Pirates des Caraïbes - La malédiction du Black Pearl
Cinéma / Critique - écrit par Nicolas, le 15/08/2003 (Tags : pirates caraibes jack film pearl black disney
Depp Impact
Avant la période estivale et sa programmation cinématographique sans précédent (des titres comme Kangourou Jack, Cody Banks, Bad Boys 2, Charlie's Angels 2, Terminator 3, etc etc.), le nom de Gore Verbinski ne signifiait pas tellement de prestige à l'industrie du cinéma. Même si celui-ci s'était tenu aux commandes de quelques affiches plutôt médiatiques, comme Le Mexicain ou The Ring (remake du célébrissime Ringu). Il n'aura fallu qu'un bon petit contrat de blockbuster à plusieurs millions de dollars, de quelques têtes séduisantes (Johnny Depp, Orlando « Legolas » Bloom), d'une grosse boite d'effets spéciaux (Industrial Light and Magic), bref, d'une pacotille, pour enfin s'intéresser au bonhomme qui ne méritait certainement pas moins. Oh, et sans oublier le choix d'un domaine de narration plutôt en anémie depuis quelques temps, le film de pirates.
Car depuis L'Ile aux Pirates, échec commercial légendaire - relativement injustifié - du cinéma, les jambes de bois et les bandeaux sur l'oeil sont devenus espèces en voies de disparition, si l'on excepte le dessin animé Disney La Planète au Trésor ; alors que le genre a entretenu près d'un demi-siècle de péripéties flamboyantes, et a fait les beaux jours des célèbres parcs d'attraction de la firme aux grandes n'oreilles. Un film inspiré plus ou moins d'une attraction, voilà qui n'est pas banale pour marquer le retour au cinéma de la grande aventure.
Le capitaine Jack Sparrow (Johnny Depp), éminent flibustier des caraïbes, est arrêté par la garde de Port Royal grâce au courage du jeune forgeron Will Turner (Orlando Bloom). Peu après, l'ancien équipage de Sparrow, maintenant mené par le pirate Barbossa (Geoffrey Rush), attaque la ville par surprise et enlève Elisabeth Swan (Keira Knightley), la fille du gouverneur, récupérant du coup la pièce dorée à l'origine d'une terrible malédiction les frappant. Will, fou amoureux de la demoiselle, fait échapper alors le seul homme à pouvoir retrouver la trace du Black Pearl, le navire des kidnappeurs : Jack Sparrow. Ensemble, ils déjouent la garde et lui subtilise un bateau...
Surprendre Johnny Depp dans une grosse production américaine noyée sous les zéros et la publicité, cela pourrait être qualifié de déroutant. D'autant plus en découvrant les premiers visuels récoltés de Jack Sparrow, yeux lignés au mascara et ribambelle de tresses/rastas. Quelle mouche l'a donc piqué ? La grosse bleue Bruckheimer ? Ou l'instinct du bon film ? L'acteur n'est pas facilement recrutable et sait discerner la symphonie de la bonne grosse cacophonie en puissance. Alors, si les cieux se présentent bienveillants, et avec l'assurance d'une latitude conséquente pour la création du personnage - et ainsi exercer son art en bonne et due forme -, pourquoi se priver ? Quoiqu'il en soit, et à notre plus grand bonheur, il signe pour Pirates des Caraïbes et rejoint la star montante Orlando Bloom, deuxième grand rôle après Legolas, prenant la mer pour une petite virée pas inintéressante pour deux sous.
Une démarche un peu chaloupée, des gestes dévirilisés, un faciès d'excentrique légèrement shooté, et un sens bienvenu de la répartie, tel fut le portrait qu'entr'aperçu Johnny Depp en réfléchissant au personnage de Jack Sparrow, célèbre corsaire désabusé et trahi par son propre équipage. Et comme tout pirate qui se respecte, attaché à son grand gaillard de navire, le Black Pearl. Ce qui suffit à faire de Sparrow le véritable trésor des Pirates des Caraïbes, personnage si typé et maîtrisé qu'il absorbe toutes tentatives de l'équipage du film de briller au premier plan. Si Keira Knightley (Joue-la comme Beckham) féminise l'excursion de ses yeux revolver, pendant que Geoffrey Rush ricane d'un certain charisme (le côté mort-vivant aidant pas mal), Orlando Bloom récolte lui de la plus mauvaise place, celle du jeunot transit d'amour et un peu intrépide, ne parvenant jamais à imposer son jeu dans la cour des pirates et subissant de plein fouet l'aura d'un Johnny Depp très très inspiré. Regrettable, quand l'on s'aperçoit que le jeune acteur évite pourtant les faux-pas et parvient facilement à se distinguer de l'image de Legolas.
Gore Verbinski, de son côté, affiche un réel désir de démarquer son film des autres bobines de pirateries. Jambes de bois et autres oeils bandés sont alors occultés au profit d'une communauté de fripouilles dégoûtantes, indépendantes et cruelles, respectant néanmoins un code interne de piraterie relativement ambigu. Visuellement, l'univers créé par Verbinski témoigne d'une vision solide et précise combinée avec un réel souci du détail, le réalisateur promenant et virevoltant sa caméra avec un savoir-faire parvenant presque à nous faire oublier que le film dure nettement plus de deux heures. Et cela, même si l'ombre angoissante de la machine à blockbuster plane sur chaque instant passé, justifiant un scénario parfois un peu essoufflé et une certaine conformité dans le montage. Tout le monde se souvient de la momie ? La recette reste inchangée : action, humour bon enfant, et effets spéciaux. Des prouesses visuelles d'ailleurs largement en infériorité numérique par rapport au reste, mais d'une surprenante qualité qui ne pouvait que venir d'ILM. La bataille finale vaut le coup d'oeil, tenez-vous le pour dit...
Le retour du film d'aventures de grande envergure, trépidant et rondement mené, gouverné de long en large par un Johnny Depp monstrueux de charisme. Une telle présence laisse peu de place au reste du casting, ce qui n'altère en rien le plaisir que procure ce rafraîchissant cocktail d'humour, d'action, et d'effets spéciaux, une mixture appelée blockbuster. Très probablement le film de l'été.