs d'Evil Dead poilu, avec tout ce que cela sous-entend de siège claustro et de gags à tripes. On ne regrettera qu'un filmage secoué destiné probablement à cacher la misère. Malheureusement, on ne croisera plus par la suite qu'un loup-garou guest-star chez le Docteur Who (épisode Tooth and Claw, époque David Tennant), une petite famille dans Blood & Chocolate avec Olivier Martinez (2007, coproduction anglo-germano-roumaine qui n'a pas dépassé l'étape du DVD), et un... lapin-garou dans Wallace & Gromit : le mystère du lapin-garou. On ne respecte plus rien.

Canada
A chaque décennie son loup-garou ? Une fois n'est pas coutume, celui des années 2000 est canadien.  Lorsque Ginger Snaps débarque, personne, pour ainsi dire, ne l'attend. Le film chez nous n'est qu'un direct-to-video, John Fawcett est un téléaste sans relief ayant oeuvré sur La Femme Nikita et Les Repentis (la série de John Woo), quand à Katarine Isabelle, dont la jolie frimousse orne la jaquette, sa filmographie reste relativement mince. Pourtant, Ginger Snaps fait son petit chemin et peu à peu, se taille une jolie réputation parmi les amateurs du genre. Justifié : Sous sa trame rincée (le récit suivant le quotidien de deux soeurs marginales dont l'une est mordue par un loup), le film est d'une inventivité sans Ginger Snaps (2000) : mais où sont Cracs et Pops ?
Ginger Snaps (2000)
Mais où sont Cracs et Pops ?
borne, harmonieux croisement entre Créatures Célestes et Hurlements. Porté par un duo d'actrices rafraîchissant -à Katarine Isabelle s'ajoute une Emily Perkins au charme rugueux-, Ginger Snaps, à l'instar de La Compagnie des Loups, met en relation les transformations bestiales de Ginger avec l'aube de sa puberté, faisant par la même occasion de la lycanthropie une maladie sexuellement transmissible. Empli d'un spleen communicatif, parfois très gore, élégamment réalisé et pourvu de cette petite lenteur qui caractérise souvent les chroniques adolescentes (il y a un je-ne-sais-quoi de Virgin Suicides), Ginger Snaps est peut être, n'ayons pas peur des mots, le film de "louve-garou" définitif, intelligent, mature tout en oubliant pas son statut de film de genre. Contre toute attente, cette oeuvre fragile au budget modeste tapera tellement dans l'oeil que deux petites soeurs lui furent données. Ginger Snaps n'étant pas film à appeler une franchise, le pire était à craindre, et pourtant, Ginger Snaps 2 : Résurrection (bravo !) relève du miracle, si ce n'est du choc. Prenant les chemins de traverse, le film s'intéresse à Brigitte, la soeur de Ginger, devenue fuyarde et droguée au poison empêchant la transformation lycanthrope de se répandre dans son corps. Plus lent, plus sombre, Ginger Snaps 2 oublie la mélancolie de son aîné au profit d'une réalité pessimiste, au point d'atteindre le statut de quasi-OVNI, l'ensemble pouvant être défini, au final, comme une sorte de drame avec des loups-garous dedans. Reprenant son rôle en solo, ou presque, Emily Perkins fait évoluer subtilement son personnage introverti vers une performance de junkie-garou assez mémorable, son physique frêle trouvant un juste écrin dans l'hôpital où se déroule les trois-quarts de l'action. Et si le dernier acte reprend avec efficacité ses droits de films d'horreur, l'auteur de ces lignes ne sais toujours pas si l'épilogue est l'un des plus beaux ou d'un des plus glauques jamais vu dans un film du registre. Ginger Snaps était l'épisode de Ginger, Ginger Snaps 2 celui de Brigitte, chacun des deux volets reprenant formellement les personnalités des deux soeurs, fluctuantes et extravertie pour l'une, sombre et névrosée pour l'autre. Logiquement, l'épisode en trop de la trilogie est le troisième. Réalisé par Grand Harvey -John Fawcett assurant le poste de producteur depuis le 2, mis en boîte par Brett Sullivan-, Ginger Snaps 3 : Aux origines du Mal limite la casse en se posant comme une préquelle nous emmenant en 1815 sur les traces des ancêtres de Ginger et Brigitte. Si ce Ginger Snaps 3 (ou Ginger Snaps 0) laisse regretter l'atypisme de ses aînés, il se pose néanmoins comme un film d'horreur réussi, dont le sujet -un fortin de soldat est assiégé nuit après nuit par des loups-garous- et le climat enneigé ne sont pas sans rappeler le succulent Vorace d'Antonia Bird. Les deux actrices originelles rendossent leurs personnages respectifs avec conviction et le tout fait montre d'une noirceur et d'une tension sexuelle appréciables.


Les Griffes de la Nuit

Après de timides débuts, les loups-garous ont investi le cœur des cinévores carniphages, dont ils font le siège depuis une soixantaine d'années. Porte-étendards de la violence et de la sexualité que l'homme contemporain refoule, ils sont là pour rappeler qu'on a toujours besoin d'un plus poilu que soi, ne serait-ce que pour se rassurer à propos de sa propre humanité. Seuls ou à plusieurs, mélangés ou non à d'autres types de monstres, ces grands canidés n'en finissent pas d'étoffer leur filmographie, bien qu'on y trouve finalement assez peu de classiques impérissables. Mais après tout, l'essentiel n'est-il pas qu'on les sache ficti... mais ? c'est la pleine lune ? je... g... rraah !... WOUUUUUUUUUHH !...