Le bon, la brute, le cinglé
Cinéma / Critique - écrit par Nicolas, le 07/12/2008 (Trois Coréens se courent après dans l'est sauvage. L'un est bon, l'autre est une brute, et le dernier est cinglé. Un film forcément barré, et loin d'être parodique...
Déjà, de nos jours, les westerns, ce n'est pas ce qu'il y a de plus populaire, malgré un récent petit retour sur le devant de la scène (notamment avec Appaloosa et 3h10 pour Yuma). Mais un western coréen, vous imaginez ! Non, vous n'imaginez pas apparemment. Un WESTERN tourné par des CORÉENS ! Rien que le concept valait son pesant de billets verts (ou bleus, ou jaunes, je n'ai aucune idée de la couleur des billets coréens (ont-ils seulement des billets ?)), les distributeurs français l'ont bien compris : sélectionné à Cannes en hors-compétition, le film fera finalement l'objet d'une sortie sur cent copies sur l'hexagone, ce qui est assez rare pour un film coréen (tout en étant assez faible quand on considère les 223 copies de The Host).
Mais l'idée a beau être ambitieuse, elle n'est pas venue à n'importe qui : Ji-Woon Kim, scénariste de 2 Sœurs et réalisateur/scénariste de A Bittersweet Life, prête son savoir-faire au film et dirige les opérations. Il s'entoure de quelques sommités du cinéma coréen, tel l'acteur Song Kang-ho (The Host, Memories of Murder, Joint Security Area, etc.), pour réaliser son rêve, sa petite folie à lui : un western explosif, à la fois inspiré par les plus grandes références du genre (notamment Le Bon, la Brute, le Truand) et assez personnalisé pour se démarquer de la concurrence.
A quand les rétroviseurs sur les chevaux ?Le Bon, la Brute, le Cinglé est un film de divertissement, un vrai de vrai, un pur et dur. Le réalisateur se fait plaisir, les acteurs se font plaisir, et tout ce petit monde essayent de nous faire plaisir. Ici, on ne regarde pas sur le saugrenu de telle ou telle situation, ni sur le nombre de balles tirées en l'espace de quelques secondes, non. Ici, on livre la came brute, non coupée, avec fioritures, cerises confites, et le supplément de chantilly. Les personnages sont des surhommes, ils s'en mangent plein les dents toutes les trente secondes et s'en sortent tout de même indemnes, ou presque. A l'image d'une des premières scènes du film, nous voici passager d'un train roulant à faire fumer les rails, avec aucun contrôle sur sa destination ni sur sa vitesse. Ji-Woon Kim se fait plaisir, s'amuse à faire s'envoler la caméra à la rencontre d'un aigle, à tourner autour de son paysage, à dévoiler un désert lointain et un horizon de Mandchourie dépouillé. Sa réalisation se montre kiffante à de nombreuses reprises, et ne se gêne pas pour verser dans l'excentricité calorique. Que dire devant cette superbe chevauchée multiple, où se côtoient bons, brutes, cinglés, japonais, personnages secondaires sans importance, tous se tirant dessus avec hargne et violence tandis que la musique retentit d'un Don't Let Me Be Misunderstood (version Santa Esmeralda) ? On pense sur l'instant à Kill Bill, mais le plaisir est palpable, livré en bonne et due forme, envers et contre toute vraisemblance. Tout est visuel, jusqu'aux personnages qui ne se différencient que par leur look : si parfois on doute d'avoir bien identifié qui est le bon, la brute, et le cinglé de l'affaire, le trait est tellement caricatural que l'on ne peut pas hésiter très longtemps. Cette brute de Lee Byung-Hun notamment, n'existe que par sa mèche, son regard de gros taré, et sa tendance à tirer sur tout le monde.
Quant aux retournements du scénario, ils ne sont que de valeureux prétextes à amener le film là où le réalisateur voulait en venir, pour caser la petite scène qu'il avait en tête.
Quand on voit à quel point Ji-Woon Kim peut nous faire plaisir, on arrive à être déçu des moments plus faibles du film. Oui, c'est un film de divertissement, mais sur plus de deux heures avec longueurs incorporées. Quelques scènes plus calmes font un peu tache au milieu de cette espièglerie montée à cent à l'heure, occasionnant ces ralentissements de rythme, et quelques scènes d'action se montrent moins inspirées et plus confuses que d'autres. Le tout se sucre avec une poudre d'humour qui fait rarement mouche, et qui tend même parfois à nous horripiler. Le scénario n'est pas non plus des plus sollicités, se résumant à une banale chasse au trésor où chaque personnage poursuit un but unique et obsessionnel. Une bonne ligne directrice pour enchaîner les scènes d'action, néanmoins, mais qui souffre de la durée du film : au bout de deux heures de spectacle, on en a presque assez de voir tous ces petits cowboys se tirer dessus avec entrain et générosité de munitions. Du coup, on se sent un peu coupable, comme devant un Wanted. Coupable d'avoir pas mal apprécié un divertissement qui n'a rien de cérébral. Mais vraiment rien.
Le Bon, la Brute, le Cinglé est la curiosité de ce mois de décembre, un « eastern » mené tambour battant par un Ji-Woon Kim visiblement exalté par son film, celui-ci se résumant à une grosse suite de scènes d'action, modernes et pour la plupart bien troussées. Le côté 100% divertissement du film peine à retenir l'attention pendant 128 minutes de fusillades en tout genre, balafrées de longueurs diverses, et qui n'offrent pas la plus petite once de neurone.