The Wrestler
Cinéma / Critique - écrit par riffhifi, le 10/04/2009 (Une fois n'est pas coutume, Darren Aronofsky s'efface derrière ses acteurs. Mickey Rourke prend toute la place dans ce film simple mais touchant, où le combat s'avère aussi rude dans la vie que sur le ring.
Certains acteurs disparaissent du feu des projecteurs après les avoir accaparés, puis ressurgissent quelques années plus tard pour regagner les faveurs d'un public perdu. On se souvient par exemple qu'après la Fièvre du samedi soir et Grease, Travolta s'était mis à prendre du poids et à végéter dans quelques Allô maman miteux, jusqu'au jour où Tarantino lui offrit le rôle de Vincent Vega dans Pulp Fiction. Dans le cas de Mickey Rourke, l'histoire est encore plus radicale : star charismatique de L'année du dragon et de 9 semaines ½, le bonhomme décida de privilégier sa carrière de boxeur à celle d'acteur, en fait de quoi il s'égara dans l'alcoolisme violent, la chirurgie esthétique enlaidissante et le tournage de gros nanars occasionnels. Revu en 2005 dans Sin City, Mickey semblait prêt à faire son come-back ; celui-ci mit pourtant trois ans à se concrétiser, grâce à la rencontre de l'acteur avec le scénario de The Wrestler.
Associé au projet, le réalisateur Darren Aronofsky parvint à imposer Rourke aux producteurs, au détriment de Nicolas Cage initialement pressenti.
Le scénario de The Wrestler présente des similitudes avec Rocky Balboa, tout en reposant sur un scénario totalement inverse : ici, Randy ‘The Ram' Robinson (Mickey Rourke) est un catcheur vieillissant dont la carrière se poursuit bon an mal an, et dont l'absence totale de vie sociale ou familiale ne devient visible qu'à partir du moment où un médecin lui annonce qu'il doit quitter le ring pour rester en vie. Redécouvrant tout d'un coup sa fille Stéphanie (Evan Rachel Wood), développant maladroitement une relation avec la strip-teaseuse Cassidy (Marisa Tomei), Randy évolue dans le vrai monde comme un poisson sur le sable du désert de Gobi. Là où le Rocky de 60 balais passait tout le film à se mettre en condition pour un nouveau match, The Ram s'évertue au contraire à accepter de vivre comme un retraité normal, lui qui ne connaît que le monde du catch, avec ses lutteurs-comédiens et ses codes brutaux mais sécurisants.
Darren Aronofsky est un cinéaste à l'univers visuel surpuissant : π, Requiem for a dream et The Fountain, qu'on les aime ou non, sont des expériences sensorielles sans comparaison, d'énormes trips dans lesquels l'interprétation des acteurs n'est qu'un élément d'une tornade visuelle et acoustique hallucinée. Dans The Wrestler, Aronofsky met son mouchoir sur les excentricités, et s'impose l'humilité de suivre ses acteurs caméra à l'épaule, sans effet de style voyant ni démonstration technique. Même le montage parallèle entre un combat et sa suite en coulisses apparaît étonnant de sobriété, en ceci qu'il illustre simplement le cheminement de pensée de Randy dans cette scène. C'est d'ailleurs la ligne de conduite qu'Aronofsky s'est fixé tout au long du film : suivre le héros (et son interprète abîmé) au plus près, afin de favoriser l'empathie. La caméra suit le plus souvent
La fonte : haineRandy de dos, montrant ainsi les évènements de son point de vue, ou le filme au contraire de face en occultant son environnement, pour mieux saisir sa réaction. Il est présent dans chaque scène, et sa perte de conscience va de pair avec un noir et un silence. Il fallait cette proximité formelle pour s'attacher au personnage, qui apparaît autant comme un has-been déphasé que comme un monstre d'égoïsme, et il fallait également la carrure et le vécu d'un Mickey Rourke pour lui donner l'étoffe nécessaire à sa crédibilité. L'acteur dit avoir réécrit ou improvisé la majeure partie de ses dialogues, et s'est investi dans les scènes de combat au point de se couper réellement le front à l'aide d'une lame de rasoir ; sa performance atteint un réel pic émotionnel dans la dernière scène, où l'on pardonne les accents mélo plus facilement que dans le reste du film. La description faire du monde du catch est elle aussi assez émouvante, rappelant que derrière la gaudriole souvent tournée en dérision, les lutteurs se déglinguent le corps au moins aussi violemment que dans les autres sports de combat.
Avec ce rôle touchant, qui lui a valu d'être nominé aux Oscars pour la première fois (Marisa Tomei a également été nominée, en tant que second rôle féminin), Rourke est revenu sur le devant de la scène et en a profité pour rejoindre le club des « stars seniors du cinéma d'action ». Il devrait être vu au cours des deux ans qui viennent dans (tenez-vous bien) Iron Man 2, The Expendables de Stallone, Rambo V, Sin City 2, les thrillers 13, Killshot et The Informers, ainsi que dans les drames Eleven minutes et Passion plays... Quant à Aronofsky, il devrait se révéler plus démonstratif dans son prochain projet, qui n'est rien moins qu'un remake de RoboCop.