Josey Wales, hors-la-loi
Cinéma / Critique - écrit par riffhifi, le 17/01/2011 (Tags : wales josey eastwood clint film western loi
Western atypique dans la carrière de Clint Eastwood, Josey Wales exhibe un cow-boy qui n'est ni solitaire ni sans nom. Il ne fume même pas le cigarillo ! Mais il tire des deux mains...
De tous les films que Clint Eastwood a réalisés, Josey Wales est son préféré. Pourtant, le chouchou ne partait pas gagnant : tourné à une époque où le western n'avait pas le vent en poupe (Eastwood prenait ses responsabilités : c'était déjà sa boîte Malpaso qui produisait), privé de son réalisateur au bout d'une semaine (Philip Kaufman, également auteur du scénario, s'est fait évincer par Clint pour "divergences artistiques" - l'argument classique qui veut tout et rien dire), il s'annonçait comme un projet bancal et voué au ratage. Mais quand les fées se penchent sur le berceau, les naissances les plus
Des bras de ferimprobables peuvent se voir bénies...
Fermier sudiste sans histoire, Josey Wales est privé de sa vie par les Pattes Rouges, une bande de pillards qui brûlent sa maison et massacrent sa famille. Rejoignant l'armée confédérée, il noie sa tristesse et sa colère dans la guerre contre les Yankees. Et lorsque le Nord remporte la victoire, Josey refuse de se rendre et préfère devenir un hors-la-loi.
Les amateurs de comics ne manqueront pas de noter les similarités qui existent entre le personnage de Jonah Hex, créé en 1972, et celui de Josey Wales porté à l'écran en 1975, d'après un livre paru confidentiellement peu avant : tous deux soldats sudistes défigurés (bien que la cicatrice de Josey soit bien plus discrète que le visage ravagé de Jonah), ils sont changés par les évènements en loups solitaires impitoyables ; le film récemment tiré de la BD accentue encore cette ressemblance, en montrant le massacre de la famille de Hex, absent du matériau d'origine.
Popularisé par Sergio Leone en tant qu'Homme Sans Nom, Clint Eastwood jouait de cette image dans L'homme des hautes plaines, son premier western en tant que réalisateur ; ici au contraire, il en prend le contre-pied : Josey Wales porte un patronyme si célèbre que le pays entier lui court après (notons au passage qu'il donne son nom au film lui-même, un fait rarissime dans la filmographie de l'acteur), son histoire personnelle est d'autant plus connue du spectateur qu'elle constitue la charpente du scénario, et il troque le cigarillo contre la viande séchée pour mieux arroser son environnement de longs filets de salive brune. Quant à sa façon d'affronter ses adversaires, elle contraste radicalement avec celle du 'Manchot' qu'il jouait dans Et pour quelques dollars de plus, puisqu'il s'ingénie ici à tirer des deux mains, préfigurant l'archétype du flingueur ambidextre que cristallisera John Woo dans ses polars.
De l'odyssée du héros râleur et taciturne, on peut choisir de retenir la beauté des images et l'humour des dialogues ; qu'il s'agisse du vénérable Chief Dan George (repéré dans Little Big Man) en indien pince-sans-rire, ou de Clint lui-même en philosophe vanneur, les répliques cultes se bousculent au
Un bras-de-ferportillon : « Dying ain't much of a living, boy », « Don't piss down my back and tell me it's raining », ou encore « Are you gonna pull those pistols or whistle Dixie? », traduit librement en français par « Vous dégainez vos pétoires, Messieurs, ou vous attendez qu'il neige ? ». On peut aussi savourer la musique de Jerry Fielding (qui fait penser à du Lalo Schifrin mélancolique, tout en payant un hommage occasionnel discret à Ennio Morricone), ou le minois de Sondra Locke, compagne de Clint que l'on reverra plusieurs fois à l'écran à ses côtés. Mais ce qui fait la force du film, et explique sans doute qu'il soit le favori de son papa, c'est le parcours de son personnage-titre. Traversant les étapes d'un deuil douloureux, Josey passe d'un comportement suicidaire à une attitude de survivant, en attendant de redevenir tout simplement vivant. Il traîne derrière lui une cohorte de soldats, de chasseurs de primes et de scorpions, carbure à la haine et à l'adrénaline, mais réalise petit à petit que son salut passe moins par la vengeance que par la reconstruction d'une famille. Celle-ci, faite de bric et de broc, aussi incongrue qu'émouvante, donne à l'histoire sa substance, sans pour autant obliger les violons à sortir. Une sensibilité pudique emballée dans le cynisme, l'humour à froid et les codes du cinéma de genre : c'est un condensé du cinéma eastwoodien.
En 1986, Michael Parks reprendra le rôle dans The Return of Josey Wales, qu'il réalisera lui-même sans rencontrer le moindre succès.