The barber : L'homme qui n'était pas là
Cinéma / Critique - écrit par Filipe, le 08/09/2003 (
Magistral. On croirait aisément l'adjectif inventé pour ce nouveau chef-d'oeuvre des frères Coen. Proposé la même année que Mulholland Drive à nos valeureux festivaliers cannois, The Barber est un somptueux hommage à l'écrivain James M. Cain et à tous ces films noirs que ses ouvrages auront finalement inspirés. Un divertissement haut de gamme (Le Point). Au-delà de cette représentation plus ou moins flatteuse, le film est, en tout point, une effarante prouesse technique. Le cinéma n'avait, auparavant, aussi justement arboré son statut de Septième Art. L'ambiance de polar, suggérée par d'étonnantes illuminations et une plastique moderne pourtant dénuée de toute couleur, est absolument surréaliste. A travers cet écran peinturluré, au coeur d'un univers à peu près figé, éveillé de temps à autres par un air de musique récurrent, la fable est rendue tragique par sa douce absurdité et l'humour de son curieux narrateur. L'admiration est une solution.
Ed Crane est un personnage clairement atypique. Un coiffeur qui ne parle quasiment jamais. Ni avec son employeur, qui est d'ailleurs son seul compagnon de travail. Ni avec ses clients. Ni avec sa femme, et ce, depuis bien longtemps. Il la soupçonne d'ailleurs d'adultères à répétition mais ne s'interpose pas verbalement. Une fois de plus, son mutisme prend le dessus. Seulement, le jour où il fait la rencontre d'un commerçant véreux qui lui propose de faire fortune grâce au nettoyage à sec, Ed décide de faire chanter l'amant de sa bien-aimée.
Cette nouvelle contribution des frères Coen s'inscrit tout naturellement dans leur importante filmographie. Rappelons, sous couvert de strass et de paillettes, que chacun d'entre nous leur doit Sang Pour Sang (1984), Miller's Crossing (1990), Barton Fink (1991), Fargo (1995), The Big Lebowski (1997), O'Brother (2000). J'en passe et des moins bons. The Barber, réalisé en 2001, est une oeuvre assez austère, qui n'est certainement pas destinée à un large public. L'oeuvre est tout à fait profonde. Le discours satirique qui y est plus ou moins tenu est délicieusement incisif. Les aventures de cet étrange ingénieur capillaire, et qui prennent rapidement des allures de descente aux enfers, sont passionnantes. La réalisation est impeccable. L'ambiance musicale, à base de classique, est assez remarquable. Un petit diamant noir dans l'écrin du film de genre, capable d'éblouir les spectateurs et de séduire encore les orfèvres (Le Figaro).