7/10Cinéman

/ Critique - écrit par riffhifi, le 02/11/2009
Notre verdict : 7/10 - Cinéman, c’est donc ton frère (Fiche technique)

Tags : film cineman moix cinema yann films dubosc

Dubosc se promène de film en film, marchant sur la corde raide d'un méta-film mal fichu mais loin d'être antipathique. Pour peu qu'on aime autant les films mal fichus que les grands classiques.

Avant même d'atteindre les écrans, Cinéman était un film maudit. Prévu pour Benoît Poelvoorde, le projet se fait finalement avec Franck Dubosc. Tourné fin 2007, il voit sa sortie annoncée pour l'été 2008, puis repoussée progressivement jusqu'à la fin 2009 (le même jour que le dernier Jeunet, le dernier Bruce Willis et le film sur Michael Jackson, merci la concurrence !). Entre-temps, la co-star Lucy Gordon se pend. Le montage est remanié plusieurs fois, les dialogues sont modifiés et redoublés (et ça se voit méchamment, au point où on se demande si ce n'est pas carrément délibéré). La critique étrille le résultat, allant parfois jusqu'à le sacrer « bide de l'année » (Ouest France), et les commentaires issus des avant-premières sont catastrophiques. Harold est toujours à la mode
Harold est toujours à la mode
Pourtant, il est possible de trouver de la pêche et de la sincérité dans cette comédie décalée, toute cassée, rafistolée à grands bouts de scotch et sous-exploitant forcément un concept qui se prêterait volontiers à une longue saga.

« Vous prenez de la coke ?
- Non, je prends que des Pepitos. Au lait. »

L'allergie à Dubosc est évidemment une bonne raison d'éviter Cinéman. Obligé de marcher avec des chaussures confectionnées pour un autre, il fait ce qu'il peut pour tirer le spectacle vers sa propre personnalité, dont il ne s'affranchit pas comme avait pu le faire Poelvoorde dans ses rôles semi-dramatiques (Podium par exemple, le précédent film de Yann Moix). Son rôle de Régis Deloux est donc l'archétype du Franck Dubosc vu sur scène ou dans Camping : un odieux courtebite arrogant et envahissant, dont on peut rire mais auquel il est difficile de vraiment s'attacher. Pourtant, la trajectoire de ce prof de maths envoyé au pays des films est un vrai moment de cinéma, qui fait moins penser aux comédies françaises actuelles qu'à la filmographie de Woody Allen, celui qui aimait à ses débuts l'humour potache et la parodie en vrac, celui qui sortait ses personnages de l'écran dans La rose pourpre du Caire, celui qui rendait Robin Williams flou dans Harry dans tous ses états... La différence essentielle, c'est que le film de Yann Moix a l'air d'avoir souffert. Il ressemble à ces obscurs nanars italiens que l'on trouvait en VHS au début des années 80 : mal doublés, recadrés, remontés, affligés d'une image dégueulasse et d'un générique écrit à la main par un stagiaire... Cinéman donne l'impression que certaines scènes ont été jetées, à la façon de la bobine manquante de Planète Terreur. Il laisse à penser que le prologue et l'épilogue ont été ajoutés in extremis dans le seul but de citer des films modernes et grand Robin des Bois cherche PEF
Robin des Bois cherche PEF
public (Toy Story, Harry Potter, Shrek), là où le reste des références ne dépasse jamais les années 70. Il se nourrit de sa propre réalité de création (Pierre Richard joue Pierre Richard, mais ce n'est pas vraiment lui, il menace Régis Deloux de le remplacer par Jean Dujardin qui a réellement été envisagé pour le rôle, etc.). La logique interne du scénario est ahurissante (Yann Moix s'échine notamment à nous expliquer comment on rentre et comment on sort d'un film, mais s'abstient de dire comment on navigue d'un film à l'autre), et la bande-son oscille entre l'évident (la musique des œuvres recréées) et le profondément décalé. Quant à l'histoire d'amour, on y croit aussi peu qu'à la prestation de Pierre François Martin-Laval en bad guy. Mais tout ce carton-pâte, ce coq-à-l'âne surréaliste, cette folie douce sans GPS a quelque chose de profondément réjouissant, pour peu qu'on ait le goût du cinéma (ni trop underground ni trop récent).

Rare cas de film dont la rédemption réside dans ses défauts, Cinéman risque de rater son public : nanar défoncé présenté comme un blockbuster foireux, il trouvera peut-être une seconde vie en vidéo...