Kick-Ass
Cinéma / Critique - écrit par riffhifi, le 02/04/2010 (Tags : kick ass film heros girl comics hit
Et si, demain, vous mettiez une cagoule pour aller dérouiller des durs-à-cuire comme dans les films ? Selon toute vraisemblance, vous vous feriez démonter la tête. C'est précisément ce qui arrive à Dave Lizewski. Mais lui, il y retourne.
En 1998, Nicolas Cage était sur le point d'incarner Superman dans une version réalisée par Tim Burton ; le projet tomba à l'eau, et l'acteur se consola quelques années plus tard en visitant le genre super-héroïque avec le très mauvais Ghost Rider. Depuis son Layer Cake en 2004, le réalisateur Matthew Vaughn a failli réaliser Thor, X-men 3 et (lui aussi) un Superman ; en fait de quoi, il n'a tourné que la fadasse fantaisie Stardust en 2007. Quant à Mark Millar, auteur de comic books particulièrement coté, il s'échine à monter sa propre version ciné de Superman (décidément) et a vu son Wanted complètement dénaturé par Hollywood. De cette triple frustration (et d'une conjonction d'autres paramètres qu'il serait trop long de détailler) naît Kick-Ass : d'abord sous forme d'une bande dessinée dessinée par John Romita Jr. et publiée par Icon (filiale de Marvel) à partir de février 2008, puis très rapidement sous la forme plus médiatisée d'un film qui nous arrive aujourd'hui
"Who am I ? I'm not Spider-man."dans le pif. Produit de manière indépendante par la société britannique Marv Films (héhé) de Vaughn, Kick-Ass ne s'embarrasse pas des diktats de studios américains, et se contrefout de ne pas être calibré pour un public familial...
Dave Lizewski (Aaron Johnson) a 18 ans et une vie normale. Fan de comics, il décide un jour d'endosser une tenue moulante et d'aller faire régner l'ordre dans la rue. Il réalise bien vite que l'habit ne fait pas le moine, et que son nom de super-héros (Kick-Ass, littéralement "botte-cul") a une fâcheuse tendance à se retourner contre lui... Pendant ce temps, Big Daddy (Nicolas Cage) et sa fille de 11 ans Hit-Girl (Chloe Moretz) forment un duo à la Batman & Robin, lancé aux trousses du caïd Frank d'Amico (Mark Strong, qui aligne consciencieusement les rôles de méchant : Sherlock Holmes l'an dernier, Green Lantern l'an prochain)...
Le genre "super-héroïque", qui constitue le nerf des comic books américains depuis plus de 70 ans, s'est progressivement fait une place de choix sur les écrans, avec une production actuelle qui compte chaque année une demi-douzaine de grosses sorties sur le sujet. Il était inévitable de passer par le stade de la parodie (Mystery Men, Super-héros movie), puis par celui de la distanciation : introduire l'élément surnaturel dans un drame centré sur un individu (Incassable), pousser le principe du super-héros dans ses derniers retranchements (Watchmen), en faire une épave alcoolique et blasée (Hancock)... et imaginer ce qui se passerait si un simple schnock décidait de devenir justicier
du jour au lendemain. Une idée qui est décidément dans l'air du temps, puisque Kick-Ass a été tourné en même temps que Defendor avec Woody Harrelson, sur un sujet sensiblement similaire (sortie le mois prochain, directement en DVD malheureusement). Dans le film de Matthew Vaughn, la balance entre réalisme et délire, entre violence et exaltation, permet de vivre l'empathie au point de partager la douleur et la jouissance, l'épouvante et la satisfaction. Après un prologue pastichant directement le Spider-man de 2002, émaillé de clins d'œil aux autres classiques du genre (la musique est un medley des grands thèmes classiques, à peine déguisés), Kick-Ass se construit sa propre identité, sans oublier de citer continuellement d'autres films (guettez les références, certaines sont assez pointues). Le héros est un geek, le film est conçu pour toucher ses congénères (mais nul doute que les autres se sentiront happés eux aussi).
La violence déployée à l'écran, si elle a suscité sa dose de controverse (avant même la sortie, comme souvent), s'avère aussi instinctive et chargée de sens que celle d'un Fight Club ou d'un Bronson : le héros ne se soucie pas de se faire défoncer la gueule, pourvu qu'il parvienne à refuser la passivité. A ce titre, l'histoire est moins une incitation à l'auto-défense (honnêtement, l'exemple de Dave ne donne pas envie) qu'une exhortation à se mettre en danger (au sens figuré), à aller au bout de ses envies. Mais rien n'oblige à s'arrêter à cette simple lecture, d'autant que le personnage de Hit Girl, entraînée par son père à devenir une machine à tuer, fait singulièrement froid dans le dos. Leur tandem évoque
directement celui que forme Batman avec sa Robin féminine dans le fameux Dark Knight Returns de Frank Miller, dont l'esprit n'a sans doute jamais été aussi bien retranscrit à l'écran : si ces personnages existaient, ils seraient probablement... de véritables bouchers ! Cerise sur le gâteau : Nicolas Cage est excellent, alternant les scènes de gravité avec d'impayables imitations d'Adam West. Bien que son rôle reste secondaire, il donne le ton de l'ensemble du film : tour à tour drôle, dynamique (les scènes d'action envoient de la grosse terrine), émouvant, déconcertant... Une grande réussite, un spectacle viscéral et un formidable exutoire. Déjà culte.
PS : A en juger par la bande-annonce française, le doublage est à fuir comme la peste. Vous aurez été prévenus.