Wolfman
Cinéma / Critique - écrit par riffhifi, le 22/02/2010 (Tags : film wolfman loup garou films del toro
Un remake sobre et distingué du classique de 1941. On ne lui reprochera certes pas son casting (Benicio del Toro, Anthony Hopkins), mais quelques choix malheureux dans le scénario et certains effets spéciaux.
Commençons par évacuer un coup de gueule : sortir le film en France sous le titre Wolfman est une imbécillité. A moins de vouloir faire croire qu'il y est question d'un gus qui revêt un slibard moule-berlingot pour combattre le crime avec un masque de loup, il n'y a aucune raison sensée pour ne pas traduire The Wolfman par son
équivalent français logique, Le Loup-Garou. D'ailleurs, c'est le titre du film de 1941... Car oui, après soixante ans de variations sur le thème de la lycanthropie, Hollywood se fend d'un remake tout simple du classique Universal de George Waggner, un retour aux sources agréable qui, à défaut de révolutionner le genre, a le mérite d'être respectueux de son public.
Dans les grandes lignes, l'histoire est donc connue : Lawrence Talbot (Benicio Del Toro, qui reprend le rôle de Lon Chaney Jr.) retourne dans son Angleterre natale auprès de son père (Anthony Hopkins, successeur de Claude Rains), et subit la morsure d'un loup-garou qui lui transmet sa malédiction... Dans cette nouvelle version, de nouveaux ingrédients sont ajoutés dans la salade : le frère de Lawrence a été tué par le premier loup-garou, laissant une veuve éplorée (Emily Blunt) ; une enquête est menée par l'inspecteur Abberline (Hugo Weaving), célèbre pour avoir traqué Jack l'Eventreur... Le scénario se permet un certain nombre d'autres libertés avec
l'original, dont certaines peuvent laisser dubitatif : pourquoi, par exemple, les villageois tendraient-ils un piège à un loup-garou sans se munir de balles d'argent, alors qu'il semble de notoriété publique qu'elles sont nécessaires pour le tuer ?
Si l'on veut bien fermer les yeux sur les excès de zèle des scénaristes successifs (Andrew Kevin Walker, à l'œuvre sur Seven et Sleepy Hollow, a vu sa copie retravaillée par David Self), on pourra savourer à sa juste valeur le travail consciencieux du réalisateur Joe Johnston, qui décidément aime les histoires d'animaux : Jumanji, Jurassic Park 3... Artisan hollywoodien sans relief particulier, il parvient à restituer dans ce remake ce qui fait l'étoffe du film d'épouvante gothique : une photographie brumeuse où pointent les marécages de la lande anglaise, une galerie de personnages torturés qui évoluent en pleine époque victorienne, et des créatures dont les apparitions parcimonieuses sont d'autant plus efficaces qu'elles soutiennent une dramaturgie complète. Terrorisant, gore ? Non. Classe, solide ? Oui. Benicio Del Toro est un choix de casting incroyablement judicieux, puisqu'il parvient à ressembler simultanément à Lon Chaney Jr. et à Oliver Reed, interprète de La nuit du loup-garou en 1960 ; on retrouve d'ailleurs plusieurs éléments tirés de cette version : le port aristocratique de la chemise blanche pour la créature, sa propension à arpenter les toits... Johnston est décidément doué pour compiler de façon cohérente les imageries déjà existantes (du coup, on ne s'étonne pas trop de savoir ce bon petit soldat aux commandes du Captain America en préparation).
Autre bonne idée : privilégier les effets spéciaux "physiques" aux images de synthèse qui semblaient prévaloir ces dernières années (la trilogie Underworld, Van Helsing...). Les maquillages de Rick Baker sont à la hauteur de sa filmographie (Hurlements, Le loup-garou de Londres... déjà trente ans !), mais on déplore que certaines séquences, notamment les transformations, fassent appel aux ordinateurs plutôt qu'aux maquillages ou aux animatronics. A la musique, on retrouve un Danny Elfman à l'aise comme un requin dans l'eau, offrant une partition raffinée dont les accents rappellent par moment celle d'Eliot Goldenthal pour Entretien avec un vampire. Du coup, pour son casting, ses images, sa musique, son rythme "à l'ancienne" et son élégance, le film peut être considéré sans trop de peine comme un "classique de la lycanthropie". Peut-être pas un grand classique, mais un classique tout de même.