The Dark Knight : Le chevalier noir
Cinéma / Critique - écrit par riffhifi, le 14/08/2008 (Contrairement à ce qu'on pouvait craindre, aucun acteur ne tire la couverture à lui dans ce film de super-héros façon polar, dont le scénario souffre (une fois n'est pas coutume) d'une intelligence excessive.
Le personnage de Batman, après avoir été traîné à plusieurs reprises dans un bidon de couleurs flashy et passé à la moulinette de l'auto-parodie, s'est vu offrir un retour au sérieux en 2005 avec Batman begins. Christopher Nolan, artisan de cette résurrection, a pris le temps d'un film complet pour retracer la genèse du héros ; on pouvait regretter l'absence d'un antagoniste digne de ce nom (l'Epouvantail et Ra's al Ghul étaient traités comme des figures secondaires), mais les bases étaient posés pour une suite plus pêchue, et le Joker était annoncé comme étant de la partie. Depuis, on se souvient de l'annonce de Heath Ledger comme interprète du clown criminel, de l'incrédulité des fans suivie de rumeurs élogieuses sur son incarnation, puis de la mort tragique de l'acteur en janvier 2008. Une fois le film sorti aux Etats-Unis, il a provoqué un raz-de-marée en salles, expliqué en partie par la présence à l'écran du jeune acteur récemment décédé. Faut-il pour autant voir dans The Dark Knight un classique du cinéma, ou même
Harvey a une Dent
contre les criminelsdu film de super-héros ?...
Gotham City est sur le point d'être soulagée de ses réseaux criminels : d'un côté, Batman (Christian Bale) fait le ménage dans les rues, et enraye la circulation d'argent des gangs ; de l'autre, le nouveau procureur Harvey Dent (Aaron Eckhart) trouve le moyen d'amener sur le banc des accusés tous les hommes de Marconi (Eric Roberts), le successeur de Falcone. Tous deux sont soutenus dans leur lutte par le lieutenant Gordon (Gary Oldman). Pendant ce temps, un homme émerge de l'ombre, menaçant de faire sombrer la ville dans une folie nouvelle : le Joker (Heath Ledger).
La notion maîtresse, dans ce Batman nouveau, c'est la noirceur. A tel point que les traducteurs français ont cru bon de traduire le titre par « Le chevalier noir », en réponse probablement au surnom de « Chevalier blanc » donné à Harvey Dent dans le film ; pourtant, Batman n'est pas l'opposé de Dent, il est son alter ego de l'ombre, celui qui peut agir en dehors des lois et des règles. Il est celui qui, par son attitude hors-norme, a permis l'apparition d'un barjot comme le Joker ; le thème était affiché dès la dernière scène de Batman begins : le yin amène le yang, l'anormalité entraîne la bizarrerie. Prenant conscience de cet état de fait, Batman développe une culpabilité galopante, s'interroge sur la légitimité de son existence et sur la conséquence de ses actes. On retrouve finalement ici une
Même pour la photo, il ne sourit pas.thématique assez comparable à celle du Iron man sorti en avril, si ce n'est que Tony Stark apparaissait véritablement comme l'alpha et l'oméga de la violence qui l'entourait, alors que Bruce Wayne a pris l'initiative de corriger un monde qui ne l'avait pas attendu pour être pourri. Poussé par un Alfred plus complexe que d'habitude (Michael Caine, trop classe pour être un simple majordome) et épaulé par un Lucius Fox qui commence à prendre ses distances (Morgan Freeman, trop classe pour être un simple employé de Wayne Enterprises), il prend la justice dans ses mains et cultive successivement le mystère, le secret, la dissimulation, le mensonge. En face de lui, le Joker s'impose comme une entité primaire, dont le but unique est de s'amuser pour dissiper son intense mal-être intérieur...
« You either die a hero, or you live long enough to see yourself become the villain. »
Si les films de Joel Schumacher réduisaient le personnage à une figure disco dérisoire, ceux de Christopher Nolan ont au contraire tendance à prendre leur sujet trop au sérieux. The Dark Knight, dans son traitement réaliste de la guerre qui oppose les gangs à la justice, fait davantage penser à Heat ou à American gangster qu'à un Spider-man. On gagne en solidité narrative ce qu'on perd en fantaisie, et on troque le Joker hilare de Jack Nicholson contre la boule d'angoisse
Il peut jouer aussi bien au tarot qu'au tarémaladive de Heath Ledger. Mais au bout du compte, l'histoire est la même : l'ordre, le sérieux, la rigidité contre le chaos, le rire, la liberté. La différence, c'est que ce Dark Knight aime à développer ses thèmes en de longues tirades explicatives sur la fine frontière entre le bien et le mal, l'ordre et le chaos... Le scénario est malin, bien écrit, et ménage de vraies plages de suspense que la réalisation exploite habilement. Les acteurs sont excellents (on déplorera simplement le remplacement de Katie Holmes par Maggie Gyllenhaal, vilaine et peu attachante), et ont tous droit à leur espace d'expression ; on peut même trouver que le Joker souffre de cette multiplicité de personnages secondaires, et manque de temps de présence pour répandre sa folie. A l'arrivée, les 2h27 s'avalent sans peine, mais un constat s'impose : si Tim Burton était le Joker, Nolan est Batman. Le film est spectaculaire, intelligent, carré, mais il n'est ni drôle, ni fou. On en vient presque à espérer la présence de Robin dans le troisième volet, histoire de rigoler un peu.