Sherlock Holmes - 2009
Cinéma / Critique - écrit par riffhifi, le 04/02/2010 (Tags : holmes sherlock film watson robert ritchie guy
Sherlock Holmes version blockbuster, c'est une succession de bastons à la James Bond, d'explosions réglementaires et de scènes d'enquête anémiques et inutiles. Guy Ritchie est à côté de la plaque, et les acteurs talentueux mais mal choisis ne sauvent rien.
Condamné depuis plusieurs décennies à choisir entre le petit écran ou le pastiche (et encore, le dernier date déjà de 1988), Sherlock Holmes méritait un retour fracassant dans les salles obscures. Pour s'assurer que ça fracasse également le box-office, Warner Bros. emploie Guy Ritchie, réalisateur de Snatch et Rock'n'Rolla, qui se vante de n'avoir vu aucune des adaptations précédentes (un tour de force pour un cinéaste quadragénaire). Le bonhomme se prétend fan du personnage, et promet de livrer une œuvre fidèle à sa source littéraire ; à la vision du film, une
évidence s'impose : Ritchie a passé son enfance à lire des comics de Batman et Robin en croyant avoir les textes de Conan Doyle dans les mains... Résumons : Holmes (Robert Downey Jr., l'œillade séductrice, le cheveu savamment mal coiffé, la barbe de trois jours au menton) combat le crime avec son sidekick Watson (Jude Law, plus jeune et plus grand que son partenaire, sexy en diable malgré son boitillement), suppléant ainsi aux faiblesses opérationnelles de la police. Expert en boxe, il sait analyser les points faibles de ses ennemis mieux que personne, transforme n'importe quel objet d'une pièce en arme mortelle (Chuck Norris a du souci à se faire) et s'impose comme le candidat rêvé pour déjouer le plan de domination mondiale ourdi par un irrécupérable supervilain (Mark Strong)... Saura-t-il déjouer le tendre piège que constitue la femme fatale Irene Adler (Rachel McAdams) ? Supportera-t-il d'être quitté par Watson pour la jolie Mary Morstan (Kelly Reilly) ?
Question fidélité, le film fonctionne de la même manière que le récent Star Trek : un titre iconique, une narration parsemée de clins d'œil à l'usage des exégètes (on trouve directement ou indirectement les personnages semi-récurrents du canon : Lestrade, Moriarty, Mycroft... ainsi que plusieurs emprunts aux nouvelles), et une débauche de scènes d'action destinées à accrocher le public néophyte. Pas de deerstalker sur la tête de Holmes, ni de pipe calebasse dans sa bouche, car l'exégète sait qu'ils ne sont pas canoniques et le néophyte estime ces attributs ringards. Tout dans le film transpire ainsi le calcul laborieux, le cahier des charges
à respecter : bastons et explosions se succèdent à un rythme régulier, surgissant parfois sans raison autre que de dynamiter une ambiance qui s'embourbe dans une routine déplaisante. Car le Holmes campé par Robert Downey Jr., tout malicieux qu'il soit (loin du gentleman lunatique de Conan Doyle, il se comporte en sale gosse capricieux et charmeur), ne résout quasiment aucune énigme au cours du récit, et se contente de formuler occasionnellement une déduction indigne de Julie Lescaut avant d'aller distribuer des marrons dans la poire d'un géant qui ferait passer l'incroyable Hulk pour le petit frère de Mimie Mathy.
Finalement, le plus gros problème du film n'est pas tant de s'éloigner des représentations traditionnelles de Holmes et Watson (qui, pour la plupart, sont elles-mêmes assez librement dérivées des descriptions originales), mais d'être incapable d'aligner autre chose qu'une série d'épouvantables clichés et de vannes calibrées, le tout inséré dans les cases d'un modèle hollywoodien rigide et déjà vu mille fois. Comble de tout, par rapport au Star Trek cité plus haut, ce Sherlock Holmes souffre d'un vilain défaut : il est tragiquement ennuyeux.
Mais le générique de fin est joli.