Le secret de Brokeback Mountain
Cinéma / Critique - écrit par Vincent.L, le 18/01/2006 (
A l'été 1963 dans l'Etat du Wyoming, deux jeunes cow-boys, Jack Twist (Jake Gyllenhaal) et Ennis Del Mar (Heath Ledger), sont engagés pour garder ensemble un troupeau de moutons à Brokeback Mountain. Seuls au milieu d'une nature sauvage, leur complicité se transforme lentement en une attirance inattendue...
Ang Lee est imprévisible. Difficile en effet de pressentir qu'après les « blockbuster » Hulk et Tigre et Dragon, il allait s'attaquer au tournage du premier western gay, passé précédemment dans les mains de Gus Van Sant et Joel Schumacher. Un thème à la mode donc, des acteurs montants et une superbe réalisation pour un film qui fera date. D'une part par la polémique qu'il déclenche dans le monde, comme par exemple dans certains états américains où il est interdit de diffusion. D'autre part par la rafle de prix qu'il a obtenu à Venise (Lion d'or) et aux Golden Globes (meilleur film dramatique, meilleur scénario, meilleur réalisateur et meilleure chanson).
Le Secret de Brokeback Mountain est la rencontre de deux hommes qui vont transformer une amitié en amour. L'homosexualité qui se révèle à eux est loin d'être évidente. Totalement perdus, il n'arrivent pas à assumer leurs infidélités et leurs mensonges. Avec intimité et lenteur (les dernières vingt minutes étant carrément interminables), le réalisateur taïwanais filme les deux amants perturbés par leurs doutes. L'un est prêt à assumer l'homosexualité et ses conséquences : le regard et le rejet des autres mais aussi l'optique d'un engagement débridé. L'autre a le désir d'assurer une présence pour ses enfants et n'ose pas affronter les dangers extérieurs d'une adhésion totale à ses sentiments.
En tête d'affiche, le couple Heath Ledger (10 Bonnes Raisons de te Larguer, Les frères Grimm) et Jake Gyllenhaal (Donnie Darko, Jarhead) fonctionne à merveille. La direction rigoureuse d'Ang Lee se sent à chaque plan. Chaque expression, regard et dialogue semble millimétré, donnant un résultat presque aussi parfait que dans The Ice Storm. Pour les seconds rôles, Michelle Williams (Dawson) est déchirante en femme trompée et Anne Hathaway (Princesse Malgré Elle) absolument charmante malgré des perruques du plus mauvais effet. Le tableau original que dresse sur une vingtaine d'années le réalisateur manque parfois de cohérence. On déplore ainsi l'absence de marquage du vieillissement des deux héros et le manque de descriptions de la vie conjugale du personnage de Jack Twist.
Ang Lee montre brillamment le désespoir et la désorientation de deux hommes gays dans les années 1960. Néanmoins, le film est long et l'émotion varie en fonction des orientations spirituelles de chacun.