8.5/10L'Imaginarium du docteur Parnassus

/ Critique - écrit par riffhifi, le 16/11/2009
Notre verdict : 8.5/10 - Mon Parnassus bienvenu (Fiche technique)

Le retour du Terry Gilliam des grandes années, avec sa folie et ses lubies, son univers unique et son goût du bricolage. La dernière performance de Heath Ledger, bien qu'incomplète, vient clore avec pertinence sa courte filmographie.

Depuis Les aventures du baron de Münchausen (1987), il n'avait plus coécrit de film avec Charles McKeown. Depuis Brazil (1985), il n'avait plus planché en personne sur un scénario totalement original. Depuis Bandits bandits (1981), il n'avait pas produit lui-même une seule de ses réalisations. Nous sommes en 2009, et voici Terry Gilliam revenu de loin, après une décennie de projets initiés par de tierces personnes, et une autre de films inachevés ou Lily Cole (aucun lien de parenté avec James)
Lily Cole (aucun lien de parenté avec James)
insatisfaisants. Outre son co-scénariste, il s'est entouré de connaissances amassées au fil des tournages : les frères Jeff et Mychael Danna à la musique (Tideland), Christopher Plummer dans le rôle-titre (vu dans L'armée des 12 singes, et Gilliam avait dirigé sa fille Amanda dans Fisher King), Heath Ledger (Les frères Grimm) dans le rôle de Tony, le nain Verne Troyer (Las Vegas Parano) et Tom Waits (Fisher King) constituaient un générique déjà bien alléchant. A la mort de Heath Ledger, le projet s'est pourtant encore enrichi de trois grands noms : Johnny Depp (déjà vu chez le cinéaste), Colin Farrell et Jude Law sont venus compléter le rôle du défunt, par un tour de passe-passe auquel l'histoire se prêtait heureusement. Déroutant, L'imaginarium du docteur Parnassus laissera certainement une partie du public sur le carreau, tandis que les rêveurs et les fans du Gilliam sans muselière y trouveront amplement matière à festoyer, à rire et à s'émouvoir.

La troupe itinérante du docteur Parnassus (Christopher Plummer, chenu mais empreint d'une dignité comparable à celle de John Neville en Münchausen) présente à ses rares spectateurs une attraction unique au monde : un imaginarium, capable de matérialiser un monde à l'image des fantasmes de celui ou celle qui y pénètre. Un monde qui peut s'avérer dangereux pour qui ne se méfie pas de Mr Nick (Tom Waits, pile poil à sa place), qui n'est autre que le Diable en personne... revenu collecter l'âme de la fille de Parnassus, la jeune Valentina (Lily Cole), le jour de ses 16 ans. Le mystérieux Tony (Heath Ledger) représente-t-il le salut de la jeune fille, ou sa Jude orange
Jude orange
damnation éternelle ?

Comme souvent chez Gilliam, l'histoire est touffue, alambiquée, à la limite de l'allégorie. Plusieurs visions seront probablement nécessaires pour se faire une idée complète des tenants et des aboutissants, et les cinq minutes qui suivent la sortie du cinéma ne seront pas suffisantes pour résumer avec certitude les évènements et leur signification. L'effort pourra rebuter certains, surtout s'ils ont perdu pied en cours de route dans l'univers visuel occasionnellement délirant que déploie le film. Né d'une imagination galopante, qui n'a pas eu l'occasion de s'exprimer aussi librement depuis Las Vegas Parano, il s'emploie à faire passer l'esprit des cartoons gilliamesques à la moulinette des effets spéciaux modernes, générés par ordinateur plutôt que découpés dans un carton. Le résultat est parfois surprenant, évoquant les derniers opus de Tim Burton (Charlie et la chocolaterie en tête), mais offre de vrais moments de voyage hallucinatoire, jusque dans une séquence que l'on croirait sortie directement du Monty Python's Flying Circus.

La quasi-totalité de la filmographie de Terry Gilliam montre des personnages qui préfèrent le rêve ou l'imagination à la réalité qui les entoure. Celui-ci ne fait pas exception à la règle, à ceci près qu'il met en scène un vieux raconteur d'histoires que plus personne ne veut écouter. Lié au Diable par une série de pactes et de Tony truand
Tony truand
paris, il ne sait plus comment sortir victorieux de cette relation empoisonnée qui le hante depuis mille ans. Il espère surtout pouvoir protéger son enfant du Malin... Faudrait-il voir dans ce sujet un parallèle avec la relation orageuse du cinéaste avec le système hollywoodien, faite de rapports de force et d'humiliation, de contrôle perdu et retrouvé ? Que dire alors du personnage de Tony, dont la présence semble aussi indispensable que menaçante, dont le rôle est aussi insaisissable que sa véritable nature ? Peut-être représente-t-il la quintessence de l'acteur, capable d'attirer les foules sur sa seule apparence, sans que nul sache ce qu'il renferme sous ses mille visages ?... Les clés sont nombreuses, pour peu qu'on ait l'esprit ouvert et la soif de décrypter.


Warning : pour ceux que la seule présence de Johnny Depp motiverait, sachez que sa présence n'excède pas les 5 minutes. Vous préfèrerez probablement attendre Alice au pays des Merveilles l'an prochain, il s'y retrouve à nouveau de l'autre côté d'un miroir.