Maniac Cop - La trilogie

/ Dossier - écrit par Lestat, le 07/03/2008

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La trilogie du flic tueur !

Les réalisateurs ayant débuté dans le porno ont ceci d'intéressant que leurs parcours artistiques suivent grosso modo le même schéma : un ou deux films extrêmes héritant -justement- leur absence d'ellipse du cinéma dénudé, de la bonne grosse série B des familles, une poignée de classiques et une sorte de virage auteurisant pour prouver que, nom d'une pipe, ils ne sont pas capables que de faire de l'exploitation. Voilà par exemple toute résumée la carrière de Wes Craven (qui avec Red Eye a effectué un virage bancal mais rafraîchissant) ou dans une certaine mesure, d'Abel Ferrara. Le cheminement de William Lustig est similaire (deux pornos, Maniac, Vigilante, Maniac Cop...), à ceci prêt qu'il ne s'est jamais laissé aller à de vaines tentatives d'intellectualisation de son cinéma, qui n'est jamais aussi bon que dans la déviance, l'humilité et l'efficacité. La trilogie Maniac Cop représente à la fois la suite logique et l’apogée de la courte carrière de William Lustig, qui en tant que réalisateur ne fera plus rien de marquant par la suite, et s’impose, finalement plus que Maniac, comme un bon témoin de ce qu’est réellement son oeuvre.

Le texte suivant contient des spoilers. Tout ce que vous lirez par la suite pourra être retenu contre vous lors de votre procès.

Maniac Cop

Malgré - ou grâce à ?- ses méthodes musclées, Matt Cordell est un bon flic. Trop bon peut être. Victime d'une machination de quelques collègues qu'il voulait justement dénoncer pour corruption, Cordell se voit condamné à la pire des choses : le pénitencier de Singsing, où pourrissent justement tous les voyous qu'il a arrêté durant ses états de service. Ceux-ci se vengent horriblement. Officiellement mort, Cordell n'a cependant pas dit son dernier mot et revient, tel un zombie, hanter les nuits de New York dans la peau du Maniac Cop.


Derrière Maniac Cop, il y a certes William Lustig, mais surtout Larry Cohen. Scénariste de génie doublé d'un réalisateur efficace (l'excellent Meurtres sous Contrôle, Le Monstre est vivant...), Larry Cohen délivre ici une technique immuable et déclinable à l'infini : l'intrusion d'un élément inhabituel dans un train-train quotidien. Une recette qui a fait de lui un scénariste rapide, prolifique et apprécié, comme le prouve son CV en forme de bric-à-brac : un monument du petit écran (Les Envahisseurs), des épisodes plus confidentiels de grandes séries (NYPD Blues, Columbo...), un peu de Blaxploitation (Black Ceasar et sa suite), du film de monstre (Epouvante sur New York), une resucée du Blob (The Stuff, sombre histoire de yaourt tueur), du téléfilm d'envergure (Retour à Salem), etc. Maniac Cop ne déroge pas à la règle et -tout en recyclant des éléments de Meurtres sous Contrôle- fait preuve d'une écriture efficace et d'une trame à cheval entre les genres.

Car Maniac Cop est avant tout un polar, où nous suivons l'enquête laborieuse d'un inspecteur confronté à une vague de meurtres et à une paranoïa galopante envers les forces de l'ordre. Matt Cordell n'est ici qu'un personnage de second plan, position finalement cohérente avec le statut de légende urbaine que lui confère le film. Ce parti pris permet également de favoriser une certaine ambiguïté : Cordell est-il mort, est-il vivant ? A-t-il jamais existé ? Le Maniac Cop est-il un spectre vengeur ou un simple flic pris de folie meurtrière ? Aux prémices du film, il faut pourtant croire que la cause était acquise d'avance quant à la nature de Cordell : Cohen et Lustig voulait créer, avec leur créature, une nouvelle icône du genre. Des contraintes de temps et de budget en ont décidé autrement et le Maniac Cop restera condamné à se tapir dans l'ombre, laissant parfois surgir le visage acromégalien et vaguement maquillé de son interprète, le colossal Robert Z'Dar. Finalement, un mal pour un bien, le film gagnant en mystère et en intérêt.

Le plus surprenant dans Maniac Cop est cependant son aspect nostalgique et un peu désuet. Nous sommes en 87, la même année sortait Evil Dead 2 et sa folie visuelle -Sam Raimi vient d'ailleurs faire coucou-. Sécheresse de la réalisation, ralentis de rigueur, musique lancinante (Jay Chattaway, déjà sur Maniac), flic moustachu, Richard Roundtree (Shaft) au casting, le film prend pourtant une tournure très années 70, lorsque William Lustig, en bon fan qu'il est, ne s'impose pas en émule d'Umberto Lenzi ou de Sergio Martino. On imagine d'ailleurs facilement le New York pourri de Lustig se substituer à la Rome gangrenée par les gredins chevelus chère aux cinéastes transalpins de l'époque.

Maniac Cop 2


Plutôt favorable à l'idée d'une suite, William Lustig et Larry Cohen, jamais les derniers pour grapiller un peu de sousous à condition d’avoir les mains libres, remettent le couvert en 1990. D'une façon déconcertante : adios Bruce Campbell. Les héros du premier sont littéralement sacrifiés, pour faire place net à la nouvelle némésis du Maniac Cop : le détective McKinney, campé par Robert Davi et sa gueule des mauvais jours. Si Maniac Cop donnait l'impression d'une décennie de retard, le moins que l'on puisse dire est que son successeur... n'aurait pas dépareillé dans les années 80. McKinney est un dur à cuir qui préfère sortir son flingue que son stylo, l'ambiance est très bande dessinée et l'esthétisme générale fait preuve d'une certaine outrance, entre obscurité exacerbée et éclairages rougeoyants à la Creepshow. Autre nouveauté, le Maniac Cop prend du galon. Au centre de la scène, il se trouve un copain serial-killer et fait monter le bodycount dans une bonne humeur assez jouissive. Parmi ces faits d'arme, quelques coups de matraque-poignard pour rigoler, un commissariat dépeuplé façon Terminator ou encore une fin pyrotechnique où Cordell, tel un ange exterminateur surgi de l'enfer, retourne à Singsing pour montrer qu'on ne badine pas avec la justice, à plus forte raison si c'est la sienne.

Maniac Cop 2 est donc un film assez ludique et très américain dans l'esprit (McKinney semble sortir tout droit d'un film noir, la gâchette facile en prime). Un divertissement à la fois sombre et joyeux, plutôt bien mené, dont on peut néanmoins regretter l'ironie jaune du premier opus, assez absente ici, et qui permettait en son temps quelques scènes mordantes, telle cette vieille dame qui, croyant avoir affaire au tueur, plombe un gentil bleu venu la verbaliser. Matt Cordell n'a en outre jamais autant ressemblé à Jason Vorhees (maquillage foireux compris), ce qui fait du film une sorte de curiosité dans le registre plutôt banlieusard/campagnard du slasher-movie.

Maniac Cop 3


Devant le succès de Maniac Cop 2 et sa renommée auprès des amateurs -qui se vérifie toujours aujourd'hui-, c'est fort logiquement qu'un troisième épisode est mis sur les rails. Moyennement emballé par l'idée, le tandem originel s'exécute avant que des rapports conflictuels avec la production n'entachent cette bonne volonté. Si plus de dix ans plus tard, Larry Cohen nuance désormais la chose, William Lustig persiste et signe : pour lui, Maniac Cop 3 est un mauvais film, dont il s'est contenté de torcher les plans, et dont le souvenir reste douloureux. Si pareille confession construit automatiquement une certaine indulgence au visionnage, force est de constater que Maniac Cop 3 n'est pas catastrophique.

Le film semble en effet revenir aux sources, avec enquête policière et Cordell relégué au rang d'ombre. Robert Davi rempile et crève l'écran en composant un McKinney toujours aussi badass, mais encore plus désabusé et cynique. Il fait cette fois parler la poudre aux côtés d'une fliquette de choc, la bien surnommée Maniac Kate, dont s'éprendra le pauvre Cordell, qui décidément n'aura jamais le droit au repos éternel. Très noir, habité par un duo de personnages bouffés de l'intérieur, Maniac Cop 3 fait cependant preuve d'un étrange et presque perpétuel second degré acide qui fait mouche, comme si l'insouciance je-m'en-foutiste de Lustig et Cohen avait phagocyté le film. Quant à Cordell, ses meurtres sont parfois inventifs, comme le prouve une hilarante scène où il attrape un pauvre type et lui fait subir un vol plané avant de le plomber façon western.

Malgré son histoire nébuleuse, les vingt excellentes premières minutes du film, ses fusillades efficaces et son Robert Davi très charismatique en font une petite réussite, boîteuse mais finalement honnête, relevée par une acerbité sous-jacente quoique sans-doute involontaire. Osons le dire, pour un film renié en bloc, Maniac Cop 3 ne s'en sort pas trop mal et en certain points s'avère même meilleur que le deuxième épisode.

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Maniac Copland

L'idée d'un policier meurtrier est-elle neuve ? On s'en doute, non. En 1973, Harry Callahan lui-même en croisera un sur son chemin dans Magnum Force, suite solide de L'Inspecteur Harry où le personnage est radouci avec plus ou moins de bonheur. Il est d'ailleurs assez probable que l'influence principale de Maniac Cop vienne de là. Avec sa carrure imposante et son maquillage non-sensique (il change à chaque épisode et même plusieurs fois dans le premier), Matt Cordell a finalement réalisé le souhait de ses géniteurs : devenir une icône. Une icône de video-club pour des films n'allant pas plus haut que la série B, certes, mais c'est toujours ça de pris. Dommage que William Lustig soit sorti si amer de Maniac Cop 3, on aurait bien rempilé pour un quatrième. Quoi, qui a dit "non" ?? Vous avez le droit de garder le silence... pour toujours !! *Bang !* 'Argh !*