6/10MatriX Reloaded

/ Critique - écrit par Nicolas, le 17/05/2003
Notre verdict : 6/10 - Boys don't cry (mais quand même) (Fiche technique)

Tags : matrix film reloaded wachowski neo science matrice

Boys don't cry (mais quand même)

« Bienvenue dans le monde réel, cher visiteur ! Je me nomme Nicolas, et tu es à bord du Krineinadezard...Krineinzarda...Krineinazazar... de mon vaisseau. C'est un hovercraft, ça va un peu partout, c'est cool. Pour te résumer la situation, étant donné que tu viens seulement de t'éveiller à la réalité, le monde tel que nous le connaissons n'est qu'une immonde supercherie programmée par les machines du futur, devenu achement autonome depuis que l'intelligence artificielle évoluée est venu mettre son nez dans nos affaires. Ces petites cochonneries, elles nous "cultivent" dans des appareils gigantesques, récupérant les impulsions électromagnétiques de notre corps pour les transformer en énergie, pendant qu'elles emprisonnent notre âme dans un programme informatique appelée Matrice. Et toi, tu n'y voyais que du feu ! Quel sot tu faisais ! Je parle à la formé passée, car maintenant tu sais. Tu sais que nous sommes dans le futur, en guerre contre ces ignobles machines arrogantes, tu sais que tout ce qu'il subsiste de l'humanité libre s'est concentré dans une ville souterraine, Zion, et tu sais aussi qu'il reste de l'espoir. Car il y a l'élu. Neo. Un type qui se la raconte grave en esquivant des balles. Dans la matrice c'est un dieu. Et en plus, il a fallu que la belle Trinity en tombe amoureux. Tsss.

Pourquoi je t'ai réveillé ? Mais pour te montrer la vérité ! N'écoute pas le bla bla de Morpheus qui te persuade en trois phrases bien senties que tout va nous tomber dans le bec. Tu n'es pas au courant ? C'est vrai, tu viens de sortir de ton déchargeur de pile. Bon. Pour résumer, depuis six mois, les machines ont construite une foreuse, et creusent droit vers Zion. Pas de panique, l'opinion publique de notre chère ville souterraine boit les paroles insensées de Morpheus, qui révèle de grands talents d'orateur dès qu'il s'agit de prophétie et d'oracle. Neo file le parfait amour avec sa Trinity, profitant de la moindre petite opportunité pour vérifier les ressorts du matelas de leur chambre commune. Bon, le Neo, depuis six mois, il a légèrement élargi son domaine de compétences. Tu sais qu'il peut voler comme superman maintenant ? Si, je te jure, la même pose et tout et tout. Superman avec la technique martiale d'un Jet Li. Enfin presque. C'est qui Jet Li ? On s'en fiche !
Et outre cette foreuse un brin dangereuse, ils en ont eu des problèmes ! Entre l'agent Smith qui revient mettre son grain de sel avec une toute nouvelle capacité pas inintéressante, l'oracle qui s'amuse à brouiller les pistes, et sans compter Merovingian et Perséphone qui font...rien..., je dois dire que je n'aurais pas aimé être à leur place. Cependant, Neo, c'est pas une petite centaine d'agent Smith qui va l'arrêter, ni même le discours labyrinthique de Merovingian ou de l'oracle. Perso, j'aurais décroché depuis longtemps, à leur place. Pardon ? Tu as mal à la tête ? Tu aimerais te reposer ? Bien sûr, tu dois être crevé, avec tout ce que t'ont fait subir ces petites saletés de machines. Raaaa je les hais ! Ca tombe bien, de toutes façons, je dois me Reloader pour écrire une critique... »

L'idée de donner une suite à MatriX n'était pas si mauvaise, à la base. Surtout que compte tenu du succès critique/public de ce dernier, les frères Wachowski pouvaient compter sur une totale liberté et un budget démultiplié. Et en admettant que ce triomphe n'était pas une coup de chance ou un éclair de génie, oui, un retour dans la matrice faisait figure d'évènement inratable pour tout cinéaste qui se respecte. Mais cette réussite intégrale que fut MatriX à sa sortie s'effrita avec les années, dégageant une attitude plutôt grotesque selon laquelle le film n'inventait rien et n'était rien de plus qu'un plagiat de beaucoup de domaines en même temps. Il faut dire que les frères réalisateurs ont ratissé large : Références littéraires (Lewis Caroll, peut-être un peu de K. Dick aussi), mythologiques (La Prophétie, l'Oracle, l'Elu), également à la culture manga (Ghost In The Shell, Akira)... de nulle part émergèrent différentes théories qui impliquait le scénario dans un vaste mélange d'idées pompées, attribuant à MatriX un succès non mérité.
Pourtant, il est juste de voir MatriX tel qu'il est vraiment. C'est à dire, un film de Science-Fiction piochant généreusement dans le cyberpunk, dont l'apport principal est vraisemblablement la créativité visuelle révélée par les frères Wachowski. Allier une technologie moderne des effets spéciaux sur un scénario concret, sans devenir une galerie de démonstrations techniques, c'est là leur principal point fort. Personne n'a dit que le scénario de MatriX était sans précédent, personne n'a dit qu'il regorgeait d'une intelligence philosophique laissant sans voix. Mais une chose ne peut être contestée : MatriX a mis en lambeaux le cinéma d'action tel que nous le connaissions, et l'a révolutionné pour des dizaines d'années à venir. Il suffit de lister le nombre de films qui s'en sont inspiré, ou même qui l'ont parodié. Etre parodié, c'est être consacré.
2003. La fameuse "année MatriX". MatriX Reloaded en mai, MatriX Revolutions en novembre, neuf courts métrages de dix minutes en moyenne (les "AnimatriX"), et un jeu vidéo "Enter The MatriX". Et pour l'occasion, les choses ont été faites en grand. Car chacune de ces entités apparemment autonomes se recoupent pour se développer. Ainsi, les AnimatriX "Dernier Vol de l'Osiris" et "Histoire de l'Enfant" ainsi que quelques niveaux du jeu vidéo apportent des explications complémentaires sur tel ou tel événement du film MatriX Reloaded. Il n'est pas nécessaire d'être en possession de toutes les informations pour comprendre la trame scénaristique, mais c'est un plus. Bref...

Cette fois-ci, plus question de codes d'accès à Zion, les machines optent pour la bonne vieille méthode, creuser. Neo (Keanu Reeves), à la fois décrié et adulé, est devenu l'atout majeur des humains. Dans le monde réel, il n'est qu'un pion parmi la foule de rescapés agglutinés dans les tréfonds de la planète. Dans la Matrice, rien ne peut l'arrêter. Et surtout pas les agents. Le bougre peut même voler maintenant, ce qui ne sera pas superflu, reconnaissons-le. Pour planter le décor, disons que Morpheus (Laurence Fishburne) parvient encore à garder la confiance du peuple de Zion, mais qu'il préférerait remettre la main sur l'Oracle pour en savoir plus sur la prophétie. Et l'intrigue scénaristique tient partiellement sur ce point un peu large : l'interprétation de la prophétie et le rôle de l'Oracle.
Je précise partiellement, car il était hors de question pour les Wachowski de se tenir à une quête d'identité banale. Après tout, MatriX est un film d'action. Et sur quoi reposait l'action du premier film ? Les combats de kung-fu et les gunfights. Pour une raison qui pourrait devenir existentielle, il a été décidé de ne garder que les combats de Kung-Fu. Et c'est limite si lesdites scènes ne semblent pas avoir été imposées avant même que le scénario ne soit écrit. Ca revient à : « Salut ! Tu es l'élu ? » « Oui. » « Alors BATTONS-NOUS ! ». Bon, on commence à le savoir que Neo c'est l'élu machin, qui tatane tout bidule, et que personne ne peut l'arrêter. Nous le démontrer trois fois, cela revient à un épisode de Walker Texas rangers. Comparaison un peu violente, je vous l'accorde, mais les deux mentalités se ressemblent. C'est chorégraphié, c'est joli à voir, mais ça apporte pas grand chose ni à l'histoire ni au film en général. Mais des quelques scènes de combat que MatriX Reloaded comporte, une sort franchement du lot et s'impose comme l'une des deux scènes monumentales du film. J'ai introduit l'affrontement titanesque entre Mr Elu et une bonne centaine d'agent Smith (Hugo Weaving), un véritable cauchemar pour réalisateur, réglé au millimètre et sans aucun temps morts. Tellement rythmé qu'on est parfois limite de décrocher et de s'impatienter.
La deuxième scène monumentale, consiste en une course poursuite hallucinante sur une autoroute entre agents, Trinity (Carrie-Ann Moss), Morpheus, les vilains jumeaux (Adrian et Neil Rayment), et un paquet de voitures de police. Une volonté manifeste d'enfoncer pour la décennie le moindre petit road trip qui se voudrait un peu tourné action. Ca froisse de la taule, ça dé-douille un peu, ça fonce à contre-sens à tout berzingue, et ça subjugue totalement ! Bien sûr, pas exempt de défauts, comme une certaine incohérence dans les stratégies respectives des participants, et un ou deux moments plutôt moyens (tel la mini baston à l'intérieur d'une voiture).
Mais qu'y a-t-il entre les scènes d'action ? Le côté découverte façon « c'est pas sorcier » passe complètement à la trappe pour une sorte de profondeur philosophique et/ou religieuse, une sacré migraine proposée en Panavision. Il n'est pas rare que les interlocuteurs démontrent leur maîtrise de la langue en produisant quelques phrases bien construites, plutôt lentes à être digéré par le cerveau, tellement lourdes que nos petits méninges ignorent involontairement une large partie de la discussion. Ou peut-être est-ce dû à la médiocrité de la réalisation, qui se contente d'alterner les visages tout en noyant les petites zoreilles sous un flot sauvage de sentences philo-naisieuses. Car dix minutes pour aboutir à « c'est mon choix », sans rapport avec l'émission télé, ça frise le ridicule. De plus, une tentative de réflexion profonde se voit suivre presque systématiquement d'une scène de baston chorégraphiée - câblée, essai flagrant de relancer l'intérêt fissa.
Et s'il n'y avait que ça ! Un deuxième opus passant forcément par l'apport de nouvelles têtes, Reloaded n'échappe pas à la règle. Smith, pourtant plus puissant qu'avant, n'apparaît même plus comme le grand méchant tout vilain qui veut éradiquer les gentils humains. Il se retrouve remplacé par trois nouvelles têtes d'agents, dont Daniel Bernhardt (Bloodsport IV), qui n'ont visiblement pas assez d'importance pour se faire respecter (Neo les ridiculisant sans fatigue). Attendus comme des prétendus "virus", les jumeaux au scalpel joueront finalement un rôle plus que minimal "d'hommes de main" un peu spéciaux et bien vite expédiés. Et alors, que dire de Lambert Wilson et de Monica Bellucci, sur-médiatisés pour leur présence dans Reloaded et qui ne feront figure que d'apparitions ! Je ne parle pas du "maître des clés", volontairement, nouvel élément de la matrice à l'implication douteuse voire consternante.
Si on parlait un peu du scénario ? Reloaded innove de son prédécesseur en rapprochant plus sa problématique de Zion. En d'autres termes, visite guidée de la ville souterraine et approche sociale de la vie communautaire de ses habitants. Alors évidemment, l'absence de bases allonge la rencontre et s'attarde sur un tas de détails pas trop "utiles" (= "intéressants"). Et à côté, l'intrigue du film fleurit progressivement en une idée pas si idiote qui chamboule violemment plusieurs des concepts fondateurs de MatriX. Dit comme ça, on est tenté de signer. Le problème, c'est que l'intégrale de ce nouveau principe matrixien sera expliqué en deux temps trois mouvements dans un discours fleuve qui nous ramène aux délires philosophiques cités plus hauts. Et avant tout ça, c'est un petit délirium qui sert plus ou moins de remplissage. Sans compter le couple Neo-Trinity qui se la joue un peu trop Melrose Place, les chevilles de Morpheus qui enflent, et le nouvel opérateur creux comme un Kinder Chocolat sans sa surprise.
Enfin, car il fallait un enfin, la BO métal disparaît pour une petite composition techno et symphonique, s'incrustant plutôt habilement à l'action jusqu'à se faire totalement oublier.

How disappointing ! MatriX premier du nom domptait sa fantastique puissance visuelle pour les mettre au service du scénario, c'est exactement le schéma inverse pour Reloaded. Et l'on perd beaucoup au change, à juger de la faiblesse de l'histoire et de la réalisation plutôt poussive. L'effet de surprise passé, l'idée fut alors de concentrer les efforts sur ce qui donnait un réel volume au premier. Ce qui entraîne l'apport de plusieurs combats de kung-fu sur-chorégraphiés pour un oui ou pour un non, et une pseudo-philosophie bien mal expliquée, longue, creuse, et ennuyeuse de surcroît. Reste la bataille des cent agents Smith, et la poursuite de l'autoroute, deux scènes hallucinantes de maîtrise, même si bien trop longues. En définitive, si l'on évite de le comparer à son prédécesseur, Reloaded pourrait s'admettre comme moyen, mais pas plus. Opérateur ? Trouve-moi une sortie !