8.5/10Spider-man 2

/ Critique - écrit par Nicolas, le 14/07/2004
Notre verdict : 8.5/10 - Amour, gloire, et toiles d'araignée (Fiche technique)

Tags : spider man marvel playstation annonce jeux sortie

Amour, gloire, et toiles d'araignée

Les miracles existent, j'y crois, j'y crois. J'y croyais tellement que le bureau de mon ordinateur a laissé tomber quelques temps la petite Yuna (de FFX) pour un superbe fond d'écran Spider-man 2 au flamboyant coucher de soleil. Une suite de blockbuster a, pourtant, tout pour se gaufrer, ce que Shrek 2 nous a d'ailleurs récemment royalement démenti. Et, surprise, les premières chroniques analysant la suite des aventures de l'homme-araignée se montraient indubitablement favorables, et même par fois excellentes ! Meilleur que le premier ? Malgré mes jubilations, je peinais à imaginer ce que pouvait signifier le mot « meilleur » dans un cas semblable. Une surenchère d'effets spéciaux dithyrambiques ? Des affrontements titanesques aussi bien sur le plan physique que sur le plan psychologique ? Ou une avalanche de rebondissements crédibles et audacieux ? Rien de tout ça, la vérité se révélant bien plus surprenante...

Spider-man 1 : Genèse d'un héros

Mais revenons un peu sur le premier. Repris en main par Hollywood, Peter Parker devient un pauvre petit étudiant un peu benêt et désespérément amoureux de sa voisine, Mary-Jane Watson. C'est par accident qu'il devient Spider-man, piqué par une araignée génétiquement modifiée, ou tout du moins qu'il acquiert les pouvoirs de Spider-man (force, résistance, sixième sens, production de toile en série). Car, si le super héros de Sam Raimi se conforme aux codes des super héros classiques, il n'en reste pas moins un adolescent en proie aux doutes du passage à l'âge adulte. « Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités ». Ce que Peter apprendra à ses dépends : plus son pouvoir est grand, et puis il touche son entourage. D'un petit garçon qui saute des toits en criant de joie, il se transforme en justicier luttant contre le mal, gavé par un sentiment de responsabilité qu'il a obtenu en même temps que ses pouvoirs arachnéens. Un rôle ambiguë comme le soulignera le Bouffon Vert, le grand méchant attitré de ce premier volet : « ce qu'aiment par-dessus tout les gens, c'est de voir un héros échouer, mourir au combat. ». Aimé, détesté ? Peter goûte aux deux, de plus en plus malmené par la logique finalement pas si illogique de son ennemi. Dommage que ledit bouffon n'ait pas davantage de goûts vestimentaires et de classe, coincé dans une combinaison verte et affublé d'un masque démesurément grand. Sans parler d'une voix grésillarde se référençant à des contes de sorcière. En bref, un vilain pas vraiment à la hauteur, mais suffisamment pour que le naissant Spidey puisse se faire les crocs...les griffes...enfin ce que vous voulez. Sam, derrière la caméra, s'amuse comme un petit fou. Les effets spéciaux, déjà très au point, insufflent un caractère majestueux au ballet aérien de l'araignée humaine, et l'autorise même à quelques excentricités stylistiques. Quel plaisir de voir Peter enfilé son costume en courant et escalader un immeuble dans la foulée, sans aucune coupure d'aucune sorte ; ou encore de le voir plonger à la rescousse d'un marmot menacé par un ballon géant, agrippé à sa toile. Les formes y sont, c'est sûr, et constituent le principal attrait de Spider-man.
Car là où le bât blesse, c'est que le rajeunissement de Peter fut avant tout une manoeuvre pour gonfler le personnage d'un côté, tout en le rendant attirant aux yeux des plus jeunes. Ses premiers émois, dans la première partie, se montrent puérils et un peu excessifs, secondé par une intrigue fantastique un brin trop classique (une araignée mutante pique un homme, il devient un surhomme), et un triangle amoureux peu surprenant (Peter - MJ - Harry). Les dernières minutes sont, quant à elles d'une rare intelligence, principalement dans la prévision d'une suite. Harry veut se venger de Spider-man mais ignore qu'il est Parker, Mary-Jane avoue ses sentiments à ledit Peter, et ce dernier doit maintenant jongler avec son amour sans lendemain pour MJ (les évènements avec le Bouffon vert lui ont bien fait comprendre que son pouvoir doit le responsabiliser, et qu'il ne doit pas prendre de décisions à la légère sous peine de menacer son entourage), et avec ses sentiments pour son meilleur ami (tiraillé entre la vérité et la déception qu'elle pourrait engendrer). Bref, de solides bases pour un hypothétique numéro deux qui mettra deux ans à nous parvenir, et qui, en tout logique, devait se présenter plus noire et plus adulte que le premier. Quid ?

Amour...

Une fille. Mary-Jane Watson, devenue actrice comme elle le souhaitait, flanquée d'un nouveau bellâtre de prétendant plutôt insignifiant. L'histoire d'amour qui la relie à Parker pourrait à elle seule faire l'objet d'une légère comédie sentimentale, tellement celle-ci est mise en avant. C'est d'ailleurs à travers elle que l'on devine la tournure que va prendre le film : plus sentimental, plus terre-à-terre, plus humain. Contraint de l'ignorer pour mieux la protéger, et parallèlement malmené par ses propres sentiments. Une ambiguïté grevant incessamment leurs rapports jusqu'à les éloigner, simulant une sorte de yo-yo affectif qui ne semble pas pouvoir avoir de finalité heureuse. Quasi-superficielle dans le premier, l'histoire d'amour qui en résulte enfonce les amourettes du passé rayon super-héros, par la profondeur de sa problématique et l'importance qu'elle prend dans la logique de son principal protagoniste, Parker. Un peu trop lacrymal, diront certains, mais élément fondamental du Peter Parker 2004, et, intrinsèquement, de la fissure qu'il observe avec le reste de la guilde des costumes exubérants.
Une famille. Tante May, maintenant veuve, doit faire face aux contraintes de la société, perd un peu l'équilibre pour mieux revenir auprès de son Peter. Et deuxième élément de la fragilité de Peter. Malgré ses pouvoirs, sa force, et sa notoriété, Spider-man se révèle incapable d'aider la pauvre femme meurtrie par la perte de son époux. Une potentielle puissance dramatique que Raimi utilise avec distinction, par l'intermédiaire de bouleversants face-à-face et quelques moments plus légers.

... Gloire ...

Un rêve. Le docteur Otto Octavius, vissé dans une sorte de prothèse reliée directement au cerveau. Un accident, comme d'habitude, mais au résultat redoutablement esthétique. Rien à voire avec le piètre Bouffon Vert, pourtant si merveilleusement campé par Willem Dafoe. Octopus se montre à la fois plus charismatique, plus dangereux, et plus stylé que son prédécesseur verdâtre, bien que ses motivations contre l'humanité demeurent tout aussi classiques : la poursuite du rêve du scientifique, un rêve altéré par l'abstraite conscience de ses appendices métalliques. Quitte à menacer une ville entière, mais ça...
Une ambition. Harry Osborn, maintenant à la tête de Ozborn Corporation, gagne en charisme et en haine, mais perd un peu en présence à l'écran. Justifié, dans le sens où le seul intérêt du personnage est de malmener, lui aussi, la petite vie déjà pas très rose de Parker. Sans compter le potentiel d'une telle déchirure interne pour des hypothétiques suites. Celle-ci prend d'ailleurs des proportions nettement plus saisissantes, et encore plus accablantes pour le pauvre Peter, dernière pièce du puzzle dramatique infligé au héros.

... Et toiles d'araignée.

Un choix. Celui d'un héros qui n'est pas milliardaire, qui n'est pas doué d'une abnégation sans faille, et dont la seule motivation reste son sens civique. Impossible de garder le plus petit emploi, impossible de résoudre ses difficultés financières, impossible d'avouer vérité et sentiments à la femme qu'il aime, impossible de garder la confiance de ses amis, impossible de vivre. L'image d'un parfait loser absolument incapable de faire le tri, débordé par ses propres doutes et ses obligations morales. De super-héros, Parker se voit subir une violente dégringolade de statut pour se retrouver les pieds sur « cette petite chose qu'il appelle la Terre », révélant un personnage plus sentimental, plus fragile que l'on pourrait le croire. Un véritable exploit pour un film qui se voulait avant tout spectaculaire et peu intellectuel, et certainement la petite chose qui fait la différence.
Un devoir. Celui de Spider-man, décrié par la presse (le Daily Buggle, et son Rédacteur en Chef toujours aussi loquace), mais foncièrement apprécié par l'opinion public. Moins présentes, les scènes d'action n'en sont pas moins spectaculaires, bien que semble-t-il parfois un peu fouillis. La faute peut-être à la vélocité des bras artificiels de Octopus qui ne laisse guère de répit, ni à Spiderman, ni au spectateur. Dans tous les cas, rien de moins que ce qui a été servi dans le premier, et parfois même plus. Sam Raimi n'entendait certainement pas se reposer sur ses acquis. Résultat, il multiplie les performances techniques, et donne une saveur savamment pimentée aux duels aérien que se voue l'homme-araignée et son ennemi. Celui du train en est certainement l'exemple le plus remarquable : pas de temps morts, et pas de coups à blanc. De l'action pure et dure, comme on l'aime.

Les images et les symboles défilent, transformant petit à petit la vérité en évidence : Spider-man 2 est une monstrueuse réussite qui n'a plus grand-chose du blockbuster conventionnel, mis à part de fabuleuses scènes d'action, au minimum aussi spectaculaires que dans le premier. La grosse différence tient en deux mots : Peter Parker. Le soin apporté au personnage, à ses sentiments contradictoires, et à ses doutes, le renvoie au statut d'être humain aussi rapidement qu'il avait été transformé en l'homme-araignée. Les sentiments l'emportent sur ce coup-ci, et l'on applaudit Sam Raimi pour avoir relevé un pari aussi difficile. Celui de faire une suite de blockbuster bien supérieure au premier, sur tous les points.
Mon fond d'écran Spider-man 2 restera sur mon bureau encore quelques temps...