Massacre à la tronçonneuse - 2003
Cinéma / Critique - écrit par Lestat, le 06/11/2003 (Tags : massacre texas film chainsaw tronconneuse leatherface jessica
Les années 70 sont un peu les années folles du cinéma de genre. Une décennie d'euphorie où l'on montrait tout, osait tout, essayait tout. Romero vient de débarquer avec la Nuit des Morts Vivants. Andy Warhol produit coup sur coup Sang pour Dracula et De la chair pour Frankenstein, deux films outranciers. Lucio Fulci pointe son nez. Deodato sort son Cannibal Holocaust. Et aux Etats Unis, un jeune réalisateur armé d'une caméra 16 mm, une poignée de dollars en poche, invente un genre à lui tout seul ou presque : le slasher-movie, par le biais d'une oeuvre qui deviendra culte et qui trente ans plus tard est toujours considérée comme telle. Un film devenu célèbre par la seule éloquence de son titre, par sa censure abusive et les extrapolations qui s'en suivirent. "Insoutenable", "ultra violent"... autant de qualificatifs plus ou moins justifiés pour désigner Massacre à la tronçonneuse, qui pourtant n'en demandait pas tant. 1974 est devenu une date charnière dans le cinéma d'horreur, et Leatherface en est devenu la nouvelle icone.
Massacre à la tronçonneuse avait donc toute les conditions requises pour obéir aux grandes lois du cinémarketing. Et c'est en toute logique que trois suites plus tard, nous voyons débarquer un remake qui pourtant ne s'imposait pas et qui pour ne rien arranger était attendu plutôt froidement par les fans. Il y avait de quoi : produit par Michael Bay, mis en boite par un clippeur, avec des acteurs qui plaisent et/ou qui montent, des screenshots léchés...Non, ça n'annonçait rien de bon. Un énième slasher aseptisé avec son lot de clichés, exploitant mollement une licence, dont le plus gros potentiel semblait se trouver dans la poitrine de Jessica Biel. Méa culpa, j'ai cru sans avoir vu. Ce remake n'est pas un chef d'oeuvre, certes, mais ce n'est pas la castatrophe que l'on était en droit de s'attendre. Décortiquons la chose.
Texas Chainsaw Massacre (TCM) 2003, plus qu'un remake, une relecture. Plutot que de commettre une copie bête et méchante, Marcus Nispel et Scott Kosar, respectivement à la caméra et au scénario ont retroussés leurs manches pour apporter une originalité salutaire par rapport à l'oeuvre original. Comment ont-ils fait ? tout simplement par quelques pirouettes scénaristiques qui feront assurément hurler les puristes mais qui ont l'avantage d'alléger un tantinet certains éléments du premier Massacre. Les premiers meurtres, plutot linéaires et répétitifs dans le film de 74 sont ici mieux amenés, plus subtils du fait de quelques rajouts par-ci par là. Leatherface prend également du poids, et bénéficie d'une scène inattendue, faisant un peu de tricot à visage découvert. La famille cannibale s'agrandie, le grand pêre est en pleine forme (on se souvient de l'espèce de momie frippée de l'original...) et participe plus activement aux chasses macabres. Le rabatteur du début change de sexe. Tout comme Leatherface, le sheriff du patelin gagne en profondeur. Je pense qu'il est également important de préciser que certaines scènes de l'original passent regrettablement à la trappe, dont la fameuse séquence du repas (!). Une autre vision de la chose. On adhère, on déteste. Une chose est sûre, c'est différent, à chacun de faire son choix.
Parlons un peu de la photo, qui révèle un parti-pris déconcertant, mais pas désagréable. Assez sombre, un peu sépia, elle donne une atmosphère glauque bienvenue au remake. Revers de la médaille : la célèbre danse de Leatherface sur fond de soleil levant n'a plus lieu d'être. Dommage.
Un sans faute ? hélas non. Moins mauvais que ce qu'on aurai pu craindre, mais pas parfait non plus, le remake accumule quelques bourdes assez rageantes. TCM 2003 joue énormément sur le glauque et les effets gores. Trop peut être, au point qu'à la longue, il tombe dans l'autocaricature. Si la réalisation de Marcus Nispel est la plupart du temps sans défauts, le bonhomme semble par moment se rappeler soudain de son CV et de son employeur : on trouvera ainsi des effets de caméra peu adaptés, quelques passages montés en clips assez insipides ou encore un plan- "T-Shirt Mouillé" un peu gratuit (je vous le donne en mille, c'est Jessica Biel...). L'interprétation laisse également à désirer. Si Jessica Biel (7 à la Maison ) et Erica Leershen (Blair Witch 2) s'en sortent assez convenablement, Mike Vogel, Jonathan Tucker (Six Feet Under) et Eric Balfour (Virgin Suicide) déploient une pléiade d'émotions qui ferait pâlir Steven Seagal. Ainsi, la scène d'amputation d'Andy (Vogel) est absolument ridicule tant le jeu de l'acteur est plat. Hé, Mike, c'est une jambe qu'on t'arrache, pas un poil de barbe !
Donc au final, ce remake de Massacre à la tronçonneuse s'avère être parfaitement fréquentable, malgré quelques maladresses de-ci de-là. La déception est forcément présente : contrairement à son prédecesseur, Marcus Nispel n'inventera pas un genre. Il ne le renouvèlera pas non plus. Reste un film honnête avec quelques bonnes surprises, qui redonne envie de se plonger dans l'original.
Sincèrement, une agréable surprise.