Evil Dead - la trilogie
Cinéma / Critique - écrit , le 19/05/2003 (Tags : evil dead ray blu sam raimi film
Critique de la trilogie de l'horreur et du rire
Essai Transformé
En 1981, un jeune étudiant d'une vingtaine d'années, Sam Raimi, avec une caméra 16mm vissée sur l'épaule ainsi que 350.000 dollars en poche, tourne les premières scènes qui seront la pierre d'angle d'une trilogie culte : Evil Dead.
La ressortie en salle du premier volet en ce joli mois de mai est l'occasion de se replonger au tréfonds des ténèbres afin d'en remonter la substantifique moelle qui constitue ce monument du cinéma "comico-gore" (remasterisée s'il vous plaît).
On imagine facilement l'histoire résumée sur un cahier à spirales rempli des notes et délires du réalisateur. Cinq étudiants dans une cabane perdue au fond des bois trouvent un étrange livre ainsi qu'un enregistrement magnétique pour le moins étrange. Une petite équipe d'archéologues a en effet trouvé le Necronomicon, le livre des morts, rédigé en lettre de sang et recouvert de peau humaine. Bien
entendu, nos chers amis buveurs de bière ne tiendront pas compte de la mise en garde et s'mpresseront de libérer le maaaaal en écoutant l'enregistrement relevant une formule magico-maléfique qu'il ne fallait surtout pas dire. La suite du film vous pourriez presque l'imaginer sans l'avoir vue : les ados vont se faire pourchasser tour à tour par le démon, aussi vicieux que malsain et surtout parfaitement imprévisible. Une pauvre vierge innocente se fera violer par des arbres (!) ce qui donnera lieu à une scène incontournable du cinéma d'horreur. Le démon se charge de transformer les quelques humains présents en zombies désarticulés vomissant des matières visqueuses mais donnant surtout dans les répliques assassines et délirantes. C'est finalement l'antihéros Ashley J. "Ash" Williams (Bruce Campbell) qui se chargera d'éliminer sa petite amie et ses meilleurs potes à coup de tronçonneuse et de fusil histoire de se sortir vivant de ce calvaire.
En lisant un tel résumé, beaucoup pourraient se dire que c'est un énième slasher movie sans intérêt, mais le temps est venu de dépoussiérer ce film qui mérite pleinement sa ressortie en salle.
Evil Dead oscille entre erreurs excusables pour un étudiant et idées révolutionnaires. Certes le jeu des acteurs est pitoyable, certes on voit clairement les projecteurs dans certaines scènes, certes la pleine lune est incrustée sur le décor dans un magnifique rectangle dans le coin de l'image qui vous fera forcément sourire, mais que de bonnes choses à côté ! Des cadrages léchés avec par exemple des plans où la caméra filme une pièce par un coin tout en étant légèrement tordue : plan maintes et maintes fois repris dans les jeux vidéo, Resident Evil ou Silent Hill. Des récurrences sur les yeux, des travellings sur plafond nets et des raccords de montage très bien imaginés. Le son est particulièrement travaillé, des bruitages réalistes et parfois extrêmement dégoûtants sont tout le temps présents et apportent une dimension supplémentaire au film : une ambiance glauque à souhait. Par contre on passera très vite sur les musiques faiblardes et parfois trop pompeuses. Mais ce qui éclipse tout dans ce film avec 20 ans de recul : c'est l'humour. Le film est hilarant surtout si l'on peut le visionner dans une salle bondée. Si personne n'ose rire pendant le premier quart d'heure, car le film a quand même un peu vieilli, au fur et à mesure le rire devient communicatif et l'on entend même des remarques hilarantes fusant du public, bref, une expérience inoubliable.
Côté effets spéciaux, on en a pour son argent. Mélange de maquillage plus ou moins réaliste, de latex extensible à la John Carpenter, ou de litres de sang à la Peter Jackson, ce qui surprend le plus c'est l'utilisation de l'animation en pâte à modeler image par image mélangée au film. Une audace du réalisateur qui mérite le coup d'oeil !
Bref, si Evil Dead pouvait faire peur il y a 20 ans, le côté humoristique prend toute son ampleur avec le recul, à condition d'aimer un minimum les films un peu gore. Il serait dommage de cantonner ce film à un exercice d'étudiant, lorsque l'on voit la naissance d'un réalisateur innovant et imaginatif qui inspirera tout le cinéma d'horreur post-1983.
Plus Gros, Plus Drôle, Plus Gore
En 1987, Sam Raimi surprend les producteurs et se met en tête de refaire Evil Dead mais avec plus de budget. Loin d'être un remake, Evil Dead 2 est l'aboutissement d'un rêve d'ado et la réalisation d'un cauchemar pour le public avide de sensations fortes.
Bruce Campbell reprend donc le rôle de Ash et repart se perdre dans cette maudite cabane au fond des bois. Le scénario diffère légèrement du premier opus tout de même. Ash est cette fois-ci seul avec sa petite amie lorsqu'ils libèrent le maaaaal. Comme par hasard, la fille du scientifique découvreur du Necronomicon se rend elle aussi dans la cabane avec un ami et deux ploucs écervelés trouvés sur le chemin. Ces quatre nouveaux personnages ne tarderont pas de découvrir un Ash pétant littéralement les plombs, en proie aux vices démoniaques du malin. Plus on est de fous, plus on rit, et la zombification aidant, Ash va devoir à nouveau se battre pour sauver sa peau, quitte à perdre la main...
Scénario sans grand intérêt pour qui a vu le premier volet, Evil Dead 2 reste tout de même le meilleur épisode de la série. L'histoire déboule à toute vitesse et sans temps mort, contrairement à certaines scènes plutôt longues sur le film précédent. Le budget plus important se fait sentir et l'on ne perçoit aucune des erreurs citées
plus haut. Les cadrages sont encore plus fous, plus rapides, plus mobiles et il faut admettre que Sam Raimi se surpasse et nous donne de quoi avoir le vertige. Les acteurs sont plus à l'aise et l'humour n'est plus suggéré mais enfin imposé. Evil Dead 2 contient lui aussi ses moments cultes et de manière beaucoup plus présente. Ash se battant contre sa main donne lieu à une scène délirante qui tient plus de la performance que du jeu d'acteur. En se coupant cette maudite main au ras du poignet et en se fabriquant un bras tronçonneuse, Ash devient une sorte de super héros malgré lui, un pourfendeur de zombies mélangé à un personnage de Tex Avery, avec ses mimiques décalées soutenues par des bruitages très cartoon. L'hémoglobine coule à flot, les têtes volent et les bras m'en tombent : ce film est un cocktail 50% humour, 50% gore : 100% génial ! Certains hardcore gamers ne pourront s'empêcher de jubiler en entendant Ash mettre sa tronçonneuse sur son bras tout en lançant un "groovy" repris dans le mythique Earthworm Jim.
Plus de budget ne signifie pas forcement de l'argent jeté par les fenêtres, Sam Raimi reste fidèle à lui-même et à sa conception du film d'horreur. L'animation est toujours autant présente et cette suite est pleinement justifiée par la qualité technique irréprochable et incontestable.
Evil Dead 2, surpasse largement le premier, tant sur la technique que sur la direction d'acteurs. Sam Raimi a compris que l'humour devait être présent au premier plan et se lâche dans un délire qui fera date dans le cinéma d'horreur.
Au Coeur des Ténèbres
En 1994 arrive enfin la suite tant attendue : Evil Dead 3 : l'armée des ténèbres. Encore plus de budget, et l'on ne va pas s'en plaindre lorsque l'on voit les premières images de ce film.
Ash est dans de beaux draps, alors qu'il pensait avoir vaincu le démon qui le tourmente, il se retrouve en plein Moyen-Age après un passage virevoltant dans une faille temporelle. Démontrant ses talents, fusil et tronçonneuse à l'appui, Ash monte en grade tant dans le coeur d'une princesse que dans le commandement du château. Pour Ash, le Moyen-Age c'est un peu limite et sa seule envie est de repartir chez lui. Un sorcier lui suggère de ramener le Necronomicon planqué dans un cimetière. Fidèle à lui-même, Ash libère le démon en se trompant de formule et la contrée se retrouve en mauvaise posture : une horde de squelettes prépare une attaque contre le bastion des humains. Après quelques péripéties aussi gores que drôles, comme par exemple lorsque Ash se bat contre lui-même avec tous les objets qu'il trouve sous ses... heu sa main, se déroule une immense bataille entre humains et squelettes. Ash repart enfin dans son époque pour retrouver son boulot
de caissier, mais est-il revenu seul ?
Le retour du roi Ash signe l'épisode le plus drôle de la série, mais le moins gore aussi. Mélange de genre : médiéval, capes et épées, art-martiaux ou mythologique, Evil Dead 3 : l'armée des ténèbres est un délire sans fin que l'on regarde avec énormément de plaisir. On est décidément bien loin du film d'étudiant et si les amateurs de gore seront un peu déçus, les autres découvriront une oeuvre plus accessible que les précédentes. Il faut dire que Sam Raimi voulait un peu sortir du catalogage des réalisateurs de film d'horreur, et prouver qu'il savait faire d'autres choses mais avec autant de maîtrise et de style. Ce film change la donne : exit la forêt sombre, place au château fort et aux collines inquiétantes. Exit les petits meurtres entre amis, place aux combats gigantesques mêlant centaine de figurant, animation image par image et marionnettes. Exit les musiques synthétisées et vieillottes, place à l'orchestration symphonique. Exit le gore, mais place aux explosions et aux dialogues à mourir... de rire !
Difficile à classer, Evil Dead 3 : l'armée des ténèbres est une sorte d'Indiana Jones avec zombies et humour noir. Les petites phrases cultes sont toujours présentes, on retiendra, en plus du "groovy", un Ash scandant un "give me some sugar baby" avant d'embrasser sa dulcinée, ou bien lorsqu'un démon sort un "I'll swallow your soul" et que notre super héros Ash lui répond un "swallow this" en lui enfonçant son fusil dans la bouche !
Un film très drôle, bourré de répliques inoubliables et laissant peu de place au calme, bref, rien que de l'action !
Dissocier les trois volets serait absurde : Evil Dead est une trilogie incontournable du cinéma d'horreur très inspirée par l'oeuvre de Howard Phillips Lovecraft. Le fait d'avoir gardé l'animation image par image dans les trois opus donne une cohésion et un hommage aux films des années 60 du type Jason et les Argonautes. Tout comme Massacre à la tronçonneuse a véritablement lancé les slasher movies, Evil Dead a inauguré le cinéma comico-gore indépendant. Sam Raimi est avec Peter Jackson l'exemple de la réalisation du rêve de tout jeune voulant arriver à faire ce qu'il aime, quoi qu'il en coûte, et l'on ne peut que regretter certaines dispersions tel que le très décevant Spider-man.