7/10Don't come knocking

/ Critique - écrit par Kassad, le 23/10/2005
Notre verdict : 7/10 - K.O. Technique (Fiche technique)

Tags : film wenders wim come knocking drame shepard

Un rapide survol des affiches de films contemporains pourrait faire croire que la vague "super-héros" a tout emporté sur son passage. Je reconnais qu'il reste aussi une fraction à peu près constante dans le temps de teen moovies à base de crimes sanglants sur des campus et autres maisons abandonnées en forêt. Pourtant, insidieusement un nouveau genre émerge : le film du looser qui, arrivé à la fin de sa vie, fait le bilan et se rend compte que tout ça ne pèse pas bien lourd. Voila venu le temps de la rédemption, de la quête de sens. Bien sûr c'était le vieux Clint qui était en pointe sur le sujet avec Impitoyable, et Million Dollar Baby plus récemment. Une petite série avec Bill Murray qui se révèle en fin de carrière dans Lost in Translation et Broken Flowers, donne encore quelques exemples de ces films où le sujet principal est la rapidité avec laquelle une vie se dépense. Un matin on se réveille, on est vieux et on a l'impression d'être passé au travers.

L'histoire est celle d'Howard Spence (interprété par un Sam Shepard très Eastwoodien), un acteur de western en roue libre sur la pente qui mène tout droit à la déchéance. Un coup de blues lui fait quitter la série Z qu'il tournait en plein désert sans prévenir personne. Un peu paumé il décide de retourner voir sa mère qu'il n'a pas vu depuis plus de trente ans. Elle lui apprend que derrière lui, au cours d'une des nombreuses frasques de sa carrière (dont elle conserve la trace dans un recueil des couvertures de journaux à scandales) il a laissé un enfant dans le Montana.

Don't Come Knocking est donc ce qu'on appelle un film de genre, un peu l'équivalent cinématographique de l'épreuve des figures imposées en patinage artistique. Pour le coup, il ne faut pas s'attendre à de grandes surprises dans le déroulement général du film. Une première partie illustre la déchéance du "héro" : coupures de presses à scandale, nuit passée au poste après une grosse biture, réveil au matin avec trois pouffiasses dans le lit etc. Tous les poncifs sont donc là : alcool, jeu (ça se passe en partie au Nevada où les machines à sous et les casinos se trouvent de partout), sexe et le coup de massue : la "paternité-surprise" qui tombe sur notre valeureux cow-boy comme les ouragans en floride ces derniers temps. Vient ensuite la rédemption, le pélerinage. Aux USA un pélerinage ne se fait pas à genoux comme sur les chemins de Saint-Jacques mais dans une vieille voiture direction le trou du c** de l'ouest américain : une petite ville perdue dans le Montana.

Wim Wenders est allemand d'origine, et c'est peut être cela qui explique qu'il soit moins "marrant" que Jim Jarmush, et à son image Don't come knocking est plus sombre que Broken Flowers. D'une certaine manière on pourrait dire qu'il est à la fois plus cynique et plus optimiste (au sens où on veut toujours croire qu'il est possible de faire quelque chose). Howard Spence en est arrivé à un point où il est complètement paumé certes mais il lui reste toujours un peu d'énergie pour croire qu'il peut changer les choses (ce qui le rend encore plus pathétique). D'un autre côté le héro de Broken Flowers prend tout de manière plus détachée, plus cool mais en étant plus passif. On pourrait résumer ça en la confrontation entre un acteur impuissant contre un spectateur désabusé.

Un autre aspect intéressant du film tient en une invasion en filigrane du film par la modernité cinématographique. J'en veut pour preuve la présence d'un Tim Roth très matrixien (visiblement inspiré par l'agent Smith) en inspecteur inhumain d'une compagnie d'assurance. On remarquera aussi l'assistant du tournage sur son scooter futuriste, mégaphone en poche qui semble survoler le reste du monde. Oui le cinéma évolue et à l'image de son personnage principal Wim Wenders en est conscient : petit à petit il devient lui même un dinosaure égaré dans le desert.

Que reste-t-il à ajouter ? Pas grand chose si ce n'est la beauté de la photographie, des paysages, de Sarah Polley (je dirais presque plus jolie que Scarlett Johanson dans Lost in Translation). C'est fou comme le temps passe vite, en 2h00 de projection je ne l'ai pas senti s'écouler.