7/10L'Immortel

/ Critique - écrit par riffhifi, le 16/03/2010
Notre verdict : 7/10 - Le poinçonné des Lilas (Fiche technique)

Richard Berry revient à la réalisation pour un thriller bien serré, avec un Jean Reno impeccable accédant naturellement au statut d'immortel. Autour de lui, on déplore quelques erreurs de casting et un peu trop de guimauve.

Richard Berry réalisateur, c'est devenu moins étonnant que Richard Berry qui mange un yaourt. De 2001 à 2005, l'acteur est déjà passé trois fois du côté obscur de la caméra, pour deux comédies et un thriller fantasmatique qui ont imposé en filmeur compétent celui que l'on connaissait déjà en comédien classe et plein d'humour. Après cinq ans d'absence à ce poste, il revient cette année avec un thriller marseillais inspiré d'un fait divers : le cas du gangster Jacky Imbert qui, en 1977, s'est ramassé 22 balles dans le corps sans pour autant passer de vie à Toi, tu as mangé trop de pruneaux.
Toi, tu as mangé trop de pruneaux.
trépas. Son surnom s'est imposé à compter de ce jour : L'Immortel.

De l'anecdote, et du roman qu'en a tiré Franz-Olivier Giesbert en 2007, Berry ne conserve que la trame, articulée autour du personnage principal et de sa vengeance méthodique contre les poinçonneurs maladroits. Une vengeance motivée davantage par le désir de protéger ses proches que par la colère et le goût du sang. Charly Mattéï, incarné par le roc Jean Reno (qui livre une de ses meilleures performances, intense et convaincante), évoque les rôles de Jean Gabin et Lino Ventura des années 60-70 : tout malfrat qu'il soit (retraité, par ailleurs), il respecte un code d'honneur d'une rigidité absolue, et son caractère s'avère bien plus noble que celui du commun des mortels (d'ailleurs, s'il est "immortel", c'est bien qu'il appartient à une caste supérieure). Cette caractérisation archétypale du héros, on la retrouve chez les autres protagonistes, qui sont quasiment tous réduits à l'étiquette de "gentil" ou de "méchant", simplifiant ainsi à l'extrême la lecture d'une histoire à sens unique. Le casting révèle pourtant deux surprises, pas forcément positive, avec les utilisations à contre-emploi de Kad Merad (en caïd) et de Marina Foïs (en flic de choc), qui contrastent avec les présences évidentes de Reno et de Jean-Pierre Darroussin (ce dernier ayant été largement formé au polar marseillais par Robert Guédiguian). On se consolera avec les épatants seconds rôles, bien que tous trop
rapidement aperçus (Joeystarr, Carlo Brandt, les vétérans Venantino Venantini et Claude Gensac, Richard Berry himself).

Malgré ces quelques réserves au sujet de la distribution et du scénario (on aurait pu aussi s'abstenir de quelques cuillères à soupe de pathos : un mari mort par-ci, une épouse agonisante par-là...), L'Immortel reste un thriller impeccablement mené, ponctué de scènes d'action tendues comme des strings de sumos, porté par une musique efficace de Klaus Badelt et émaillé des répliques sentencieuses que l'on s'attend à trouver dans un tel film (« La justice divine précède parfois celle des hommes », etc. - certaines proviennent des discussions de Richard Berry avec Jacky Imbert). Le cinéaste inscrit sans peine son bébé dans la mouvance récente des gangster flicks à la française (Le dernier gang, Sans arme ni haine ni violence, Mesrine...), sans renier pour autant l'influence évidente des classiques américains (le héros fusillé devant sa voiture évoque Le Parrain, Bonnie & Clyde...). Bien qu'un peu trop caricatural pour remporter pleinement l'adhésion, le film reste grisant grâce au charisme de Reno et à la maîtrise technique incontestable de Berry, qui fignole une réalisation nerveuse mais pas hystérique.

James Caan dans Le Parrain / Jean Reno dans L'Immortel
James Caan dans Le Parrain / Jean Reno dans L'Immortel