Le secret des poignards volants
Cinéma / Critique - écrit par weirdkorn, le 19/11/2004 (
Il était une fois un beau pays magique où tout ce qui s'y déroulait n'avait ni queue ni tête. Ses habitants étaient bien étranges, faisant toujours le contraire de ce qu'ils disaient ou pensaient. Leur langage était d'ailleurs spécial, mélangeant métaphores et vieilles expressions pour être absolument incompréhensible. Leurs sens auditifs, visuels et sensoriels étaient par contre particulièrement développés. Rien n'était plus facile pour eux que de transpercer un grain de riz craché au loin à l'aide d'un poignard. D'autres phénomènes bizarres s'y produisaient : les larmes ne coulaient que d'un côté, les souches de bambou pleuvaient, les couteaux se transformaient en boomerang supersoniques et même les saisons étaient totalement déréglées.
Ce pays pas comme les autres était gouverné par le roi Zhang Yimou. Ce monarque était peu porté sur les affaires courantes du royaume et n'avait d'intérêt que pour la beauté. Le réalisme ou la logique n'étaient que des futilités à ses yeux. Il aimait imaginer de jolis contes où le lyrisme et les perceptions l'emportaient sur l'histoire. Il se mit à rêver d'une belle aveugle, fille d'un puissant chef de clan, qui serait emprisonnée puis délivrée par un jeune et fougueux séducteur qui la ramènerait auprès des siens. Il avait même trouvé un titre "Le secret des poignards volants".
Le roi, fier de sa belle histoire, source de poésie, de larmes et de conflits, décida de lui donner vie. Mais le brave homme, en dépit de tous ses efforts, était encore loin de maîtriser l'ensemble de ses compétences. Les mages de son royaume ne lui avaient pas tout appris. Seul le grimoire "L'esthétisme en 4 saisons" avait été abordé, "Les joies du rythme" ou "Récit et cohérence" n'ayant pas été consultés un seul instant. Le roi, l'esprit encore jeune, avait préféré jouer avec ses outils numériques. Une fois son histoire finie, il décida de la montrer à l'ensemble de ses sujets. Les réactions furent bien différentes. Beaucoup s'étaient endormis, certains rigolaient en se remémorant les combats et les autres étaient émerveillés devant tant d'esthétisme.
La nuit tombait finalement sur cet étrange pays où se mêlaient inexplicablement calme et grands éclats de rire. En effet, on découvrit plus tard de grandes vertus tranquillisantes et amusantes au secret des poignards volants. Grâce à son histoire, le roi fut décoré par l'Académie des Sciences pour l'invention d'un somnifère puissant et reçut des mains de son joker le trophée "Meilleur n'importe quoi" que ce dernier espérait remporter. Tout le monde vécut heureux et endormi jusqu'à la fin des temps.