Halloween - Dossier sur la saga
Cinéma / Dossier - écrit par Lestat et riffhifi, le 31/10/2007Tags : halloween film myers michael films carpenter jamie
Dossier sur la saga Halloween de 1978 à 2007
« Cherche grand con masqué pour massacrer jeunes lubriques sans dire un mot. Grande résistance physique souhaitée, 10 ans d'expérience minimum. » A cette annonce, les candidats se pressent à la porte, mais seuls une fine poignée ont une vraie chance de décrocher le poste : Leatherface, Jason Voorhees... et bien sûr Michael Myers, le "héros" de la série-phare de ce genre qu'on nomme slasher.
Apparu dans sept films de 1978 à 2002, il est revenu ce mois-ci pour dévoiler ses origines devant la caméra de Rob Zombie. Profitons-en pour passer en revue la filmographie d'un personnage peu loquace mais terriblement consciencieux...
Halloween, la nuit des masques (1978)
Au commencement était... euh, qu'y avait-il au juste ? Contrairement à ce que l'on pourrait croire, il est difficile de revenir aux sources véritables du slasher, certains citant carrément le Cabinet du Dr Caligari comme précurseur du genre. Tout au plus, distinguons quelques oeuvres qui l'ont construit petit à petit : Psychose bien sûr, Dementia 13, La Baie Sanglante, Massacre à la Tronçonneuse, Black Christmas (le vrai, celui de Bob Clark)... Dans ce petit échantillon, il y a en vrac un couteau, une hache, une sombre histoire de famille, un cadre idyllique qui vire au cauchemar et un grand balèze masqué qui dézingue des jeunes gens. Halloween en a fait la synthèse et a fait date à son tour. Point. Les suivants ne sont que des suiveurs.
Assaut, Fog. Deux films parfaits. Des exemples évidents de concision, de clarté, d'épure. Tout y est réduit, tout y est dégraissé, jusqu'au sujet lui même, réduit à sa plus simple expression. John Carpenter n'a jamais été un cinéaste moderne ou même précurseur d'un point de vue technique, ce qui lui valu d'ailleurs quelques mauvais tours dans sa carrière. Pour autant, lorsque l'on regarde Fog et Assaut, on reste frappé par l'intemporalité et la spontanéité qu'ils dégagent. Halloween n'évoque plus ni l'un ni l'autre. Boum, voilà, c'est dit. Le film a perdu son aura. Et pourtant, avec Assaut, Fog et Halloween, Carpenter a fait trois fois le même film. Les ingrédients sont tous là : une histoire toute bête mais qui se suffit à elle-même, une poignée de personnages bien trempés, une certaine lenteur, une musique imparable (qui l'a oublié ?)... A cela s'ajoute une figure maléfique impalpable : cette fois, ce sera Michael Myers. Le Mal à l'état pur, aussi vide que le film dans lequel il évolue, revêtu d'un masque blanc propice à refléter les peurs de chacun (découpé pourtant dans le jovial faciès de William Shatner). On apprendrait qu'il est ectoplasmique que ça ne choquerait personne. Son créateur a l'intelligence de laisser planer le doute. Une incertitude qui lui conférera un peu d'immortalité...
Michael Myers est coquetLa mise en scène est exemplaire, les interprètes habités, le tueur a de l'allure. Pourtant, Halloween est clairement un film qui a fait son temps autant qu'il l'a marqué. Qu'il ne fonctionne plus si bien ne laisse donc pas d'étonner. Peut-être son apparente simplicité s'est-elle retournée contre lui. Là où, à registre similaire, le giallo se perd dans des intrigues à la structure arachnéenne, Halloween ne propose rien de plus qu'un assassin de baby-sitter parcourant les rues d'une banlieue pavillonnaire. Dix Vendredi 13 plus tard, cela ne suffit plus pour conserver le statut d'oeuvre maîtresse du genre. Halloween est devenu un film terriblement ennuyeux, trop lent, trop soft, trop évasif, parfois ridicule (ndr : précisons que les propos de ce paragraphe n'engagent que Lestat, et que ndr ne signifie pas ici note du rédacteur mais note de Riffhifi). L'auteur de ces lignes étant à deux doigts de se faire pendre par les testicules, rappelons tout de même le caractère séminal d'Halloween, qui réussit l'exploit d'être le dernier mètre-étalon du registre. Quel film peut aujourd'hui se vanter d'avoir influencé le slasher comme Halloween le fit en son temps ? Scream peut-être, qui n'est pourtant pas la plus affranchie des oeuvres. Ce qui nous amène en 96, un trou de près de 20 ans. Un chiffre qui incite au silence...
Halloween 2 - Le cauchemar n'est pas fini (1981)
Dans les années 80, pour capitaliser sur un succès, on n'en produisait pas le remake mais une litanie de suites à l'argument souvent farfelu. Halloween n'y échappant pas, Michael Myers remonte son pantalon et reprend du service. A la charge désormais du doué Rick Rosenthal -bien aidé il est vrai par un scénario cosigné par le tandem Carpenter/Debra Hill- de mettre en scène la suite de ses exactions, qui commencent pile-poil et au plan près là où le premier film se terminait. Un pari osé et plutôt réussi, qui impose Halloween 2 non pas comme une suite bâtarde mais comme un vrai complément à l'original, tel le deuxième volet d'une œuvre en deux tomes. Une approche pâlement imitée plus tard par le duo Halloween 4 / Halloween 5. Tant du point de vue du style que de l'ambiance, Rick Rosenthal se pose comme un habile imitateur de Carpenter et des gimmicks d'Halloween, non sans ajouter quelques louches de violence assez appréciables.
Mais le vrai coup de génie d'Halloween 2 est justement de ne pas photocopier son aîné, mais de trouver peu à peu sa personnalité propre. Et au film de préférer les sombres couloirs d'un hôpital aux calmes pavillons d'Haddonfield. Le résultat bifurque ainsi vers un solide slasher en vase clos. L'ambiance s'installe alors d'elle-même, le suspense fait une petite percée et l'on admirera la fougue d'un Michael Myers particulièrement énervé, surtout lorsqu'il s'agit de trucider une innocente infirmière à coup de seringue. Sans doute déçu de ne pas faire un bon anesthésiste, il rangera néanmoins sa panoplie d'équarrisseur pour la suite, malgré le joli succès au box-office de cet épisode.
Halloween 3 : le sang du sorcier (1982)
Malgré son titre numéroté et les accents halloweeniens de sa bande originale, ce "Halloween 3" n'a curieusement aucun rapport avec la saga de Michael Myers. Tout juste y aperçoit-on un extrait du film de Carpenter, diffusé à la télé en guise de clin d'œil. Maigre. Ceci su, on découvrira une étrange histoire de morts liées à la vente de masques diaboliques pour la fête d'Halloween (ben oui, quand même). Un médecin moustachu (qui ressemble plus exactement à un pompier à la retraite) joue les vieux beaux tout en menant l'enquête aux côtés d'une pimpante jeune fille.
Le scénario, signé Tommy Lee Wallace comme la réalisation (il dirige là son premier film, et livrera entre autres par la suite le téléfilm ça, d'après Stephen King), contient une charge légère contre la télévision et la menace hypnotisante qu'elle constitue, et le tout se conclut sur une scène un peu carpenterienne, ce qui n'est pas une mauvaise chose. Pas de quoi se relever la nuit non plus.
Halloween 4 - Le retour de Michael Myers
Après un troisième épisode surprenant à bien des égards, Michael Myers reprend du service sous la tutelle de Dwight H. Little. Auteur de quelques séries B bien sympathiques, tel que Désigné pour mourir avec l'inénarrable Steven Seagal, Dwight H. Little livre ici un épisode de routine, où Michael Myers n'a décidément plus grand chose à voir avec ses origines. A une exception toutefois : Dwight H. Little ne laisse plus planer l'ambiguïté sur la part surnaturelle de Michael Myers : son Halloween 4 baigne dans une ambiance délicieusement fantastique, tandis que son tueur est indestructible et fait preuve d'un troublant don d'ubiquité. Revers de la médaille, le requin silencieux des débuts ressemble de plus en plus à ce gros balourd de Jason. Ce dernier étant davantage adepte du coup de machette dans la figure que des longues traques dans la nuit embrumée, nous sommes donc en droit d'attendre un épisode qui déménage un minimum. C'est le cas : sitôt le film commencé, Myers s'évade et taille la route à coups de couteau. Face à lui, le Dr Loomis est lui aussi de retour (Donald Pleasance, fatigué mais digne) et lui non plus n'est plus là pour négocier. Eprouvé par les événements d'Halloween 1 et 2, Loomis devient une sorte de Van Helsing désabusé qui ne crois plus en rien si ce n'est en sa mission implicite : tuer la bête. Devenu plus déviant, le personnage y gagne une aura qui ferait presque oublier sa cicatrice en caoutchouc. En élève appliqué de John Carpenter, Dwight H. Little soigne ses plans, met du brouillard dès qu'il le peu et utilise le célèbre thème musical jusqu'à l'indigestion. Le résultat final peine néanmoins à convaincre. Pétri de clichés et prévisible, Halloween 4 reste difficile à prendre au sérieux... jusqu'à une fin d'un glauque ahurissant, laissant entendre que l'on est passé littéralement à côté d'un retour en fanfare. Et sinon ? Le bodycount est généreux, la fille du shérif montre ses seins et Michael Myers succombera dans une mort très Red is Dead avant de revenir dans un cinquième épisode, autoproclamé "plus terrifiant que jamais". Aux abris !
Halloween 5 - La revanche de Michael Myers (1989)
Halloween 5 ne commence pas sous les meilleures augures : plombé par les forces de l'ordre et enfoui sous une mine effondrée, Michael Myers s'extirpe in extremis et tombe dans le coma pendant un an après avoir été recueilli par un vieux qui passait par là. On aura connu de meilleures entrées en matière. Pour autant, et si l'on oublie quelques maladresses et un Donald Pleasance de plus en plus malade, cet opus souvent mésestimé s'avère beaucoup plus intéressant que son prédécesseur. Tout d'abord, il faut reconnaître que Dominique Othenin-Girard est un réalisateur qui sort du lot. Halloween 5 a pour lui une jolie patte visuelle et une atmosphère générale renouant avec l'étrangeté des débuts, paradoxalement plus efficace qu'un Halloween 4 axé sur l'action. Ensuite, le film prend alors une curieuse tournure tragique et de là tout coule tout seul : les rapports Myers/Loomis s'étoffent, l'intrigue fait preuve d'un minimum d'écriture et les idées audacieuses pointent leurs nez, dont la moindre n'est pas de faire de Michael Myers un personnage pathétique. Un concept casse-gueule -car n'est-ce pas dépersonnaliser Myers que d'en faire autre chose qu'une machine à tuer sans âme ?- qui à l'écran se tient miraculeusement bien. Tout ceci nous amène tranquillement au dernier acte, qui nous offrira pêle-mêle un Myers qui tombe le masque (!) et un coup de théâtre qui en laissèrent plus d'un perplexe. Une excentricité comme une autre dans cet Halloween en forme de salade russe, assez brillamment exécuté pour relancer la franchise. Dommage, le film est un bide. Myers retourne au placard... jusqu'à Halloween 6, cela va de soi.
Halloween 6 - La malédiction de Michael Myers (1995)
Malgré le titre, on peut se demander qui de Michael Myers ou du spectateur est le plus maudit. Arrivé au numéro 6, péniblement produit six ans après le précédent (on sent que les producteurs ont hésité), l'intérêt pour la franchise tient plus de la curiosité que de la passion. La vraie victime de Michael dans ce film est l'acteur Donald Pleasence mort peu après le tournage, mais qui aura tout de même résisté au tueur pendant 17 ans et 5 films... Reste que sa prestation ici est celle d'un vieillard fatigué, passant en touriste dans une histoire assez navrante qui suppose que Michael Myers est le jouet d'une secte et que ses actes lui ont été soufflés par un démon depuis son enfance.
La fin du film est particulièrement décevante et expédiée avec l'eau du bain, à se demander si les coupes budgétaires n'ont pas dicté ce final plat comme une galette au sucre. Réalisé par Joe Chappelle, qui se reconvertira bien vite dans la série télé après avoir filmé des bouts de l'étrange Hellraiser 4, ce sixième Halloween ne fait rien pour relever le niveau globalement déclinant de la saga. Michael Myers a besoin d'un goûter d'anniversaire pour reprendre du poil de la bête, ce qui ne saurait tarder...
Halloween 20 ans après - H20 (1998)
En 1998, le producteur Moustapha Akkad est traversé d'une idée de génie : baser le marketing d'un nouveau Halloween sur les 20 ans de la série commencée en 1978. Le film est donc tout naturellement intitulé 20 ans après, et affiche un casting alléchant pour le fan de base : Donald Pleasence ayant cassé sa pipe, c'est naturellement Jamie Lee Curtis / Laurie Strode qu'on voit revenir dans la franchise, désormais cachée sous la nouvelle identité de Keri Tate ; mais on croise également Janet Leigh, la mère de Jamie Lee Curtis, célèbre pour son rôle de scream queen dans... le Psychose, le grand-père du slasher movie réalisé par Tonton Hitchcock ; à la réalisation, on trouve Steve Miner, à qui on doit notamment House et deux épisodes presque bons de Vendredi 13. Parmi les acteurs, on aperçoit également Josh Hartnett (dans son premier rôle !) et LL Cool J.
S'ouvrant sur la même chanson que Halloween 2 (« Mister Sandman, bring me a dream... »), le film se regarde sans déplaisir, essentiellement pour sa résurrection de l'affrontement Laurie / Michael, propre à ravir le nostalgique. La fin quant à elle paraissait sérieusement définitive à l'époque de la sortie, et on peut s'étonner que les producteurs se soient ingéniés à pondre (encore !) une suite à ce septième opus.
Halloween : Resurrection (2002)
... Et pourtant, l'appât du gain aidant, on vit débarquer quelques années plus tard cette Résurrection surprenante, de loin le point le plus bas de la saga, qui pourtant n'avait pas pris l'habitude de voler bien haut. Le scénario ? Une émission Internet (déjà) de télé-réalité (bravo) organisée par un fan d'arts martiaux (le rappeur Busta Rhymes, youpi), qui consiste à faire entrer 6 jeunes dans la maison natale de Michael Myers. Un concept tout pourri qui n'arracherait qu'un maigre bâillement au spectateur de l'émission si le vrai Myers n'était pas déjà planqué dans ladite maison... Pour en arriver là, il a fallu gober que la fin du film précédent nous montrait la mort d'un innocent (mouais), et assister à un pré-générique d'un quart d'heure (on ne se plaint pas, c'est le seul moment regardable du film) qui règle son compte sans raison au personnage de Jamie Lee Curtis (on l'imagine face aux producteurs : « mais tuez-moi bordel, qu'on en finisse »). Pour l'anecdote, on remarquera que le réalisateur Rick Rosenthal est le seul à avoir dirigé deux films de la saga, à ce détail près qu'il n'a pas bénéficié deux fois de l'aide d'un Carpenter pour sauver les meubles...
Après cet étron essayant péniblement de surfer sur les récents succès de la trilogie Scream (pour la distanciation parodique) et du Projet Blair Witch (pour le côté caméra embarquée à l'image vidéo granuleuse), sans compter le honteux plagiat du Voyeur de Michael Powell au détour d'une scène (étant donné le public visé, on ne peut pas raisonnablement penser qu'il s'agisse d'un hommage), la saga semblait foutue. C'était sans compter sur Rob Zombie, qui fait table rase de toutes ces suites pour proposer dans son Halloween à lui un retour aux sources du mal. Il était temps de tourner la page sur la première époque.
J'irai slasher sur vos tombes
Arpenter la franchise Halloween aujourd'hui laisse échapper un peu de nostalgie, nostalgie d'une époque où les tueurs masqués régnaient sur Terre. Trente ans de carrière et un arbre généalogique décimé, Michael Myers a bien bossé. Ne lui restait qu'à partir dans l'espace, à l'instar de son comparse Jason. Qui sait, d'ailleurs, ce que nous réservait l'abracadabrant projet Helloween, où le tueur d'Haddonfield croisait le fer avec le pointu Pinhead de Hellraiser ? Bleu de travail contre manteau de cuir, Myers aurait en tout cas perdu le défi de la classe. Le concept avait toutefois ceci d'intéressant : par son existence même, il prouvait qu'Halloween était une série à l'ancienne, une sorte de dinosaure toujours fidèle au poste. La mise en chantier du remake de l'original l'a fait entrer violement dans la modernité. Encore que... peut-on vraiment parler de modernité à une époque où le cinéma de genre n'en finit plus de regretter les années 70 ? D'ailleurs, inspectons le calendrier : il y a eu un nouveau Massacre à la Tronçonneuse, un nouveau Black Christmas, un nouveau Suspiria a été annoncé ; Halloween a été refait. Tout doucement se profile un nouveau Jason. L'histoire se répète. 2020, l'année d'un nouveau Scream ?