Gangs of New York
Cinéma / Critique - écrit par Nicolas, le 08/01/2003 (Tags : film york gangs scorsese martin films bill
Sang pour sang
2002 a vu L'Attaque des Clones, Les Deux Tours, La Chambre des Secrets, Minority Report, Astérix Mission Cléopâtre, j'en passe et des hurlées. C'est une année riche en événements cinématographiques qui s'achève, laissant la place à une nouvelle année non moins chargée de blockbusters comme les deux MatriX, Catch Me If You Can, Daredevil, Gangs of New York, et autre Retour du Roi (je passe volontairement les suites de Charlie et ses Drôles de Dames, X-Men, ou encore les curiosités françaises, La Beuze, Bullit et Riper, Brocéliande). 2003 saura-t-il combler nos attentes, ô combien vastes, de surenchères spectaculaires et d'images grandiloquentes ?
Début de réponse avec la première grosse sortie de la nouvelle année, Gangs of new York, repoussée à plusieurs reprises mais finalement achevée et prête à projeter. A première vue, peut-être une page d'histoire peu glorieuse des Etats-Unis, romance d'une époque souvent survolée sans jamais en avoir révélé toute sa profondeur. Ou bien encore fresque politique et sociologique, les premières pierres de l'oeuvre métisse qu'est New York. Aboutissement, un tableau d'une force intellectuelle rarement vue sur les écrans, condamné dès la naissance à ne pas faire l'unanimité.
1846. Le gang des Lapins Morts, rassemblement de tout ce que New York peut comporter d'étrangers, rend son dernier souffle avec celui de son leader, le prêtre Vallon (Liam Nesson), sous les yeux de son jeune fils Amsterdam Vallon (Leonardo DiCaprio). Seize années plus tard, l'enfant, placé dans une maison de correction, est devenu un solide adulte nourri par l'idée de vengeance contre le meurtrier de son père, William Cutting (Daniel Day-Lewis) dit Bill Le Boucher. C'est ainsi qu'il remet les pieds à New York...
Que ce soit par la vision esseulée d'un chauffeur de taxi sujet à la violence d'une grande ville (Taxi Driver, palme d'or 1976), par les aspects plus colorés d'un passé regretté (New York, New York, 1977), ou bien encore par les aspirations psychédéliques d'un ambulancier en quête de rédemption (A Tombeau Ouvert, 1999), New York revient toujours dans le récit de Martin Scorsese, grand amour de sa vie d'artiste. Gangs of New York en est le sacre de toute une carrière presque dévouée, une fresque donnée en hommage aux balbutiements de la Big Apple, angle de vue encore jamais exploré par l'oeil attentif de la caméra du maître.
Premières images d'une lutte d'idéologie, un combat pour vivre, entre un groupe d'immigrés Irlandais réfugiés dans leur rêve américain, et le farouche racisme des "purs sangs", sur un terrain qui n'inspire que du malheur. Le début d'un drame, qui conduira le jeune Amsterdam à vouer sa vie à une vengeance, comme tant ont été contées. La victoire des natifs, où commence le règne d'un seul clan, prélude ce que les prochaines minutes nous enseignent : les luttes de pouvoir n'amènent que le sang et l'injustice.
Symbole du mal par excellence, Bill le Boucher ricane en se proclamant roi des bas-fonds de New York. Homme d'une morale ambiguë et d'une violence intarissable, étreignant New York à tel point que les politiques et les hommes de haut-rang ne peuvent que demander son soutien. Un "natif", raciste jusqu'au bout des ongles et ne croyant qu'au caractère honorable d'un combat. Un personnage rougeoyant, collé à Daniel Day-Lewis comme s'il jouait son propre rôle, une interprétation si frissonnante que Sir Oscar ne pourrait se permettre de l'ignorer plus longtemps.
Le récital d'une telle violence, fruit des perversions les plus glauques et les plus inavouables, trouve grande place dans les rues pavées du New York du XIXème siècle, reconstruction méticuleuse en studio justifiant du même coup les nombreux zéros du budget alloué. Une belle occasion pour que New York soit de nouveau sous les feux de la rampe, théâtre des ignominies aptes à nourrir l'évolution d'un contexte sociologique ébranlé, scindé entre les nordistes prônant l'abolition et les sudistes esclavagistes.
Devant un tel rassemblement d'idées symboliques, il ne devient pas rare alors de décrocher le fil de l'histoire et de chercher son explication. Un tri difficile entre le sentimentalisme du couple DiCaprio - Diaz, bien creux au regard de l'ensemble, et de l'alternance choquante de sévices pures et dures à sentences amusantes. Et ce, sans même évoquer la longueur de l'oeuvre, peut-être un brin trop longue dans sa première partie (mais ce n'est que spéculation, les circonstances de visionnage n'ayant pas été optimales).
Sorte d'opéra étrange, berceau d'une violence engendrée par les différences d'opinions et un regard malsain sur la spiritualité, page d'histoire d'une Amérique en fragile équilibre, romance intellectuelle sur les origines d'une société à grande échelle, Gangs of New York, c'est un peu tout ça, mais c'est surtout le récit d'un réalisateur de génie, construisant avec conviction un large pan de portraits de sa ville chérie, New York. Certainement une de ses peintures les plus abouties, bien que la forme puisse sembler trop nauséabonde pour certains esprits. Difficile d'émettre un avis éclairé, la note en reste très abstraite...