Jarhead, la fin de l'innocence
Cinéma / Critique - écrit par Vincent.L, le 11/01/2006 (Tags : film guerre mendes sam jarhead cinema swofford
« Jarhead » signifie « tête de jarre » en argot anglais. Il désigne le nom que se donnent les marines entre eux. A l'été 1990, Anthony Swofford (Jake Gyllenhaal) est envoyé par les Etats-Unis pour participer à l'opération « Tempête du désert ». L'offensive est destinée à faire chuter le dictateur irakien Sadam Hussein qui vient d'envahir le Koweit. Arrivé dans le désert saoudien, une effroyable attente commence pour Anthony et ses copains de section...
Le réalisateur d'American Beauty et des Sentiers de la Perdition a choisi d'adapter le livre « Jarhead » d'Anthony Swofford, publié aux Etats-Unis en 2003. Le troisième film de Sam Mendes aborde le thème de l'attente en temps de guerre. Si des explosions et la conscience de guerre sont présentes, l'action sur le terrain est presque absente. Ces jeunes hommes qui voulaient « tuer de l'irakien » se retrouvent à lutter quotidiennement contre la chaleur, la fatigue, l'ennui et contre eux-mêmes. Dans une première partie, le réalisateur anglais excelle dans l'ironie qu'il donne aux entraînements militaires d'un bataillon de tireurs. Bien pensée et rythmée, cette sorte de Full Metal Jacket est teinté de réalités frissonnantes, telles la dureté de l'armée, le désir irréfléchi de tuer et la montée de démences. Sans temps mort et sur fond de tubes de Bobby McFerrin ou Public Enemy, Mendes enchaîne des scènes formidablement interprétées par Jake Gyllenhaal (Donnie Darko, Le Jour d'Après).
Dans une seconde partie, Jarhead s'égare dans un manque de pertinence et d'émotion. Si les montées de fièvre d'Anthony sont admirables de crédibilité et de tension, certaines scènes d'attente sont tout bonnement inutiles. A force de vouloir absolument montrer le vide de l'inactivité et l'inexistence d'un ennemi palpable, Mendes perd son spectateur dans la monotonie. La carence d'émotion est contrastée. Si d'un côté l'absence et les doutes liés aux compagnes des soldats sont bien rendus, le final apparaît presque raté. En dépis de propos relatant les effes catastrophiques de toute guerre sur ses participants, le film déçoit. Comparé au récent Lord of War d'Andrew Nicoll, l'impact de Jarhead a l'air minuscule. La dénonciation des politiques américaines est incomparable, tout comme la qualité de narration.
Bénéficiant du grand talent de réalisateur de Sam Mendes, Jarhead livre de superbes images de puits de pétrole en flame et un humour noir sympathique. Mais à force de s'étaler dans l'attente, il oublie le bien-fondé de certaines scènes et ne s'arrête pas suffisamment sur l'aspect choquant du film : envoyer des soldats pourrir au soleil pour rien. Un ensemble finalement trop superficiel.