8/10Mort sur le gril

/ Critique - écrit par riffhifi, le 16/06/2008
Notre verdict : 8/10 - Un film saignant qui vint à point (Fiche technique)

Tags : raimi mort film sam gril cinema coen

Le Sam Raimi des débuts ne s'apitoyait pas sur le sort d'un Peter Parker aux cheveux gras. Il était plutôt du genre à envoyer ses personnages à la chaise électrique, en prenant soin de bien les faire rebondir sur les bords du flipper.

Il est temps de rétablir une vérité : entre Evil dead en 1982 et Evil dead 2 en 1987, Sam Raimi ne s'est pas tourné les pouces. Il a réalisé le film qu'on peut considérer comme le plus dingue de son œuvre, une distinction plutôt sérieuse quand on repense à la trilogie du Nécronomicon...

Le scénario, Raimi le cosigne avec les frères Coen, qui sortent tout juste de leur premier film Sang pour sang (Blood simple, 1984) : Vic (Reed Birney), alors qu'il est sur le point de passer sur la chaise électrique, clame son innocence de toute la force de ses poumons ; il entreprend alors de raconter la vérité sur les meurtres dont on l'accuse à tort, qui ont été commis par deux exterminateurs fous furieux (Paul L.Smith et Brion James), tandis qu'il essayait de séduire la jolie Nancy (Sheree J. Wilson), qui lui préférait Renaldo (Bruce Campbell)...

Le scénario, qui contient la plupart des éléments chers aux frères Coen (le duo de violents neuneus, le héros naïf balloté par les évènements, le goût de la chaise électrique qu'on retrouvera dans The Barber...), est essentiellement un prétexte à la réalisation d'un film au style incroyable, que l'on pourrait décrire ainsi : un Soudain, un inconnu vous offre des fleurs. Hélas.
Soudain, un inconnu vous offre des fleurs. Hélas.
dessin animé de Tex Avery filmé en live, débarrassé des limitations d'un spectacle pour enfants et étiré sur 1h20 au lieu de 10 minutes. Un véritable tour de manège hystérique, qui doit sans doute son insuccès à la promotion bizarrement axée sur l'aspect horrifique du film, alors qu'il s'agit clairement d'une comédie (un peu noire). S'il fallait le catégoriser, on serait même tenté de le ranger dans les polars plus que dans les films d'horreur : avec son look rétro et son ambiance nocturne ultra-colorée, Mort sur le gril (Crimewave en v.o., un titre plus cohérent puisqu'il désigne une vague de crime et non un barbecue) fait penser au Dick Tracy que Warren Beatty tournera cinq ans plus tard. Enchaînant les gags sur une musique jazzy entraînante ponctuée d'effets sonores cartoonesques, le film possède un rythme largement mieux maîtrisé que celui du premier Evil dead, un peu erratique et trahissant la nature partiellement bricolée du projet. Ici, on est clairement dans le petit budget, mais pas dans l'amateurisme ; l'humour est celui que Raimi, Bruce Campbell et Robert Tapert pratiquaient dans leurs films de lycéens, mais sert une narration impeccable qui parvient, l'air de rien, à rendre attachant un couple de personnages qui ne font rien d'autre que se promener dans une galerie de caricatures surjouées sans retenue.

Coffret DVD américain. On n'en a pas un beau comme ça, nous.
Coffret DVD américain. On
n'en a pas un beau comme ça, nous.
La palme de la dinguerie revient au duo d'exterminateurs (qu'on aime avant même de les voir, dès que leur annonce dans le bottin clame qu'ils s'occupent des rats, des cafards et des humains), interprété par Paul L. Smith, connu de quelques acharnés de vidéo club comme un sous-Bud Spencer des années 70, et Brion James, une des plus belles gueules de tordus du cinéma des trente dernières années. On pourra regretter que Bruce Campbell ne soit pas plus présent (d'autant que son rôle est l'équivalent de celui du loup chez Tex Avery), discerner un manque de moyens évident dans certaines scènes et trouver que la musique se fait parfois un brin répétitive (le compositeur Arlon Ober est essentiellement connu pour la musique de la série animée Robotech)... mais en fin de compte, on déplore surtout que le film ne bénéficie pas de la notoriété qu'il mérite. Parce qu'après tout, on y rigole au moins autant que devant Evil dead 2, et le scénario se révèle (attention sacrilège !) bien plus inventif...