MatriX Reloaded
Cinéma / Critique - écrit par Guillaume, le 17/05/2003 (Tags : matrix film reloaded wachowski neo science matrice
Ris... Loaded !
"A suivre"... Matrix Reloaded se termine dans le pire des effets de style. Celui qui transforme tout film respectable en véritable feuilleton télévisé. Annoncer le prochain épisode de cet façon reflète tout à fait l'état d'esprit qui se dégage du film. Une immense mascarade qui tente de faire avaler tout et n'importe quoi (surtout n'importe quoi) à un public malheureusement conquis d'avance par un premier volet fort prometteur. Le reload n'est pas forcement une bonne chose, surtout quand on s'octroie l'outrance...
On prend les mêmes, et on recommence... Hé non, ce n'est pas si simple ! Certes on retrouve notre Neo, notre élu devrais-je dire, on retrouve aussi Trinity, complètement rivée à son homme, et finalement Morpheus, toujours égal à lui-même dans ses tirades pseudo-matriciennes, mais on rencontre aussi une pléthore de nouveaux personnages, certains tout droit sortis des épisodes d'Animatrix (des courts-métrages qui se déroulent dans l'univers de Matrix), d'autres qui se verront habilement intégrés dans le jeu vidéo Enter the matrix et d'autres encore qui ne servent qu'à décorer et apporter une petite "french touch" tel Lambert Wilson alias le Mérovingien.
L'avant-première... Réservation de place, arrivée une heure en avance. Une salle déjà à moitié pleine. Une folie... Titanic se répète... Une forte proportion de jeunes, dans les 15/25 ans. Tous avides de voir la suite d'un des films qui a marqué le cinéma d'action du début du 21ème siècle. L'attente est longue, à l'image du film qui va suivre. Plus de 2 heures de scènes de bastons associées à des scènes de pures diatribes pseudo intellectuelles. Le genre de répliques qui font passer Georges de la Jungle pour une fable intelligente. Le retour de l'oracle en pleine forme en est le meilleur exemple. Essayer de penser au vide absolu et vous serez encore loin de la réalité. Les évidences sont dites, et le reste est gardé sous silence... si encore on admet que le reste existe, ce qui n'est pas obligatoirement évident au premier abord.
Le scénario, l'intrigue... oups... Nous dirons plutôt l'anecdote... Les méchants robots veulent détruire Zion. Pour arriver à leur fin, ils creusent la roche afin d'investir la ville sans avoir besoin de codes d'accès. Mais que doit faire l'élu et les autres rebelles ? Vous avez trouvé ? Oui, bravo, vous pourrez revenir la semaine prochaine...
Evidemment ce n'est pas aussi simple, et les péripéties se succèdent, un peu à la manière d'une partie de Donjons et Dragons. A savoir, typiquement, l'oracle donne l'ordre d'aller chercher le "maître des clefs" (quel joli nom...), hop. L'élu se met en route avec à sa suite tous ses potes. Hop, il y a des méchants qui les empêchent de voir le maître... Hop, ça se bastonne... Hop, on poursuit par une course-poursuite sur l'autoroute... Hop... hop... Vous voyez le genre, un rythme très soutenu, de l'action de partout, mais des enchaînements scénaristiques pour le moins ridicules tant les ficelles sont grossières. C'est tellement limite que l'impression d'être pris pour un imbécile surgit immédiatement. C'est plutôt triste pour un Matrix Reloaded sensé présenter un univers compliqué et peu accessible à la pensée humaine.
En parlant de rythme et d'actions, on ne peut nier que le film en est fortement doté. Une énorme scène d'action est toujours contrebalancée par un temps mort qui permet de respirer et de se remettre de l'impact visuel qui estourbit les yeux. Oui, il faut l'admettre, on est occis par le design accrocheur. Cet environnement trip-post apocalyptique nimbé de vert est très sympathique, et l'esthétisme de l'action est globalement bon. On regrettera quelques énormes fautes, comme les scènes de combats créées à partir de clones en trois dimensions des acteurs, et qui loin d'être photo réalistes se contentent de plomber toutes rêveries dans des scènes comme la bagarre Neo versus des centaines d'agents Smith... Mais ce n'est qu'un détail, qui a certes son importance, mais qui se trouve contrebalancé par d'autres trouvailles, parfois ambiguës.
Les réalisateurs savent cadrer, ils l'ont déjà prouvé avec Bound et le premier Matrix. Cette fois-ci, ils veulent nous prouver qu'ils savent aussi faire des clips vidéos. C'est sans doute la raison pour laquelle on assiste à des scènes complètement hors de propos mais visuellement abouties. Imaginez une rave party dans une caverne troglodyte, sur fond de musique quasi-techno, dont les participants se déhanchent sensuellement pendant que le couple Neo-Trinity copulent langoureusement dans leur chambre... Vous voyez le genre ? Ca dure plusieurs minutes et ça ne sert pas le film, mais ça montre avec une certaine efficacité le talent des frères Wachowski. Bien plus à l'aise dans cette optique libidineuse que dans le transfert du concept Matriciel.
Un feuilleton avec beaucoup de moyens. C'est la première chose qui m'est venu à l'esprit, après être sorti de la léthargie engendrée par le film. Ensuite, on y repensant, c'est peut-être un peu trop durement juger Matrix Reloaded. Disons qu'il a été vendu comme un concept... Hélas ce n'est rien de plus qu'un film, il ne faut pas en demander davantage. Le premier volet de la trilogie Matrix avait l'avantage d'amener la technique du Bullet Time et des effets spéciaux sous Houdini (les balles qui transpercent l'air en créant une onde ralentie). Le second opus ne propose rien d'aussi flagrant, et la plupart des effets visuels, même s'ils sont réussis ne sont pas révolutionnaires. Les ralentis à tour de bras ? Miam. Les prises de kung-fu impossible ? Re-miam. L'outrance est évidente et pas nécessairement la bienvenue.
Finalement, on se rapproche davantage d'un film d'arts martiaux qui multiplie les effets et les dialogues ineptes pour combler un manque de matière grise. Expliquer la matrice c'est bien, mais pourquoi tenter de tout faire passer par la parole lorsqu'on dispose d'un support visuel extrêmement riche ? Parler sans la bouche c'est parfois mieux ! Et ça permet de réfléchir à ce que l'on souhaite transmettre aux spectateurs... sinon on risque l'empilement ennuyeux, voire la non compréhension de l'intention artistique. Mais peut-être parle-t-on seulement de bénéfices...