The Fountain
Cinéma / Critique - écrit par Vincent.L, le 29/11/2006 (Explosion visuelle et musicale
Raconter une histoire d'amour sur mille ans. Tel est le projet, un peu fou, qui a germé dans la tête de Daren Aronofsky après le culte Requiem for a Dream (2000). Passé six ans de combats avec des producteurs hollywoodiens, un budget revu à la baisse et un casting principal changé (exit Cate Blanchett et Brad Pitt, suite à un différent artistique avec l'acteur), The Fountain voit enfin le jour. Une chose est sûre, le film va diviser les spectateurs entre adoration et détestation. En effet, l'oeuvre est indéniablement spéciale et rare.
Un délice esthétique
Esthétiquement, The Fountain est une bénédiction. Un délice à chaque plan que l'on goûte sans retenue et que l'on aimerait sans fin. Au centre de cette réussite, des effets spéciaux majestueux, tout comme la lumière et les couleurs, qui rappellent constamment des teintes de jaune. Les plans dans l'espace sont tout simplement inoubliables, avec une sublime profusion de particules célestes. Sur terre, la neige ne manque pas de caresser les coeurs, en incitant de manière latente à se réchauffer tendrement contre l'être aimé. Aronofsky aime filmer des plans originaux, avec des effets de styles que l'on retrouve sur la longueur de la pellicule.
La musique de Clint Mansell, compositeur de Pi, Requiem for a Dream et plus récemment Sahara, s'accouple en parfaite harmonie avec les images. Interprétée par le Kronos Quartet et le groupe de post-rock Mogwai, elle est omniprésente. Elle permet de s'envoler dans l'étrange voyage spirituel proposé. Les violons et pianos rencontrent de subtils fragments d'électronique. Apogée de bonheur graphique et mélodieux, les dernières minutes éruptives pénètrent vivement l'épine dorsale.
La poésie avec une approche quasi muette
La force émotionnelle procurée par la peinture cinématographique est renforcée par les interprétations irréprochables de Hugh Jackman (X-Men 3) et Rachel Weisz (The Constant Gardener). Le premier excelle dans la représentation d'un homme torturé, passionné et valeureux. La seconde brille par sa délicatesse, sa présence et sa beauté. Alors que l'on pouvait s'attendre à une histoire d'amour riche en événements marquants, le réalisateur préfère s'attacher à l'intimité qui lie le couple. Avec poésie, il filme leurs corps en donnant une attention particulière aux détails. Grâce à des plans ultra serrés, il met en valeur la peau, les poils et cheveux, les regards et les larmes. Aronofsky a fait le choix d'exprimer l'amour avec une approche presque muette. Une approche où les répétitions de la vie, de ses peurs et de ses espoirs s'additionnent comme autant de moment à la fois ennuyeux, uniques et essentiels.
Dès lors, The Fountain manque-t-il de profondeur scénaristique ou est-ce justement ce qui fait tout son intérêt ? Difficile de savoir. Mais l'on ne peut s'empêcher de penser qu'il lui manque tout de même quelque chose. La magie aurait sûrement été accentuée avec plus de scènes confidentielles entre le couple et plus de moments épiques. Certaines répétitions apparaissent un peu lourdes, comme si le réalisateur était obligé de préciser son message d'amour éternel pour que l'Américain moyen le comprenne. Mystique, le long métrage frôle parfois le ridicule, comme lors de douteuses séances de lévitation.
Du XVIe siècle sombre et angoissant au XXVIe siècle psychédélique et songeur, en passant par un XXIe siècle déprimant, le film donne une sensation de vide pesant. Comme si les mondes étaient désincarnés. Comme si les poussières existentielles luttaient pour s'imposer dans un univers inhumain. Comme si la mort et la renaissance fusionnaient dans un silence bienfaiteur.