MatriX Revolutions
Cinéma / Critique - écrit par Nicolas, le 05/11/2003 (Tags : matrix film revolutions wachowski neo films smith
Mercredi 5 novembre, 17h. Une bien belle heure pour commencer une critique qui va s'avérer longue et délicate. Car elle sera la dernière à profiter de l'engouement de l'année MatriX, peut-être même de MatriX tout court, en écartant les possibilités de nouveaux jeux vidéos, produits dérivés, ou même d'un quatrième volume inattendu et relativement déplacé. Rappelons un fait important : « l'année MatriX » n'a pour le moment pas été à la hauteur des espérances. MatriX Reloaded déçoit, le jeu Enter The MatriX navre, et seuls les AnimatriX parviennent à sauver quelques pixels dans le naufrage de ce paquebot cinématographique. MatriX Revolutions, point final (à priori) de la saga, n'avait pas le droit à l'erreur. Il en était de la crédibilité des Wachowski.
Vous avez probablement déjà regardé la note chiffrée infligée au film, et vous connaissez donc, d'une manière plus que réduite, l'avis que j'ai porté sur ce troisième opus. Un choix qu'il va falloir comprendre, en utilisant les mots du film. Mais il s'avère judicieux de porter un regard un peu en arrière, sur le deuxième film plus précisément, afin de mettre clairement les choses au point. MatriX Reloaded, après sa sortie, a généré trois sortes de « critiques » bien distinctes, comme peuvent en témoigner les commentaires laissés à ce propos sur le site : Les détracteurs, les enthousiastes, et les détracteurs des détracteurs. Les deux premières catégories nous sont familières, indivisibles de chaque film, mais la troisième apporte quelque chose de neuf : l'espoir. Une confiance en leur série fétiche, au point d'utiliser les arguments les moins parlants pour défendre bec et ongle leur film. « & Revolutions ne sont qu'un seul film, on peut pas critiquer l'un sans l'autre ». Pourtant, deux affiches différentes, deux dates différentes, deux titres différents. Mais une seule histoire, il est vrai, ce qui n'empêche pas, étant donnée la division effectuée, de juger l'une et l'autre partie avec discernement. Que MatriX Revolutions eut été un chef-d'oeuvre incontestable, ou une immondice tout juste bonne à passer sur M6 en seconde partie de soirée, le résultat aurait été le même pour Reloaded : hermétique, et en partie creux. Même après Revolutions, mon avis n'évolue pas. « Vous n'aimez pas car nous n'avez pas compris le scénario. » Personne n'ignore que les personnes qui écrivent les articles n'ont pas de culture générale, ne savent rien faire d'autre, et fusillent implacablement ce qui leur est trop difficile à assimiler. A la réflexion, le scénario n'a jamais été vraiment visé, mais plutôt le message philosophique communiqué, et l'écriture un peu trop zélé des dialogues.
Tout un sacré paquet de lettres pour vous dire que ne pas faire de distinction entre Reloaded et Revolutions relève de l'étroitesse d'esprit, comme considérer Retour vers le Futur 1, 2, et 3, comme un seul et même film. Keanu Reeves le laissait entendre : Trois films, trois sujets différents (Naissance, Vie, et Mort).
Trêve de bla bla, pénétrons le vif du sujet.
Le vaisseau « Hammer », avec à son bord l'équipage rescapé du « Nebuchadnezzar », poursuit ses recherches du Vaisseau « Logos » de Niobe et Ghost. Trinity et Morpheus ne comprennent toujours pas ce qui pu arriver à Neo, tombé dans un coma après avoir arrêté de ses propres mains quatre sentinelles belliqueuses. L'Oracle semble connaître la réponse, cependant ses motivations sont encore incertaines. Mais le temps presse, les forces humaines commencent déjà à préparer les défenses qui accueilleront les légions de sentinelles, et Smith devient de plus en plus puissant à chaque nouvelle minute écoulée...
Revolutions commence exactement là où Reloaded nous avait laissé : dans le flou le plus total. Les hypothèses pleuvent sur le net, les réponses se font attendre. Le monde réel est-il lui aussi une matrice insoupçonnée, une sorte de niveau supplémentaire de contrôle ? Il ne fallait pas rêver. MatriX Revolutions est exactement ce qu'il devait être : un épisode final. La guerre contre les machines. Pas d'élucubrations pseudo-philosophiques, ce genre de phrases sentencieuses hermétiques qui firent de Reloaded la déception que l'on conçoit maintenant. Pas de batailles de kung-fu chorégraphiés, ni même de gunfights réglées à la douille près. MatriX a perdu son identité visuelle, pour se focaliser sur l'essence même de son récit. Et la vérité éclate alors : Reloaded n'était qu'un tremplin tout enguirlandé qui n'a finalement servi qu'à préparer cet affrontement homme-machine. Et les guirlandes se constituèrent en un lot de discussions insipides, de combats très esthétiques mais peu utiles, et de prouesses techniques elles aussi en légère désynchronisation avec le but inavoué.
Des combats « à la MatriX », l'on en dénombrera qu'un seul en tout et pour tout. Un affrontement sens dessus-dessous dans le « vestiaire » d'une boîte sadomaso, petite excentricité technique dans le ton n'atteignant pas les pics de plaisir esthétique que l'on pourrait en attendre. Un choix expliqué en grande partie par un abandon du cadre de la matrice pour une concentration sur les déboires du monde réel et de ses habitants. L'heure de Zion a sonné pour les machines, et ses habitants ne l'entendent pas de cette oreille. Plus d'une demi-heure de protestation armes aux poings, face à des milliers de machines, offrant du même coup la scène clé du film en terme de spectacle, et un autre exemple de bataille mythique rejoignant celles de L'Attaque des Clones et des Deux Tours. Un énorme cri de liberté hurlé à l'ancienne, poids conséquent sur la balance qui oriente de manière inéluctable le film vers les artifices académiques de la science fiction à grand budget.
Annoncé dans la bande-annonce, l'affrontement Neo versus Smith mené sous une pluie battante n'est que le juste dénouement d'un duel épique commencé sous des cieux certainement trop ambitieux dans Reloaded. Il y a fort à parier que les inspirations mangas des frères Wachowski redeviendront un sujet de discussion assez vaste des internautes et des fans, qui y verront certainement quelques avant-goûts du film « Dragon Ball ». Plus qu'un combat, le duel que se livrent les deux ennemis est avant tout le tableau imagé de la lutte que se livrent homme et machine, mais aussi l'aboutissement idéologique de la philosophée amorcée dans Reloaded, et le point culminant des inspirations religieuses qui donnent un fondement à MatriX.
Si le rejet de la Matrice est une source de déception, le souvenir onirique des images mémorables de MatriX demeure et en amène une autre : Si ce n'est la sur-exposition des effets spéciaux, rien de la réalisation des frères Wachowski ne restera dans les annales comme l'a été leur premier bébé. Coup de chance, éclair de génie ? La surabondance visuelle des scènes de guerre échappe parfois au contrôle des réalisateurs, et rend difficile la pleine absorption du flot d'informations optiques débité à l'écran. Travers parallèle, les chorégraphies de combat appellent généreusement aux ralentis sans en chercher une application un peu poussée. Sans pour autant être de mauvais réalisateurs, les Wachowski donnent pleins pouvoirs à l'effet numérique, et en oublient de révolutionner le cinéma comme ils l'avaient fait pour le premier MatriX.
Mais le principal écart entre Reloaded et Revolutions, qui fait de l'un une coquille un peu creuse, et de l'autre une solide histoire de science-fiction matrixienne, c'est indubitablement la fidélité idéologique dont font preuve les Wachowski envers leur script et leurs inspirations. Si la guerre des hommes contre les machines est une explosion visuelle un peu mal contenue, l'épopée de l'élu n'est que le digne écho des aspirations de MatriX. Le sentiment-maître est d'abord la peur, celle du spectateur, associée au coma de l'élu qui se conforte dans un arrière-goût de Reloaded, tout en donnant un avant-goût de Revolutions : Pas très utile, mais lourd de sens. Puis la problématique du choix fortement placardée auparavant trouve ses applications, son sens profond, ce que Reloaded nous expliquait difficilement en deux pages de dialogues écrits par un maître de conférence de psychologie. Limpide, telle la pile de Morpheus, jusque dans les derniers rebondissements du film, partiellement attendus, qui finissent glorieusement et magnifiquement cette vision ultra-moderne des plus forts passages de la bible.
En contre-partie, au bout du compte, le scénario complet ne peut empêcher d'être considéré comme un peu décevant. L'attente du rebondissement final, la ligne de scénario qui remet tout en cause, le sujet de kilomètres et de kilomètres de messages laissés un peu partout sur les forums de fans, tout cela restera respectivement refoulé et insatisfait. A l'image également des dernières secondes, simplistes, laissant le champ libre pour un quatre pourtant peu probable.
Reloaded était exactement ce qu'il nous fallait pour prendre du bon pied l'épisode final de la trilogie : une bonne grosse déception, laissant champ libre à toutes les possibilités. MatriX Revolutions abandonne clairement les caractéristiques visuelles de la saga et propose une dernière partition solidement ancrée dans des principes de science fiction spectaculaire, comme le témoigne l'une des scènes clés du film, la guerre livrée par les machines aux humains en plein coeur des quais de Zion. Par bonheur, le scénario renoue dans les grandes lignes avec ce qui faisait de MatriX une oeuvre complexe et inspirée, portée sur l'onirisme et la théologie, même si la globalité peut décevoir par son aspect plutôt convenu.
19h00. Une belle heure pour finir une telle critique.