Rencontres du troisième type / E.T. l'extra-terrestre
Cinéma / Critique - écrit par riffhifi, le 05/12/2009 (Tags : film spielberg type steven troisieme john cinema
Trois types de rencontres, trois versions ; deux lettres, deux versions : Steven Spielberg a de la suite dans les idées, même s'il déclare aujourd'hui ne plus être l'homme qui a réalisé ces fresques de science-fiction naïves, sensibles et optimistes.
La science-fiction à l'aube des années 80, c'est évidemment la noirceur d'un Ridley Scott évoquant un sombre futur à travers Alien et Blade Runner. Mais c'est aussi le regard positif et candide du Steven Spielberg fan d'OVNIs, attendant avec
ferveur l'arrivée d'extra-terrestres amicaux. Les deux cinéastes semblent attachés à cette période de leur filmographie : leurs œuvres de cette époque ont fait l'objet de ressorties successives sous différents montages : la palme revient à Blade Runner avec quatre versions, mais Alien et E.T. en comptent chacun deux, et Rencontres du troisième type en a connu trois.
En 1977, le grand public découvre les théories de J. Allen Hynek liées au contact avec les extra-terrestres : les rencontres du premier type sont des visions ; celles du deuxième type impliquent des preuves matérielles ; celles du troisième type concernent les contacts directs avec les visiteurs. Le film de Spielberg ne cherche pas à refléter autre chose que sa propre passion pour le sujet, sa croyance dans l'existence de petits êtres venus d'ailleurs pour nous serrer la pogne. Pourtant, le récit passe en grande partie par une réflexion sur l'essence même de la communication, sur une recherche de langage universel qui permettrait une communion générale. Cette quête est menée par le Français Claude Lacombe, interprété par François Truffaut himself ! La présence du cinéaste hexagonal, ambassadeur d'une Nouvelle Vague intellectualisante, illustre le thème de la difficulté de communication entre les peuples, mais accentue aussi le côté schizophrène d'une œuvre qui joue en grande partie sur les sensations et l'instinct
du personnage principal Roy Neary (Richard Dreyfus, qui retrouve son réalisateur des Dents de la mer). Ce dernier abandonne femme et enfants afin de poursuivre ses visions, une attitude que Spielberg, devenu papa, dénonça plusieurs années plus tard. Le résultat est unique, marque l'inconscient collectif des spectateurs qui retiennent essentiellement la monumentale scène finale et les cinq notes (John Williams, compositeur chouchou de Spielberg et Lucas - entre autres) utilisées pour dialoguer avec les petits êtres. Petits êtres dont l'aspect rappelle furieusement celui du garçonnet qui traverse le film, et dont l'innocence manifeste porte les germes du scénario que Spielberg portera finalement à l'écran en 1982.
1980 : parvenant à convaincre les studios de lui accorder un budget pour filmer de nouvelles scènes, Spielberg propose un deuxième montage de Rencontres du troisième type, sous-titré L'édition spéciale. Certaines scènes apparaissent, d'autres disparaissent pour ne pas exploser la durée totale, et le réalisateur s'avère presque satisfait. Presque, car il s'est plié à contrecœur aux conditions des producteurs : rallonger la scène finale pour y inclure des plans de l'intérieur du vaisseau. Près de vingt ans plus tard, en 1998, il sort enfin "sa" version, supprimant les plans incriminés et réintégrant certaines scènes de la version de 1977. A chacun de choisir son montage préféré...
En 1982, la guimauve attaque : débarqué sur Terre en secret avec ses amis, un petit extraterrestre tout visqueux se retrouve abandonné, et se lie d'amitié avec un garçon appelé Elliott (Henry Thomas). Il s'agit quasiment d'une suite de Rencontres du troisième type, mais le concept affiché cette fois par Spielberg est clair : le film est entièrement filmé à hauteur d'enfant (il est rare que l'on distingue le visage des adultes), et l'âge est montré comme s'accompagnant nécessairement d'une perte d'innocence et de compassion. Parmi les jeunes stars, on distingue la minuscule Drew Barrymore, dont les années suivantes seront marquées par une très nette perte d'innocence... Quant à Dee Wallace-Stone qui joue la mère (célibataire, comme Melinda Dillon dans Rencontres), elle fera à
nouveau face à de curieuses créatures de l'espace quatre ans plus tard, dans Critters. Le réalisateur, sur le tournage, se découvre un très bon contact avec les enfants, ce qui l'amènera du même coup à devenir un peu plus adulte ; pour l'instant, l'espièglerie est toujours de mise chez lui, et il s'amuse à glisser plusieurs clins d'œil au Star Wars de son pote George Lucas : des jouets dans la chambre d'Elliott, et un gamin déguisé en Yoda dans la parade d'Halloween. Dans Rencontres du troisième type, on pouvait apercevoir R2D2 accroché au vaisseau... Lucas rendra la politesse en 1999, en insérant quelques cousins d'E.T. dans La menace fantôme.
Le succès d'E.T. est phénoménal, grâce à son approche originale (un alien amical mais ultra-laid - certains jeunes spectateurs en firent de vilains cauchemars), à sa musique aérienne (John Williams, encore !) et à son imagerie iconique (le gros doigt lumineux, le vélo volant - qui devient d'ailleurs le logo de la société Amblin Entertainment). Pour le vingtième anniversaire du film, en 2002, Spielberg prend une décision contestable : modifier certains effets spéciaux à l'aide des technologies numériques. Ainsi, certaines scènes restent interprétées par la marionnette ou le nain en costume de la version d'origine, tandis qu'une partie des plans sont recréés en image de synthèse, apportant à E.T. une fluidité et une expressivité qui ne raccorde pas avec ses autres apparitions. Ces irruptions anachroniques dans un film culte ne seront pas du goût de tous les spectateurs, mais grâce à la magie du DVD et du Blu-ray, il est aujourd'hui facile de posséder toutes les versions et de choisir celle que l'on préfère regarder.