Minority Report
Cinéma / Critique - écrit par Nicolas, le 03/10/2002 (Tags : film minority report anderton precogs spielberg science
Qui veut la peau de John Anderton..?
En observant volontairement la qualité des sorties ciné de cette année 2002, l'amateur assidu tout comme le fan inconditionnel vous affirmera que l'été ne fut qu'un gros gouffre à bêtises commerciales, profitant des vacances pour attirer un maximum de monde avec des titres porteurs mais finalement moyens, tel que Blade 2, Men In Black 2, Scooby-doo, Pluto Nash (!), etc etc. Et pourtant, outre cette période, beaucoup affirmeront que 2002 fut extrêmement chargée de bonnes surprises et autres monuments (L'Attaque des Clones, Astérix & Obélix, Lilo & Stitch, etc.). Une année pas encore finie, au regard des Harry Potter, Seigneur des Anneaux, et du Minority Report de Spielberg qui ne demandent qu'à faire péter le box office.
Washington, 2054. La société Précrime, en place depuis 6 ans dans la capitale, utilise trois jeunes gens génétiquement différents, les pré-cognitifs, pour percevoir les crimes dans le futur, afin de les stopper avant qu'ils n'aient lieu. Pour John Anderton (Tom Cruise), chef de la brigade, le système est parfait, et c'est la conclusion qu'il espère imposer à l'inspecteur fédéral Ed Witwer (Colin Farrell). Alors que ce dernier fouille dans sa vie privée, espérant dénicher la faille humaine, John assiste à la nouvelle prédiction des pré-cogs, qui le désignent comme meurtrier d'un certain Léo Crow dans 36 heures. Incapable de croire qu'il tuera ce parfait inconnu, il s'enfuit pour espérer prouver son innocence...
Pourtant un des réalisateurs les plus talentueux et les plus vendeurs de sa génération, Steven Spielberg se voit souvent décrié par les professionnels et parfois même par le public. Aussi, son association avec un monstre du cinéma, Tom Cruise, et une bête de la littérature de science-fiction, Philip K. Dick, pouvait déjà faire naître quelques a priori plutôt négatifs. Spielberg saura-t-il abandonner son sentimentalisme visuel ?.. Cruise pourra-t-il casser son image de beau héros invincible ?.. Et, surtout, le résultat sera-t-il à la hauteur des autres adaptations de romans de Dick, à savoir les mythiques Blade Runner et Total Recall ?.. Réponse plus qu'affirmative soyez-en certains.
Spielberg reste Spielberg, même s'il se modère et évite facilement les déluges sentimentaux d'Intelligence Artificielle. John Anderton a perdu son fils, et le désespoir du papa lui vaut de nombreuses séances à regarder les vidéos familiales. Un trait commun aux personnages forts d'Hollywood dira-t-on. Pas ici pour faire joli, mais élément même du scénario, histoire de complexifier un peu. Et Spielberg le montre, manque de déraper dans le drame psychologique pour finalement se rattraper sur une mise en image comme il n'en a pas souvent fait usage. Les vingt premières minutes (une opération pré-crime haletante, bourrée d'idées visuelles, sur fond de classique) et le cache-cache de John dans le complexe commercial (sous forme de puzzle, les pièces se révélant petit à petit) se retrouvent presque inoubliables, tellement le réalisateur huile sa mise en scène. Minority Report est certainement l'un des plus superbes exemples de l'efficacité de son style, ce doux mélange entre valeurs humaines, effets spéciaux (un mariage propre entre hautes technologies et paysages pittoresques), et humour (parfois un peu glauque, parfois enfantin).
Cruise n'est pas en reste. C'est un héros, un inspecteur compétent, encore une fois, mais il n'est pas parfait. Le visage détruit par la fatigue, les yeux explosés par les épreuves successives qu'on lui inflige, il lui arrive de chuter au moment où il ne devrait pas, de laisser tomber un objet sans le vouloir, où même de se laisser avaler par ses sentiments. A côté de ça, il prend d'énormes risques en échappant à ses poursuivants à travers plusieurs appartements, ou en sautant de voiture en voiture sur les autoroutes automatiques. En définitive, une seule vraie scène d'action, intense et d'une beauté renversante (peut-être de trop ?..).
Les effets spéciaux, c'est presque indécrottable de Spielberg. Et Minority Report ne fait pas exception, l'intrigue se déroulant en 2054. En cela, sa vision reste aux frontières du réel, basculant entre le crédible et l'imaginaire, un monde où surveillance, harmonie, et automatisme se confondent. Ici et là, une maison "classique", un manège, un supermarché, et à côté un immeuble géant, une voiture ovale, une grande autoroute automatisée. Un brin de fantaisie particulière a été apposée sur le monde de la pub, les panneaux se personnalisent selon la personne, les boîtes de céréales se mettent à chanter, etc.
Reste le scénario, finaud et captivant, qui balade le spectateur tout au long de ses deux heures sans lui laisser le temps de s'ennuyer. Pas une fausse note dans son aspect, tortueux et bien ancré dans le sujet principal, clairement expliqué sans alourdir le film.
Un brin enquête policière, un peu science-fiction, et un chouia réflexion psychologique, Minority Report ne souffre dans son ensemble d'aucun des maux que l'on pourrait reprocher au cinéma d'aujourd'hui, mariant à la perfection une histoire avant-gardiste à un des réalisateurs les plus talentueux qui soit. Spielberg est à sa place, s'attelant à peindre une réalité futuriste des plus réussies, pendant que Tom Cruise nous offre une de ses meilleures compositions. Quelques détails, comme la fin relativement simpliste à la vue de l'ensemble, des aspects très paradoxaux du scénario, des petites pointes d'humour peut-être mal placées, et des scènes pas forcément indispensables, constituent les quelques mètres manquants à ce Rapport Minoritaire pour atteindre le sommet.