8.5/10Hero

/ Critique - écrit par Selena, le 24/09/2003
Notre verdict : 8.5/10 - Il était une fois en Chine... (Fiche technique)

Tags : hero heros film paris action avis anglais

Il était une fois en Chine...

Entre le IVème et IIème avant Jésus-Christ, la Chine était divisée en sept royaumes, sept Etats guerriers : Qin, Zhao, Han, Wei, Yan, Chu et Qi. Le roi Qin (Chen Daoming) mena une guerre en vue de devenir le premier empereur des sept royaumes réunifiés.
Trois assassins hors pair : Chanjian / Lame Brisée (Tony Leung Chiu Wai), Feixiu / Neige (Maggie Cheung) et Changkong / Ciel (Donnie Yen) se promirent de venger toutes les tueries et barbaries commises au nom de l'ambition folle et despotique du roi Qin. Ce dernier déclara qu'il offrirait fortune et puissance à celui qui réussirait à éliminer le trio d'assassins. Les années passèrent, et un énigmatique Wuming / Sans Nom (
Jet Li) vint au palais du roi, présentant les armes des assassins et prétendant les avoir tués. Le roi, curieux, le pria de raconter son histoire... une histoire qui se révéla, au fur et à mesure, sous de multiples facettes et versions...

Tableau vivant où s'entrechoquent les couleurs, les lames, les passions, et les drames, Hero est une épopée théâtrale empreinte de la culture et de la philosophie chinoise. Basé sur une très ancienne légende chinoise, ce "wu xia pian" (film de sabre) est le film le plus cher du cinéma chinois. Hero a les moyens de son ambition et l'ambition de ses moyens.
Déjà, le casting est impérial : le taciturne Jet Li (qu'on ne présente plus et qui n'avait plus tourné pour l'Asie depuis 1997), la fraîche et lumineuse Ziyi Zhang (Tigre et Dragon), le couple romantique Tony Leung Chiu Wai / Maggie Cheung (couple de In the Mood for Love), Tan Dun (compositeur de la musique de Tigre et Dragon), Tony Ching Siu-Tung ("chorégraphe" de Histoire de fantômes chinois et Shaolin soccer), Zhang Yimou (réalisateur d'Epouses et Concubines), Christopher Doyle (chef op' privilégié de Wong Kar-Wai, notamment pour In the Mood for Love) etc.
Zhang Yimou (qui était directeur photo, à ses débuts) et Christopher Doyle ont su brillamment jouer avec les couleurs tout au long des différents récits racontés sous forme de flash-back par Sans Nom. En effet, chaque nouvelle histoire proposée comme vérité se caractérise par une couleur : rouge (feu, passion, amour), vert (terre, nature, passé, destin) bleu (eau, sérénité, femme), blanc (air, pureté, fidélité). La photo hypertravaillée (à la façon de Dolls de Kitano) est saisissante.
Sans rien avoir à envier aux chorégraphies de Tigre et Dragon de Ang Lee, les ballets aériens et terrestres de Hero sont impeccables et rajoutent à la touche de sur-réalisme omniprésente dans le récit.
A ceux qui seraient rebutés par le style éthéré du film, je leur rappellerai qu'une légende est avant tout une fantasmagorie qui sublime les passions humaines et la vie de ses héros.
A ceux qui critiqueraient le rythme du film plutôt lent (ce qui s'apparente souvent à un reproche occidental) qui provoquerait une sorte d'engourdissement voire de torpeur ennuyeuse, je leur répondrai que cette lenteur sert le film. Hero n'est pas un film d'action, ni vraiment de réflexion. C'est avant tout une oeuvre qui appelle à la contemplation, à la méditation, qui convie à un voyage spirituel ineffable dans les somptueux paysages de Chine, escorté majestueusement par la musique de Tan Dun.
A la rigueur, on pourrait objecter que le message politique sous-jacent est sujet à polémique. On pourrait même blâmer Zhang Yimou de flatter le pouvoir actuel de Chine, en glorifiant les valeurs du sacrifice, du patriotisme, de l'oubli de soi pour le bien de tous, etc. Et aussi en légitimant le concept "la fin justifie les moyens". Mais, la légende existait bien avant la mise en place du système politique de la République populaire de Chine, et constitue finalement une base de la pensée chinoise.

Allégorie délicate et colorée, Hero est un film poétique dramatique de toute beauté. La minutie du travail sur l'esthétisme, la réalisation grandiloquente rendent le film flamboyant et grandiose, et lui confére un souffle épique. Loin de copier le film avec lequel on ne cessera de le comparer Tigre et Dragon, Hero tend vers une échappée lyrique mystique qui permet de se soustraire quelques instants à la pesanteur terne et dérisoirement rationaliste de notre monde.