La soupe aux choux 2
Cinéma / Critique - écrit par nazonfly, le 01/04/2010 (Les sorties direct-to-DVD sont parfois dispensables. Et parfois non. La soupe aux choux 2 est in-dis-pen-sa-ble à tout amateur de cinéma.
Film potage par excellence, La soupe aux choux est ancré dans le paysage cinématographique français, comme la plus grande réussite de Louis De Funès.
Oxo choupinoPersonne n'a pu oublier les facéties du Glaude et de Cicisse flatulant sous le ciel étoilé et appelant de ce fait un extraterrestre venu d'Oxo. Ce dernier, vite surnommé la Denrée, va découvrir la douceur de vie à la française symbolisée par le plat qui donne son nom au film. Humour, sentiment mais aussi réflexion poussée sur la place de la personne âgée dans la société sous-tendent le film de Jean Girault dont la scène finale est autant un déchirement que l'espoir d'une autre vie. La soupe aux choux 2 des frères Ukwa (prononcez Ouquoi le nom amérindien de Ted et Bill) se déroule quelques années oxoiennes après le premier opus. Rajeunis par une pilule miracle, Le Glaude et le Bombé, respectivement joués par Benoît Poelvoorde et Clovis Cornillac, jouissent d'une vie paisible sur Oxo se nourrissant principalement de soupe aux choux, de lard et d'un peu de bonne humeur de raisin fermenté. La Denrée (Dany Boon) est leur voisin et partage avec eux beaucoup plus que la lumière. Mais cette vie va rapidement être mise à mal par l'arrivée d'une chenille s'attaquant principalement aux choux et leur donnant une saveur sucrée loin d'être du goût de nos trois compères. Le Glaude et le Bombé doivent donc de repartir sur Terre pour trouver la solution à l'invasion de la chenille mutante.
Casting très chou
La principale crainte que l'on peut avoir à la sortie de La soupe aux choux 2 réside dans le casting 3 étoiles : certains des acteurs les plus importants du cinéma
Le Glaude et le Bombéfrançais sont ainsi réunis dans cette suite salée. Clovis Cornillac, tout d'abord, reprend le rôle du regretté Jean Carmet, celui d'un puisatier au grand cœur, tout en retenu mais au verbe haut et au physique avantageux, prêt à tout pour guérir ses chers choux chéris. Cornillac traverse le personnage de sa classe légendaire et de sa capacité à donner du poids à chaque mot, âprement prononcé. On ne peut que regretter qu'un acteur de son talent se fasse aussi rare sur nos écrans ! A l'opposé, le placide Poelvoorde est sans doute celui qui convainc le moins dans La soupe aux choux 2. Sa tristesse et son premier degré évident ne sont sans doute pas adéquats à un tel monument. Il est vrai que la carrière de l'acteur belge aurait dû inciter les réalisateurs à la prudence, tant il s'est fourvoyé dans des rôles moyens (C'est arrivé près de chez vous, Cowboy). Quant à Dany Boon, superbe, faut-il le rappeler, dans Bienvenue chez les Ch'tis, il campe avec maestria cet extraterrestre à l'accent nordiste improbable auparavant joué par Jacques Villeret (mais sans l'accent). Laissons plutôt la parole à Ted Ukwa: « Le génial Dany Boon a été l'élément le plus important du film, le seul acteur qui, par son génie, nous a semblé évident dès le début. Son génie a été de remplacer les gloussements originaux par cette expression géniale issue de sa géniale expérience personnelle : « passe-min le wassingue ». Assurément, comme les célèbres « C'est ok » des Visiteurs et « Hé biloute » de Bienvenue chez les Ch'tis, l'expression va faire fureur dans les cours de récré et au dehors. Dany Boon confirme que le renouveau du cinéma français se fait désormais sur les planches des salles de spectacle et que la génération prochaine s'appellera Michaël Youn, Jean-Marie Bigard, Thomas N'Gijol ou Chevallier et Laspalès. Enfin le tableau ne serait pas complet, sans la présence de la toujours très distinguée Mathilde Seigner. Loin d'être une potiche (elle est au premier plan sur la superbe affiche du film), elle joue l'ex-femme du Glaude qui redécouvre son mari après de nombreuses années de célibat endurci. Par la grâce de son verbe et la virtuosité de ses courbes tendrement dévoilées, par son langage corporel métaphoriquement sexué, elle magnifie le rôle de la femme et sort des carcans d'un féminisme latent, bien trop souvent mis en avant au cinéma.
Comme un cheveu dans la choupe
Les fratries dans le cinéma amènent souvent un souffle nouveau : les frères Dardenne ont révolutionné le cinéma avec Rosetta, les frères Farrelly ont réalisé
Chenilles from outer spacequelques unes des plus drôles comédies (L'amour extra-large), quant aux frères Cohen, on ne les présente plus. Les frères Ukwa sont partis pour faire largement aussi bien que leurs aînés. Leur carrière a débuté, comme pour beaucoup de réalisateurs, dans le monde de la musique et du clip. Ils ont en effet travaillé pour les plus grands comme Prince pour « You won't fool me anymore » ou Kylie Minogue pour « (like a) Fish in the back ». Il se murmure même qu'ils sont d'ores et déjà sur la shortlist pour le clip de campagne de Nicolas Sarkozy en 2012. Il faut dire que leur talent transpire de la moindre de leurs œuvres : comme ils se définissent eux-mêmes, ils sont « le mariage improbable entre M. Night Shyamalan (Signes), Michael Bay (Armageddon), Hannibal Beckett et Christophe Honoré (Dans Paris) », soit l'association des réalisateurs les plus talentueux de ces dernières années. De Shyalaman, les frères Ukwa ont conservé la puissance d'un scénario simple oubliant les twists finaux inutiles, tous justes bons à surprendre le spectateur assoupi. De Bay, ils ont, au contraire, gardé la faculté de faire rêver le cinéfan avec une économie de moyens étonnante : ainsi le long plan fixe sur la croissance des choux fait ressortir à la fois la puissance de la vie et sa faiblesse. Un chou pour une âme humaine, le champ comme terreau associatif et toujours le vert du chou pour l'espoir. Le grand Hannibal Beckett, lui, apparaît dans chaque seconde du film en apportant une pertinence du propos cinématographique : il est facile de voir La soupe aux choux 2 comme une critique d'un cinéma trop complaisant par rapport aux puissants de ce monde, un véritable pamphlet qui ne dit pas son nom et se cache entre deux rangs de poireaux. Mais le long film, il dure près de 3h57, perdrait sans doute de sa pertinence s'il n'était porté par des dialogues percutants et crédibles, ne se perdant pas en logorrhées inutiles et pédantes : un hymne au cinéma de Christophe Honoré.
La soupe aux choux était un monument de l'humour français. La soupe aux choux 2 parvient, tout en laissant une grande place à l'humour, de dépasser les limites du film de Jean Girault et de proposer un discours novateur et social sur la vieillesse. Brillant !