Dossier - Le western spaghetti
Cinéma / Dossier - écrit par Lestat, le 05/01/2007Tags : spaghetti sergio western film leone cinema westerns
Il était une fois en Italie... petit retour sur le western spaghetti.
"... tout ce qu'il nous faut c'est des allumettes et deux couilles. Et je t'assure que j'ai ça dans mon pantalon..."
Au début des années 60, alors que le cinéma italien se trouve gentiment tiraillé entre de solides péplums et les débuts d'un fantastique gothique prometteur, quelques réalisateurs s'essayent au western sans grand succès. Peu de renommée, peu de budget, un public qui ne suit pas... Le western, genre typiquement américain, car ancré dans une Conquête de l'Ouest souvent bien farfelue, s'accommode assez mal de la transposition transalpine. Sergio Corbucci, frais émoulu du péplum, en fait la douloureuse expérience. On ne sait pas trop ce qui manquait à ces productions d'alors. Une demande peut être, une personnalité propre sans doute. Là où le péplum tout comme le gothique se sont en effet imposés comme des genres italiens à part entière, en s'étant affranchis des productions antérieures pour développer leurs propres clichés, le western vivote encore dans l'ombre de son modèle yankee. Pour autant, l'Europe se montre loin d'être incapable de faire du western à sa sauce.
Ainsi en Allemagne, une série de romans provoque la saga des Winnetou, des westerns pacifistes et pro-indiens, auxquels le public local accroche assez rapidement. Qu'ont les Winnetou de plus que leurs confrères du Nouveau Monde ? Un message et un cadre verdoyant, qui diffèrent tout simplement, dans un genre où prédominent les plaines arides et où les Comanches, Sioux et autres Apaches restent les ennemis par défaut. Mais rapidement, ce que l'on appelait déjà le "western-choucroute" s'enlise. Le public a d'autres attentes. C'est ici que l'Italie entre en jeu. Loin de délivrer des oeuvres à messages, ou toutefois dans ses premiers temps, les réalisateurs italiens vont développer une approche du western sombre, violente, mais néanmoins très ludique. Le Far West y est fantasmé à l'extrême, les duels toujours plus improbables, les personnages outranciers... Plus que dans tous les autres genres que le pays a exploré bon-an mal-an, le western-spaghetti nous montre une industrie du cinéma pleine de naïveté, où des grands gamins s'amusent comme des fous avec leurs pistolets en plastique.
Un pistolet pour Sergio
Celui qui mettra les pieds dans le plat sera Sergio Leone. A une heure où son nom est mis à toutes les sauces, où il suffit de mettre un bonhomme armé dans le désert pour parler de clin d'oeil à ses films, il est temps de rappeler qui était ce cinéaste et ce qu'était son cinéma. Leone n'était pas spécialement érudit. Beaucoup l'ont longtemps cru totalement illettré. Leone n'était pas spécialement un génie qui s'ignore. Sympathique ou caractérielle, la personnalité de l'homme était étrange, presque lunatique, parfois blessante. Peut être que son admiration pour John Ford, autre emmerdeur à la réplique cinglante, l'avait poussé par mimétisme à adopter quelques éléments de son caractère de cochon. Il entre pour de bon dans le cinéma par le biais d'un péplum, les Derniers Jours de Pompéi, où il partage la réalisation avec Mario Bonnard. Souvent crédité du seul Leone pour des raisons commerciales, les Derniers Jours de Pompéi est pourtant, avant tout, un film de Bonnard. Mettant en scène la star Steve Reeves, en prise avec une guerre de religion, des gladiateurs, diverses bêtes et un volcan qui gronde, les Derniers Jours de Pompéi reste étonnement peu spectaculaire, malgré une succession de beaux tableaux et son générique hallucinant où se bousculent Sergio Corbucci, Duccio Tessari, Enzo Barboni ou encore Lucio Fulci (!). Il y a néanmoins une scène qui porte une patte léonienne, ou tout du moins qui semble source d'influence pour la future carrière du réalisateur : un chant nocturne, entonné par les prisonniers d'un cachot. Ce court passage, lyrique et envoûtant, résume assez bien le cinéma de Leone : un cinéma où la musique se substitue peu à peu aux mots, où la gestuelle et la mise en scène vaut n'importe quel dialogue. Il était une fois en Amérique apparaît ainsi quasiment muet, hanté par la performance de Robert De Niro et les accords de Morricone. Et que dire d'un chef-d'oeuvre de la trempe d'Il était une fois la Révolution, où un simple plan fixe sur James Coburn sur fond musical parvient à créer les enjeux de plus de deux heures de film.
L'oeuvre de Leone se divise en deux catégories : la trilogie de l'Homme sans Nom, soit les trois évangiles du western-spaghetti, et la trilogie des "Il Etait une Fois", où Leone pousse son propre style dans ses retranchements, avec tout ce que cela comporte de violence, de lenteur, d'errances visuelles et de constructions audacieuses mêlant le passé et le présent (un beau sabotage de conventions d'ailleurs, une histoire débutant par "Il Etait une Fois" appelant généralement à un déroulement linéaire). Antihéros peu loquace, duels filmés comme des opéras, fusion artistique totale avec son compositeur fétiche, Ennio Morricone, tout a été dit sur les westerns de Leone, nombreux sont ceux qui se sont extasiés sur leurs aspects baroques, macabres voire parodiques. Il y a d'excellents livres sur le sujet qui sont sortis ou ne manqueront pas de sortir, une analyse complémentaire en ces lignes n'a donc pas beaucoup d'utilité. Toujours est-il qu'au delà de ses propres obsessions, Leone a révolutionné tout un genre, dans le but avoué de tuer le western américain. La chose n'était pourtant pas gagnée d'avance. Dans la gestation de Pour une Poignée de dollars, Leone et ses scénaristes se heurtent à l'incompréhension quasi-générale, y compris au sein de l'équipe de tournage. Entre les techniciens qui quittent le navires et ceux qui croient tourner une parodie, la conception du film a tout du capharnaüm. Au milieu de ce chaos évolue un acteur américain en quête de reconnaissance, un certain Clint Eastwood, qui ne semble pas plus qu'un autre croire en ce qu'il fait. Co-scénariste au moment des faits, Fernando Di Leo se souvient : "sur le plateau, Eastwood semblait détaché. Quand on devait tourner, on allait le chercher, il tournait et puis il repartait dans son coin. Je crois qu'il nous prenait pour des fous et il y avait de quoi." (*). Ajoutons à cela un financement aussi anarchique que l'ambiance générale et une sortie-salle relevant du suicide commercial, et voici un naufrage total. Et pourtant, Pour une Poignée de Dollars fait un carton. L'homme sans nom devient une figure populaire à part entière, permettant l'adoption de ce western d'un nouveau type, violent, immoral et poussiéreux. Le western-spaghetti, comme l'appellera dédaigneusement un journaliste, est né.
On l'appelle Corbucci
Dans le western-spaghetti, il est fréquent, pour des raisons de simplicité, de centrer les historiques autour de ses trois personnalités les plus marquantes, les "trois Sergio" : Leone, bien sur, Sergio Sollima, spécialiste des westerns politisés, et Sergio Corbucci. Leone et Corbucci, deux anciens collaborateurs qui devinrent frères ennemis, nourrissant une rivalité de bonne guerre, qui était sans doute plus folklorique que légitime. Car à bien y regarder, les westerns de Leone et Corbucci n'ont pas grand chose à voir. Là où Leone apparaît comme un metteur en scène exigeant, méticuleux, s'interrogeant sur chaque attitude ou dialogue, Sergio Corbucci ressemble davantage à l'un de ces mercenaires qui pullulaient dans le cinéma transalpin d'alors. Si Leone est l'artiste, Corbucci est un artisan, dont la filmographie imposante compose avec des genres diversifiés. D'honnêtes factures, ses films n'ont pas la majesté de ceux de Leone, mais s'en différencient néanmoins par leur dureté, leur violence graphique et leurs idées jusque-boutistes. Les films les plus sombres de Leone n'ont jamais atteint le niveau de noirceur de certains Corbucci.
Après avoir tâté le genre de-ci de-là, notamment avec le très mauvais Ringo au Pistolet d'Or, Corbucci trouvera son envol en 1966, grâce à Django, un film explosif lorgnant vers Pour Une Poignée de Dollars. Pour le rôle principal, il embauche, dit-on sur les conseils de son assistant, un certain Ruggero Deodato, Francesco Montenero, un comédien italien qui tente de se faire une place sous le nom de Franco Nero. Dans une ville purgatoire envahie par la boue, où ne semble que subsister un saloon-bordel, Django nous fait suivre les agissements d'un déserteur nordiste aux méthodes expéditives. Le film commence à peine qu'il y a déjà une dizaine de morts. D'un point de vue purement formel, Django n'est pas une franche réussite et son aspect patchwork, tenant plus de l'empilement de scènes que des constructions minutieuses de Leone, laisse volontiers croire que Corbucci tournait sans scénario. Ce qui tient Django, ce qui l'a fait entrer au rang de culte au point qu'une copie soit conservée au Musée d'Art Moderne de New York, c'est son outrance, la folie qui l'habite, permettant des scènes aussi incroyables que celle d'un Franco Nero, mitrailleuse au poing, dégommant une horde de fachos aux visages cagoulés. Trois ans après Leone, Corbucci étire à son tour les codes et les thématiques à l'extrême, synthétisant déjà tout ce que le genre peut avoir de jouissif, de violent et d'anarchiste. Spectacle décadent, presque vulgaire, Django marque l'avènement d'un western-spaghetti qui se complait dans la crasse, le sang et les personnages plus pourris les uns que les autres. Avec Corbucci, le genre est à peine né qu'il trouve déjà sa quintessence.
L'influence de Django est phénoménale, au point de réhabiliter l'usage de la
mitrailleuse. En 1967, Corbucci persiste dans sa voie vindicative et sort Navajo Joe, western bourrin mettant en scène Burt Reynolds en indien revanchard. Avec Navajo Joe, qui connaîtra une lointaine descendance avec les Collines de la Terreur de Michael Winner, Corbucci montre un autre visage du western-spaghetti, qui s'intéresse aux minorités. En haut de l'affiche trônent désormais des Indiens, de Mexicains, des bandits, des chasseurs de primes... Il ne faut pas oublier que le but même des western-spaghetti est de s'adresser à une population italienne de classe modeste. Inutile de faire de longs et beaux films sur les tribulations d'un banquier et de sa famille dans l'Ouest sauvage. La rébellion contre l'autorité, l'individualisme gentiment primaire, le combat pour ses droits deviennent des thématiques récurrentes et appréciées par un public avide d'évasion et d'identification. En 1969, en marge du sympathique Le Spécialiste (avec Johnny Hallyday !), Corbucci livre enfin l'un des films les plus importants de sa carrière et un magnifique fleuron du genre : le Grand Silence. D'une noirceur abyssale, Le Grand Silence met en scène Jean-Louis Trintignant et Klaus Kinski dans le cadre inhabituel d'un Colorado enneigé. Le film brosse le portrait d'un pays sans lois, écumé par des chasseurs de primes poursuivant sans relâches des fuyards affamés et hagards. Avec son atmosphère irréelle où le sang contraste violemment avec la pureté de la neige, Le Grand Silence s'enfonce dans une histoire désespérée où Kinski tire sur tout ce qui bouge pour s'enrichir, pendant que Trintignant, mystérieux tireur muet surnommé Silence, combat ces mercenaires mandatés par l'état. Pas de manichéisme, pas d'espoir pour ce film pourtant capable d'une beauté peu commune, à l'image de cette scène intime où Silence redécouvre l'amour dans les bras de Vonetta McGee.
Si Corbucci est toujours resté dans l'ombre de Leone, son oeuvre n'en est pas moins importante. Là où Leone construisait le western à l'italienne, Corbucci, quelque part, s'acharnait inconsciemment à le détruire, le ramenant film après film vers le point de non-retour. D'ailleurs, ce qui frappe le plus dans les films de Leone et de Corbucci, c'est l'approche de la mort respective des deux réalisateurs. Chez Leone, la mort des personnages principaux a toujours une certaine classe notamment dans la série des Il était une fois. Un exemple des belles morts concoctées par Leone est celle du Cheyenne dans Il était une fois dans l'Ouest, où la mise en scène, la musique de Morricone, le jeu d'acteur, les dialogues et le travail sonore contribuent tous ensemble à sublimer cet instant, certes triste -le Cheyenne est un personnage attachant- mais d'une valeur iconique à toute épreuve. Dans Il était une fois la Révolution, Leone va plus loin et utilise la mort même pour... caractériser ses personnages. Ainsi se trouve dans le film un médecin, chef d'un îlot de résistance qui virera collabo au fil de l'aventure. Dans un dernier sursaut de loyauté, il choisira néanmoins de se sacrifier en l'honneur de la révolution. Plutôt que de le condamner à une mort sans artifices ni gloire, Leone choisit d'ériger ce médecin en martyr, traduisant là son appartenance au camp des "bons" -le salaud de service écopant pour sa part d'une mort bien moins digne, roulant dans la poussière-. L'approche de Corbucci est bien plus radicale. Les corps tombent dans la boue et les personnages meurent comme des chiens, de préférence dans le sang et la douleur causée par une balle mal placée. Sous la caméra de Corbucci, ce sont les premiers pas du western dit crépusculaire qui se dessine, tel qu'il sera développé plus tard par Sam Peckinpah.
Coup de feux sur Almeria
Je vais, je tire et je reviensL'après Leone est une période schizophrène où les cinéastes s'inspirent du précurseur pour mieux s'en éloigner. Il y a ceux qui restent prudemment dans une approche italo-yankee, livrant des films aussi inintéressants que Duel au Texas. Western sans surprise ni intérêt, Duel au Texas a tout de même pour lui un personnage, Gringo, qui fera son petit bonhomme de chemin dans le genre. Bandit sans réelle personnalité incarné ici par le culturiste Richard Harrisson, autre recyclé du Péplum, Gringo dégaine ici le premier dans une histoire de vengeance déjà banale. De l'autre côté du prisme, il y a ceux suivant plus volontiers le sillage de Leone, permettant pléthore d'étrangers belliqueux et/ou de titres à "dollars", comme le Dollar Troué de Giorgio Ferroni. Enfin, en marge de tout ceci, il y a ceux qui voient en Leone un moyen plutôt qu'une finalité. L'enfant terrible qui va en naître se nomme Ringo, avec l'Homme sans Nom, le premier personnage clé du genre. Il a un nom, il a un style et surtout, il est 100% italien. Campé par Guillamo Gemma, Ringo, tel qu'il apparaît dans Un Pistolet pour Ringo, est une sorte d'aventurier débonnaire et sympathique qui, affranchi des poncifs leoniens, n'oublie pas de sortir un mot d'esprit avant de faire le coup de feu. Avec cette approche décomplexée, amusante sans être totalement parodique -on touche plus volontiers à l'absurde-, l'excellent Duccio Tessari annonce une autre veine du western-spaghetti, qui finalement ne demandait qu'à rire de lui-même. Le personnage de Ringo fait mouche dans le coeur du public italien qui trouve enfin un héros qui lui ressemble. Car tout emblématique soit Clint, il n'était jamais qu'Américain... Une autre branche du western-spaghetti se met à pousser, celle d'un western propre, presque gentillet, très divertissant. Les westerns de Leone sont lourds : l'ambiance n'y est pas au beau fixe, la guerre fait des ravages, les valeurs n'existent pas. Tessari et Ringo renouent avec un aspect ludique, qui en filigrane nous dit que tout ceci n'est pas sérieux. Côté production, le filon s'exploite et déjà la contrefaçon pointe son nez. Si Tessari pond un de ses meilleurs films avec Le Retour de Ringo, dont la tonalité sérieuse et sombre en déconcertera plus d'un, nous retrouvons Sergio Corbucci à la barre d'une belle pantalonnade, Ringo au Pistolet D'Or (alias Johnny Oro). Dans le rôle titre, Mark Damon compose un cow-boy d'opérette, souriant et relax, qui comble de tout passe la plupart du film enfermé en prison. Sans être totalement honteux, le résultat fait peine à voir.
Si Leone et Corbucci sont les deux piliers de cette période, il ne serait pas juste d'oublier d'autres films restés dans l'ombre de ces deux maîtres, mais qui chacun ont apporté leur pierre à l'édifice. Ainsi, Pas de Pitié pour les Salopards en 1968, western au ton léger s'achevant sur une étonnante rupture de ton. Avec Lee Van Cleef en bandit sympathique et Bud Spencer sans sa barbe, ce film insolite de Giorgio Stegani témoigne, de par sa forme même, de la dualité de l'époque, tiraillée entre le désir de s'amuser et celui de faire dans le sérieux. Ouvertement parodique, Enzo Castellari livre avec Je Vais Je Tire et Je Reviens une épopée picaresque autour d'une cargaison d'or, débutant sur une scène folle où l'Homme sans Nom, Django et un clone de Lee Van Cleef sont abattus par un George Hilton souriant. Très sérieux est en revanche Tire Encore si Tu Peux, film violent à l'ambiance lourde, habilement emballé par Guilio Questi. Scalp en gros plan, viol homosexuel, les excès de ce western sordide et lent surprennent, lorsque son atmosphère ne flirte pas avec le gothique et le surnaturel. Peu guilleret est également La Mort était au rendez-vous, histoire de vengeance peuplée de gueules signée Guilio Petroni, dont l'introduction magnifique et le final furieux restent des moments d'anthologie. L'alcool, lorsqu'il ne coule pas à flots au saloon, est également au centre des débats. En témoignent Pistolet pour un Massacre, petit western vite emballé par Umberto Lenzi, et El Puro, d'Edoardo Mulargia. Le premier, sempiternelle histoire de revanche sauvée par quelques idées folles, met en scène un héros, buveur d'eau pour des questions religieuses. Des considérations théologiques qui ne l'empêchent pas d'user de la Loi du Talion, allant jusqu'à sauver un malfrat de la pendaison pour pouvoir le plomber lui-même. Plus surprenant est El Puro, où un pistolero alcoolique passe son temps à éviter le combat. Alors qu'approchent les années 70, les concepts fusent et les castings se diversifient. En 1968 et 69, un scénariste du nom de Dario Argento enquille sans trop se fouler deux histoires quasi-similaires. L'une deviendra Cinq Gâchettes d'Or, tourné par Tonino Cervi, film sans grand intérêt où un groupe de mercenaires s'en va flinguer une fripouille japonaise (Tatsuya Nakadai, qui cabotine atrocement). L'autre servira à un film de Don Taylor, le bien plus réussi Cinq Hommes Armés, où Peter Graves recrute une troupe de bandits -dont le Japonais (décidément) Tetsuro Tamba - pour attaquer un train d'or. Déjà enfermé dans son éternel rôle "je mange, je tape", nous croisons au passage le bon vieux Bud Spencer venu cachetonner dans les deux productions. Il est heureux de voir que ce flagrant délit de poil dans la main n'aura pas profité qu'à Argento... Enfin, si 1966 était l'année Django, 1969 sera celle de Sabata, un héros autrement plus excentrique créé par Gianfranco Parolini. Toujours en costume noir, le même depuis le Bon la Brute et le Truand, Lee Van Cleef interprète ici avec bonne humeur une sorte de chasseur de prime rusé, quasi invincible grâce à ses gadgets farfelus. La légèreté et l'action sont ici de mises pour ce personnage haut en couleurs et sa petite bande, évoluant dans un Far West de carnaval. Pour ne pas s'arrêter en si bon chemin, Parolini met sur pied dans la foulée un autre cow-boy tout de noir vêtu : Sartana, campé par Gianni Garko. Très rapidement construite, la franchise Sartana tombera aussi rapidement dans le n'importe quoi, à l'image de ce merveilleux titre de Demofilo Fidani : Sartana, si ton bras gauche te gêne, coupe-le. On s'incline.
Comme souvent, avec les années 70, l'audace franchit un palier. Le premier à en faire des frais sera Sabata, à qui Gianfranco Parolini offre une vraie-fausse trilogie. Si Le Retour de Sabata, gentillet et spectaculaire, s'inscrit dans la lignée du premier épisode, Adios Sabata, son prédécesseur, change radicalement la donne. Yul Brynner remplace Lee Van Cleef, Bruno Nicolai vient assurer la musique et l'humour disparaît au profit d'une tonalité sombre et mélancolique. A l'arrivée, ce volet un peu à part est un excellent western, hanté par la présence d'un mercenaire enfantin passé maître dans le lancement de billes de métal. De son côté, Sartana rencontre Django dans le bien nommé Sartana défie Django, sous la tutelle plus ou moins compétente de Demofilo Fidani. Le résultat sans être ébouriffant échappe au pire et permet un duel final honnête où les deux légendes s'offrent un numéro de frime avant de partir chacun de son côté. L'Asie titille toujours les producteurs et en 1973, Antonio Marghereti tourne un joyeux western-kung fu, La Brute, le Colt et le Karaté. Après un improbable prologue en Chine, le film retourne sur les terres desséchées d'Almeria, où Lee Van Cleef et Lo Lieh (la Main de Fer) partent à la recherche d'une carte au trésor, dont les fragments sont tatoués sur les fesses de jeunes femmes ! Plus habitué aux ambiances gothiques qu'au cinéma d'arts martiaux, en témoigne la présence d'un inquiétant personnage de prêtre fou, Margheriti s'en sort avec les honneurs et offre un film rythmé et bien pourvu en scènes d'action. La moindre n'est pas le final où Lo Lieh tatane à tout va pendant que Lee Van Cleef règle ses comptes torse nu. Une belle réussite qui enfantera le terrible Mon Nom est Shangai Joe, où Chen Lee partage l'affiche avec Klaus Kinski.
L'arme à gauche
Le western-spaghetti était avant tout un divertissement populaire, plébiscité, par exemple, par les ouvriers. Un fait qui a rejaillit sur l'aspect idéologique du genre. Anarchiste, gauchisant, vindicatif, le western-spaghetti est un peu le western de la rébellion et de la revanche contre l'ordre établi. Une tendance qui déteindra plus tard sur le polar italien, plus ancré dans la rue que dans les hautes sphères. Parfois par simple allusion, à l'image de Django exterminant le Klu-Klux-Klan local dans le film éponyme, la politisation du western italien donna lieu à de véritables brûlots qui, si l'on excepte quelques incontournables du genre comme Le Dernier Face à Face, trouvèrent un cadre idéal dans la révolution mexicaine. Le schéma type étant celui du brave péon illettré abusé par un gringo sans-scrupules, venu rejoindre les révolutionnaires pour faire capoter l'entreprise en sous-main. Le Mercenaire, de Sergio Corbucci (1968), oppose ainsi Kowalski, un visage pâle profitant des troubles ambiants pour s'enrichir, à Paco, Mexicain qui prend les armes pour l'amour de son pays. Ce beau pas de deux entre Franco Nero et Tony Musante terminera néanmoins sur une note d'amitié et d'optimisme, qui sied parfaitement à ce western au ton parfois léger. Tout le contraire d'El Chuncho (1967), de Damiano Damiani, voyant le truculent Chuncho, campé par Gian Maria Volonte, se faire avoir en beauté par un agent du gouvernement américain venu assassiner le principal chef de la révolution. Tour à tour picaresque et sinistre, le tout s'achèvera dans un final jouissif, où Volonte plombe son adversaire à bout portant, avant d'haranguer le peuple, l'encourageant à "ne plus acheter du pain, mais de la dynamite". Imparable.
El ChunchoMais la référence en la matière est bien sûr Il Etait une Fois la Révolution, de Leone. Un temps prévu pour Sam Peckinpah -à qui le sujet aurait convenu comme un gant-, Il Etait Une Fois la Révolution réunit Rod Steiger et James Coburn, deux personnages que tout oppose, participant malgré eux au soulèvement par un effet boule de neige. Souvent dénigré, Il Etait Une Fois la Révolution est peut-être le film le plus beau mais aussi le plus nihiliste fait par Leone. Débutant comme un pur western fantaisiste, avec un braquage de diligence à la chorégraphie folle, les tribulations du brave Juan, bandit braillard et sans éducation, basculent dans un monde de moins en moins insouciant alors que sa route croise celle de John Mallory, un ancien artificier de l'IRA obsédé par la dynamite. Un personnage qui symbolise la fin d'une époque, où les motos et les armes automatiques remplacent les chevaux et les six-coups. Il était une fois la Révolution se construit sur cette opposition constante, John paraissant de plus en plus séduit à l'idée de changer le monde alors que Juan ne semble prendre son nouveau rôle de guérilleros que comme un travail de plus, au point de refuser de se considérer comme un révolutionnaire. Il était une fois la Révolution prend alors une allure de réflexion désenchantée, ramenant les idéaux du sujet à un niveau tristement terre à terre, celui d'un pauvre type cherchant tant bien que mal à s'adapter à un nouvel environnement, devenant un héros par accident. A l'inverse, John Mallory apparaît comme un homme brisé, qui n'a que trop conscience de l'univers dans lequel il vit. Hanté par un passé trouble, il cherchera dans la révolution une raison de vivre, voire la rédemption et deviendra le guide d'un Juan désorienté par sa nouvelle réalité. Chef d'oeuvre tragique sur la perte des illusions et la fin d'un monde, Il était une fois la Révolution restera le dernier western de Leone, ainsi que son film le plus politique, truffé qu'il est de références au nazisme.
Le western-fayot
Nous l'avons vu, le western-spaghetti a compris très tôt qu'un peu d'humour ne faisait pas de mal, à travers des titres comme Je Vais Je Tire et je Reviens, Un Pistolet pour Ringo, Pas de Pitié pour les Salopards. Pourtant, à partir de la fin des années 60, la tendance va complètement dégénérer en un festival gras et parodique n'ayant plus rien à voir avec les débuts solennels du genre. Les codes sont devenus tellement étirés, tellement rouillés, qu'ils ne peuvent plus qu'amener le rire, une plongée qui amènera le genre les tréfonds de la grosse comédie, entre batailles de baffes, cow-boys hirsutes et feignants et duels meurtriers presque inexistants. Cette vague parodique, qui débuta plus ou moins avec Les Quatre de l'Ave Maria de Ferdinando Baldi, trouvera sa réelle amorce avec le diptyque Trinita (1970 et 71), signé Enzo Barboni, vieux routier du cinéma italien qui officia notamment comme cameraman. On l'Appelle Trinita introduit pour de bon le couple Terence Hill et Bud Spencer, respectivement Trinita et Bambino, deux frères brouillés qui trouvent un terrain d'entente sur le terrain de la baston. Le duo, parfaitement invraisemblable et donc parfaitement comique, fonctionnera si bien qu'il perdurera jusque dans les années 80 -avec un petit come-back en 94, Petit Papa Baston- et les deux acteurs deviendront les Astérix et Obelix du cinéma transalpin. Pour autant, On l'Appelle Trinita garde quelques stigmates du western traditionnel : Trinita et Bambino ont beau engloutir d'énormes plats de haricots -d'où le terme "western fayot"-, ils défouraillent plutôt vite et n'hésitent pas à descendre quelques sbires, dont l'un finira châtré dans une scène singeant Django. On Continue à l'Appeler Trinita évolue pour sa part dans la grosse comédie. Trinita et Bambino mangent comme des gorets dans un restaurant huppé, Trinita et Bambino confrontés à un bébé pris de flatulence, Trinita et Bambino sauvent la veuve et l'orphelin, autant de gags et de bonne humeur où les fusillades n'ont plus leur place. Curieusement après ces deux coups d'éclats, Terence Hill et Bud Spencer commenceront par évoluer chacun de leurs côtés. Terence Hill obtient ainsi le rôle d'un pied tendre dans Et Maintenant, On l'Appelle El magnifico du même Barboni, production gentillette contenant quelques bagarres mémorables, pendant que Bud Spencer continue d'assommer les vilains dans un western au titre plein de saveur, Amigo, mon colt a deux mots à te dire, où vient également grimacer Jack Palance. Divertissant et amusant, Amigo, mon colt a deux mots à te dire n'est pas vraiment un film renversant, mais la relation touchante entre Bud Spencer, sympathique voleur de chevaux, et un enfant orphelin permet à l'acteur de se dévoiler dans un registre inattendu. Le tout n'en reste pas moins une foire d'empoigne rigolarde où le colosse bougon n'en fini plus de tomber sur des malandrins et de cabosser leurs sommets de crâne. Les rejetons de Trinita ne se font pas attendre et l'on assiste à quelques contrefaçons. Exemple parmi d'autres, Django Prépare ton Cercueil (1968), western tout ce qu'il y a de plus sérieux avec Terence Hill (qui entretenait alors une certaine ressemblance avec Franco Nero), se voit tout bonnement retitré Trinita Prépare ton Cercueil et exploité en vidéo sous l'angle comique. Plus fins ou presque sont des films comme Sabata, le Retour de Sabata, On M'Appelle Alléluia (1971), On M'Appelle Providence (1973) qui évoluent davantage dans la légèreté ou le burlesque avec un certain bonheur et font office de survivants face à tous ces fayots. Le personnage d'Alléluia, campé originellement par George Hilton, sera d'ailleurs décliné et rencontrera Sartana dans Alléluia et Sartana, fils de...A l'inverse, d'autres films comme Cippola Colt (1975), dont Enzo Castellari a toujours très honte, rappellent que le western-comique a plus qu'à son compte viré vers le n'importe quoi et l'insupportable. En 1973, ahuri par tant de médiocrité, Sergio Leone tente de clore le chapitre avec Mon Nom est Personne, rencontre au sommet entre Henry Fonda et Terence Hill faisant office de passage de témoin. Magnifiquement réalisé par Tonino Valerii, à qui l'on doit quelques titres solides comme Le Dernier Jour de la Colère ou encore l'excellent Une Raison pour Vivre, Une Raison pour Mourir (une version western des 12 Salopards, où Bud Spencer, James Coburn et quelques autres participent à l'assaut-suicide d'un fortin sudiste), Mon Nom est Personne n'est rien de moins qu'un chant du cygne, où la mélancolie s'entremêle de gags goguenards -dont on devrait la présence, comble de tout, à Sergio Leone-. Henry Fonda sort de la scène, Sam Peckinpah est littéralement enterré et Terence Hill reste maître de la place où s'agitent (vainement ?) ses propres successeurs. Avec ce film, Leone veut mettre le point final à son propre chapitre. Après lui, le déluge...
Keoma, prépare ton cercueil !
Si les tentatives de marier le western italien avec les saveurs de l'Asie montrent une volonté de renouvellement, les années 70, à mesure qu'elles avancent, seront marquées par la fin et le désintérêt progressif du genre. Malgré sa suite sympathique, Un Génie, Deux Associés Une Cloche, Mon Nom est Personne indique clairement qu'il est temps de tourner la page. Paradoxalement, la fin du western-spaghetti sera marquée par des titres très crépusculaires n'ayant aucun rapport avec l'ambiance joyeuse du western-fayot. Lucio Fulci livrera ici un film très pessimiste, et l'un de ses meilleurs, Les Quatre de l'Apocalypse. Sergio Martino accouchera pour sa part de Mannaja l'Homme à la Hache, oeuvre violente à l'ambiance onirique. L'un des derniers grands western-spaghetti reste Keoma. Oeuvre envoûtante -et un peu hippie, avouons le- signée Enzo Castellari, Keoma reprend grosso-modo la base de Django -à qui divers hommages seront rendus-, avec toutefois un traitement complètement différent. Film en totale apesanteur, Keoma joue avec une ambiance à la lisière du fantastique, au symbolisme christique ou mortuaire. Porté par une bande originale hypnotique et la réalisation toute en ralentis de Castellari, Keoma décrit un monde à l'agonie, traversé par la silhouette inquiétante d'une mystérieuse vieille femme. Pessimiste de par son sujet -un métis indien combat seul contre tous pour la liberté de son coin de terre- le film prend des allures tragiques, alors que la quête du personnage principal le mène dans une guerre fratricide à la conclusion sombre et déconcertante.
Chassé tout à la fois par le cinéma policier, le giallo et le cinéma d'horreur, le western italien fini par disparaître des carnets des producteurs. Les cinéastes, souvent habitués à zapper d'un genre à l'autre, tourneront donc le dos au genre pour chercher le travail où il se trouve. Leone met en place le projet titanesque qui deviendra Il Etait une Fois en Amérique. Corbucci pond un ultime western en 76, Le Blanc, Le Jaune et Le Noir, avant de tourner casaque à son tour. Il donnera par la suite au duo Terence Hill et Bud Spencer quelques un de ses meilleurs films. La même année que Keoma, Enzo Castellari sortira Racket, tonitruant polar dont le tableau alarmiste et la démesure annoncent pour beaucoup le Hard Boiled de John Woo. Quand à Lucio Fulci, il persévérera dans la voix du sang, qui le mènera à la notoriété qu'on lui connaît aujourd'hui. Un constat qui met finalement en lumière une autre particularité du western italien. Leone mis à part, il n'y avait pas vraiment de réalisateurs réellement attachés au genre, comme pouvait l'être un Ford ou un Walsh. De ce côté de l'Atlantique et des Alpes, tout cela n'était qu'une question de mode et de goût, même si certains cinéastes -il est vrai, récurrents- comme Corbucci ou Valerii ont donné le meilleur d'eux même pour accoucher de réels chef d'oeuvres. Le western italien n'aura duré grosso-modo qu'une dizaine d'année. Le western américain est né avec le cinéma américain et mourra probablement avec celui-ci. Là bas, de Clint Eastwood à Kevin Costner (Open Range) en passant par Lawrence Kasdan (Wyatt Earp) ou Ron Howard, la légende du Far West n'en finit plus de perdurer. Quand à son cousin spaghetti à l'histoire si brève, il aura eu le mérite de construire une imagerie vivace : de grands manteaux, des gros plans sur les yeux, des gueules mal rasées, des déserts brûlants, autant de clichés qui lui succèdent désormais et alimentent toujours le cinéma actuel. Avant, un réalisateur comme Leone était conspué par la critique bien pensante. A présent, il est du dernier chic de se réclamer de ce cinéma. Belle revanche pour les pistoleros de Cinecitta...
Hollywood/Cinecitta, le Grand Duel
Lee Van Cleef"John Wayne est un gros nul, je préfère Clint Eastwood". Voila une assertion qui nourrie bien des débats sur le western, où ne manque pas de se créer un schisme entre les pro-américains et les pro-spaghettis. Il est vrai que John Wayne, puisqu'on parle de lui, modèle de droiture, fait pâle figure face aux enfoirés tout sales des productions transalpines. Quand en plus le Duke s'affiche dans des films qui sont parfois d'un classicisme désespérant, il est tout à fait compréhensible de préférer l'école des gros zooms, de la violence et des personnages cyniques. Mais si John Wayne -qui par ailleurs a fait d'excellent films, comme Alamo- est devenu le symbole du western US, celui-ci ne se limite à cet acteur emblématique et l'on peut trouver des films plus déviants ou originaux, prouvant qu'il y a bien une passerelle entre les deux rives de l'Atlantique. Ainsi, dans le style ou la caractérisation des personnages, un western comme L'Homme aux Colts d'Or annonce déjà ce que sera la déviation du genre selon Leone. D'ailleurs ce film n'était-il pas un des préférés du réalisateur ? Dans le même ordre d'idée, des réalisations vraiment subversives à leurs époques, comme la Flèche Brisée, ont sans doute montré la voie aux Winnetou et autres Navajo Joe. Un autre grand film qui aurait pu être italien est Les 7 Mercenaires. Avec sa trame inspirée de Kurosawa -rappelons ici que Pour une Poignée de Dollars n'est jamais qu'une adaptation de Yojimbo-, ses flingueurs troubles, son casting de gueules et ses Mexicains à défendre, le classique de John Sturges a sans doute fait son petit effet en Europe, ne serais-ce que par son sujet (difficile de ne pas faire le parallélisme avec un film comme Cinq Gâchettes d'Or, aussi médiocre soit-il). Une fois le western-spaghetti bien en place, il est possible de constater quelques fascinants cas de transfusions à double-sens. L'exemple le plus marquant reste sans doute La Horde Sauvage, en 69. Un film culte, sevré à la violence transalpine et au cinéma de Leone, qui trouve son point d'orgue dans un final épique et traumatisant, où Peckinpah joue de la mitrailleuse comme Corbucci en son temps. Peckinpah qui influencera ensuite des cinéastes comme Enzo Castellari ou Leone lui-même, les deux réalisateurs ayant développé une thématique dédiée à la mort de l'Ouest. La boucle est bouclée.
"Tu aimes la musique, Tuco ?"
Que serait le western italien sans ses accords lancinants ? Lorsque l'on évoque le genre, c'est bien sur la musique d'Ennio Morricone qui vient à l'esprit, lui qui fut en harmonie totale avec son réalisateur fétiche, Sergio Leone. Pour Leone, Morricone créera un de ses plus beau thème, The Ecstasy of Gold, soulignant dans Le Bon la Brute et le Truand la course folle de Tuco dans le cimetière de Sad Hill, à la recherche de son trésor. Il aura aussi la lourde charge d'envelopper certains personnages d'une mélodie récurrentes qui leurs seront propres, comme dans Il Etait Une Fois dans l'Ouest -le fameux thème à l'harmonica- ou Il Etait une Fois la Révolution -le "Sean Sean... Sean Sean", rattaché à James Coburn-. D'un Sergio à l'autre, Morricone composera également le magnifique score du Grand Silence, musique subtile et mélancolique parfaitement en phase avec les paysages enneigés du film. Le Mercenaire, Teppepa, Mon Nom est Personne -où l'artiste s'essaye agréablement à la parodie-, On M'Appelle Providence, Mais Qu'est ce que Je Viens Foutre au Milieu de cette Révolution ?, autant de titres parsemant le western italien où Morricone apporte sa patte inimitable, trouvant toute sa grâce dans l'utilisation des choeurs. Mais Morricone, loin de se limiter au western, se distingue dans le cinéma transalpin tout entier, travaillant pour Argento, Pasolini, Sergio Sollima, ou en surélevant simplement des réalisations plus modestes.
Issu de l'écurie Morricone, Bruno Nicolai est également un compositeur marquant du western italien. Ses mélodies, emplies de ruptures de ton soudaines, ont apporté une aura supplémentaire à des films comme Adios Sabata, pour qui il livre un score superbe, Mon Nom est Shangai Joe ou encore quelques épisodes de Sartana.
Plutôt connu chez Ruggero Deodato, Riz Ortolani est un spécialiste des thèmes décalés, dont la beauté tranche avec la crudité des images. Il n'y avait que lui pour illustrer Cannibal Holocaust ou encore La Maison au fond du Parc. Dans le western, on le retrouve sur le doux-amer Pas de Pitié pour les Salopards, ainsi que dans l'entourage de Tonino Valerii, avec Le Dernier Jour de la Colère et Une Raison pour Vivre, Une Raison pour Mourir. Dans sa filmographie, on notera une curiosité, l'Homme Aux Nerfs d'Acier, bon petit polar où Lee Van Cleef donne la réplique à Jean Rochefort !
"Toum toum toudoudoum... Djaaangoooo...." Derrière cette imparable rengaine, l'Argentin Luis Bacalov. Si la chanson générique de Django, un chouia ringarde, peut faire sourire, son thème tout en cuivres, lourd et belliqueux, complète à merveille les exactions de Franco Nero. Artiste très prolifique, nous le retrouvons ici derrière le score d'El Chuncho, du Grand Duel -musique qui fut d'ailleurs reprise par Tarantino dans Kill Bill- ou encore Amigo, Mon Colt a Deux Mots à te Dire. Evoluant également dans le polar italien, Bacalov était en outre un habitué des films de Fernando Di Leo. Dans un tout autre registre, le film Le Facteur lui permettra de gagner l'oscar de la meilleure musique en 1995.
Immortel compositeur d'Anthropophagous, du Journal érotique d'une Thaïlandaise ou des ahurissantes croûtes spatiales d'Alfonso Brescia, Marcello Giombini restera ici pour ses thèmes joyeux dédiés au premier et dernier Sabata. Moins connues sont ses autres prestations pour La Mort pour un Dollar ou Ringo Le Hors la Loi.
Présents aux génériques de tout un tas de séries B voire Z italiennes -La Guerre du Fer, 2019 après la Chute de New York, l'irregardable Banana Joe, La Mort au Large, La Montagne du Dieu Cannibale...- Maurizio et Guido de Angelis sont les principaux responsables de la bande originale de Keoma, entreprise qui a manqué de tourner au désastre. Alors qu'on leur fourni des notes sur l'état d'esprit du personnage principal, afin qu'ils puissent s'en inspirer, les deux larrons en font les paroles littérales des chants. Le résultat, forcément d'une écriture un peu pauvre, sauve heureusement les meubles et reste en parfaite osmose avec ce western fascinant. Maurizio et Guido de Angelis ont par ailleurs travaillé avec Castellari sur Cippola Colt, ainsi que sur plusieurs de ses polars (Racket, Un Citoyen se Rebelle, etc.). Parmi la collaboration des deux compositeurs avec Sergio Martino, mettons également en avant la très belle musique accompagnant Rue de la Violence, sombre polar où un commissaire aux méthodes radicales s'en va venger un ami, sur fond d'Italie en perdition.
Remerciements aux éditions Wild Side
(*)HS Mad Movies : L'âge d'or du cinéma de genre italien