L'année du dragon
Cinéma / Critique - écrit par riffhifi, le 17/06/2008 (Michael Cimino tire une de ses dernières cartouches avec ce film un peu bâtard, qui tient autant du western urbain perverti que de la réflexion post-Vietnam. Le tout est nimbé de quelques relents du Parrain.
Merci à TCM et à l'agence Heaven pour leur très sympathique projection-débat de ce film
En 1985, Michael Cimino sort d'une traversée du désert de près de cinq ans, suite à l'échec commercial de La porte du Paradis. Adapté d'un livre à succès qui puise lui-même ses sources dans la réalité, L'année du dragon est l'occasion pour lui de se refaire une réputation ; pour le scénariste Oliver Stone, le film constitue une opportunité de se faire bien voir du producteur Dino de Laurentiis, qui pourrait se décider à produire son projet Platoon ; et pour le spectateur ? il reste un produit un peu bâtard, conçu à la fois pour satisfaire le public amateur des Parrain ou de Scarface, et pour permettre à Stone et Cimino de remettre sur la table leur marotte : les conséquences de la guerre du Vietnam. Bavard et complaisant, le film reste un modèle de construction et propose quelques éruptions de violence mémorables.
Mickey maousseStanley White (Mickey Rourke), flic new-yorkais de choc et vétéran du Vietnam, se voit affecté au quartier de Chinatown. Bien décidé à débarrasser les rues de la mainmise des triades, il va se livrer à une croisade implacable au cours de laquelle il prendra le risque de tout détruire dans sa propre vie...
A sa sortie, L'année du dragon fut mal reçu aux USA, où il fut taxé de racisme par certains critiques incapables de faire la distinction entre les agissements d'un personnage et le discours global d'un film (les mêmes qui traitèrent L'inspecteur Harry de raciste en 1971, et probablement les parents de ceux qui - on en rigole encore - décrétèrent en 1998 que Starship Troopers était un film fasciste). En Europe, les critiques se pâmèrent au contraire devant le soin apporté au scénario et à la réalisation de ce chemin de croix quasi-christique mené par un personnage brisé par la guerre.
L'architecture du récit ne fait aucun doute : tout élément y trouve son contrepoint symétrique ou parallèle, comme l'adversaire de Stanley qui irrite lui aussi ses condisciples par son arrogance et sa volonté de bousculer les institutions en place. Là où Stanley choque ses collègues en fricotant avec une journaliste chinoise, son adversaire se choisit comme bras droit un afro-américain qui ne passe pas inaperçu. Lorsqu'il quitte l'appartement où vit sa femme catholique traditionnaliste, il se retrouve avec sa maîtresse dans un loft ultramoderne qui surplombe la ville. Mais toute cette géométrie ne sert finalement qu'un seul but :
Mickey est dingoconfronter le personnage à son obsession absurde d'américaniser Chinatown à la dure, façon John Wayne (notez d'ailleurs la statuette de l'acteur à côté du lit de Mickey Rourke) alors que lui-même a du mal à nier son origine polonaise récente, qui le rend moins américain que les Chinois qu'il tente de « civiliser ». Cette leçon d'histoire et de morale, Cimino la dispense à travers plusieurs scènes méchamment bavardes, qu'il tente de se faire pardonner à l'aide de quelques morceaux de bravoure (la scène du restaurant, dont John Woo lui-même avoue s'être inspiré dans The killer - c'est le dragon qui se mord la queue !). Pourtant, hormis la dégaine "Bruce Willis avant l'heure" de Mickey Rourke, peu d'éléments provoquent une réelle excitation dans ce polar trop appliqué, trop besogneux, trop concentré sur son discours pour prendre le temps d'être une bonne tranche de cinéma. Mais les aficionados de Michael Cimino trouveront certainement cet avis hérétique...