Red eye, sous haute pression
Cinéma / Critique - écrit par Lestat, le 30/10/2005 (Tags : film eye red sous haute pression craven
Dans un terminal d'aéroport, Lisa Reisert, belle brune travaillant au Lux Atlantic, grand hôtel de Miami, rencontre un beau brun, Jackson Rippner (!!). Le hasard les rendra voisins tout le long du vol Dallas/Miami. Une belle histoire d'amour qui débute là...
...Ah en fait non. En plein ciel, Jackson dévoilera sa véritable nature. Intermédiaire entre différents tueurs à gage, il fera exécuter le père de Lisa si celle-ci ne l'aide pas à faire assassiner une personnalité politique, résidente au Lux Atlantic.
Après l'amère expérience Cursed, le vétéran Wes Craven claqua la porte de Dimension Film pour toquer à celle de Steven Spielberg. Si la bannière Dreamworks ne laisse pas espérer de crapoteuses giclées gores dignes du père de Freddy, elle permet au moins de se rassurer sur un point : Craven aura eu les mains autrement plus libres que chez les frères Weinstein. Red Eye risque de décevoir les fans de la première heure, car n'est au final qu'un petit thriller, faux huis clos se déroulant entre l'espace confortable du Boeing 767, la maison familiale de Lisa et le Lux Atlantic. Rien de très original en soi, le concept de base étant usé par une génération de films catastrophe, sans parler d'un acte final qu'on croirait sorti de Scream. Pourtant, il faut reconnaître que Red Eye se regarde plutôt bien. Si les premiers échanges de Jackson et Lisa sont dignes d'un mauvais soap, jusqu'à en devenir hilarants, les choses s'arrangent lorsque nos deux têtes d'affiche pénètrent dans l'avion et que les masques tombent. Comme mû par ce déclic, Red Eye devient alors beaucoup plus intéressant, et ceci à tous les points de vue. Loin d'être engoncé dans sa carlingue, Craven ballade sa caméra avec un certain brio, s'applique dans une mise en scène sobre mais dynamique, usant de petites astuces pour traduire une impression d'isolement presque paradoxal dans ce lieu on ne peut plus public et cloîtré. Ces instants, au sein de l'appareil, sont les plus forts du film, ainsi que ceux où Red Eye dévoile tout son moteur de réussite. Car outre son scénario, malin sans être vraiment brillant, Red Eye est un film où finalement chacun fait bien son boulot. Craven réalise le tout avec la maîtrise d'un technicien soigneux, Rachel McAdams se glisse à merveille dans la peau de cette jeune femme un peu nunuche qui se dévoile et Cillian Murphy, échappé de 28 Jours Plus Tard, joue impeccablement de son physique étrange, s'imposant tantôt comme un séducteur gentleman, tantôt comme un être machiavélique et froid. Le personnage de Jackson est d'ailleurs le plus intéressant de tous, tout en ambiguïté, très difficile à cerner. Mais plus que sa personnalité, c'est sa sauvagerie qui bénéficie d'un traitement exemplaire. Courtois, calme et aimable bien que tortionnaire, Jackson va soudain révéler toute sa menace, au court d'une scène assez méchante où il frappe Lisa d'un coup de tête. Hormis le final, ce sera pourtant le seul acte de violence du bourreau sur sa victime, mais à partir de là, un danger permanent va sourdre de Jackson, et pour le spectateur, la possibilité d'extrapoler quant aux capacités du criminel. Si au sortir de l'avion l'intérêt retombe un petit peu, Red Eye, pour peu qu'on y rentre, passe comme une lettre à la poste. Mais ne laissera sans doute pas un souvenir impérissable. La faute à un manque de tension générale et de paranoïa, qui aurait apporté du sel à ce petit film.
Pas franchement original et trop sage, même pour le Craven du XXIème siècle, Red Eye est un divertissement sympathique fait avec sérieux et talent. On regrettera quelques recrudescences d'humour pourri et une fin conventionnelle qui basculerait presque dans l'auto-citation. Du reste, une introduction nerveuse, une réalisation solide et un scénario plutôt bien écrit mettent Red Eye dans le rang des Craven mineurs. Ce qui est toujours mieux qu'un mauvais Craven...