9/10La Passion du Christ II : Résurrection

/ Critique - écrit par Lestat, le 01/04/2010
Notre verdict : 9/10 - Une ode funèbre à l'extinction sur le chemin de la destinée (Fiche technique)

Le monde du "direct to video" révèle parfois bien des surprises. Qui aurait pu prévoir qu'au milieu des tas honteux formés par l'antépénultième mange-blé d'un gros-bras faisandé se serait trouvé, telle une rose au milieu des immondices, une oeuvre qui pareille à un Céline sur celluloïd bouleverse profondément nos acquis moraux ?

Nous avions laissé le Christ sous la houlette prosélyte d'un Mel Gibson en faux-col ne quittant son interprétation douteuse des écritures que pour plonger les mains dans la fange du genre le plus désolant qui soit : le film d'horreur, genre profondément néfaste inventé dans les années 80 avec l'insoutenablement sanglant Massacre à la tronçonneuse, non-curieusement contemporain à la tuerie de Charles Manson. Avec un tel précédent, c'est à reculons que l'on s'apprête alors à faire son devoir de critique professionnel avec la présente galette, sibyllinement intitulée La Passion du Christ 2 : Résurrection.

A la manière de Rashomon, La Passion du Christ 2 : Résurrection nous présente, à travers la vision de quatre protagonistes actifs à l'intrigue, le retour de Jésus dans un Nazareth au bord du chaos politique. Un Jésus en proie au doute, à l'incompréhension et à la tentation, mort-vivant d'un monde vivant mais mort. Une résurrection de la mort vers la mort s'ouvrant sur l'image crépusculaire du fils de Dieu, à genoux sur le Golgotha, contemplant le reflet de l'existence qu'il quittât pour s'y voir renvoyé, tel un immigré clandestin de l'Au-Delà. Instant oppressant et contemplatif où, durant de précieuses minutes, un audacieux plan fixe capte tout le combat intérieur de cet être qui n'a plus sa place nul part, arraché de la terre et vomi des cieux. Tel le prologue au théâtre, c'est Marie-Madeleine, jouée par la bouleversante Aria Giovanni, qui se pose comme le premier témoin muet et silencieux du retour de Jésus parmi les hommes, alors qu'il empreinte le long chemin le ramenant vers les lumières de la ville. Un trajet aux confins de la folie, où Jésus dans un voyage intérieur au bout de l'enfer doit faire son choix. Cet enfant qui lui tend du pain est-il un petit d'homme ou un signe des anges ? N'est-ce pas Dieu qui lui parle dans cette brise qui se lève soudain ? Tiraillement. Son père ou ses pairs. Ce sera une paire pourtant. De sandales, tendues par l'âme charitable d'un Samaritain vagabond. Jésus lui a tendu la main un jour, il s'en souvient. Sans passé, sans avenir, le Samaritain est son miroir terrestre. Il deviendra par le guide de Jésus, le bâton qui l'aide à marcher, sa boussole dans l'océan ténébreux de son existence contrainte. Apostrophant un groupe de marchands dans une taverne de Bethléem, le Samaritain aura cette phrase parabolique : "il est comme moi, il est comme nous, il marche et tombera un jour, mais lui s'est relevé. Je suis là pour ne pas qu'il retombe. Il est là pour nous faire marcher". Le Samaritain annonce ainsi la nouvelle mission de Jésus, mais est-il prêt à l'accepter ? La connaît-il seulement ?

Judas est l'écueil. Avec lui, Jésus va vaciller. Pourquoi est-il revenu ? N'est-ce pas pour se venger de ceux qui n'ont pas crus en lui ? Le film bascule alors en un vénéneux huis-clos où Judas se fait la voix qui martèle l'enfer intérieur de celui qui fut son mentor. Côté obscur ambigu, sadomasochiste, hanté par les visions d'une Marie-Madeleine voluptueuse et d'un Ponce Pilate en pagne dans les vapeurs de son palais. Revivant le fouet, la sueur et les chairs ensanglantées, Jésus se reconstruit dans son autodestruction. La relation maître-élève a évoluée, Judas sera désormais celui qui le mène vers la lumière sombre de ses croyances.

Retour à l'extérieur. Plus rien n'a d'importance. Jésus de mort qui marche est devenu une enveloppe vide. A quelle époque somme-nous d'ailleurs ? Rien ne nous indique que l'on soit en 33 après l'intéressé. Albert Pyun, auteur du subtil Cyborg, brouille les pistes. Cette nouvelle Passion du Christ se déroulerait-elle aux confins de la fin du monde, symbolisant le basculement de l'humanité toute entière au profit d'un ordre aussi nouveau qu'éphémère ? Hypothèse séduisante. Jésus reprend la route de l'errance, fuyant à la rencontre de ceux qu'il abhorre désormais. Le Samaritain abandonne son sillage. Sa route est différente. Terrestre. Solaire. Parmi les humains, pour le simple plaisir de pouvoir les quitter. Judas n'est plus, car tout est un cycle. Crucifié par son nouvel élève, il est redevenu poussière. C'est dans la chaleur du désert que Jésus va atteindre sa libération.

Lazare. Celui que le ressuscité ressuscita. Dans le sable craquelé de la Judée, il apparaît à celui qui fut à la fois son sauveur et le Sauveur. "Tu as fait une longue route sur des chemins caillouteux, Jésus" annonce-t-il sous l'éclat païen du soleil. Puisant en ses dernières forces de son enveloppe charnelle, Jésus rétorque "sauve-moi de cette existence" avant de s'effondrer des dernières tortures de son âme viciée. Enfant de la terre, Jésus doit y retourner, pour ressusciter à nouveau à la droite du Créateur. Une tombe apparaît. Lazare sera son fossoyeur.  Bientôt il n'y a plus que le vide. Lazare quitte la scène,  laissant les hommes disparaître, naîtrent ou germer de cette même terre où gît désormais un Jésus apaisé, exorcisé de sa diaspora individuelle.


C'est groggy que l'on sort de La Passion du Christ 2 Résurrection. Pessimiste, choquant, atypique, Albert Pyun peut se vanter d'avoir réalisé un classique d'une veine toute Pasolinienne. Dans la peau de Jésus, l'ancien combattant Scott Adkins livre une performance incandescente et marque sa première incursion dans le cinéma respectable. Danny Trejo campe pour sa part un Samaritain -Homme sans Nom dans la droite lignée des personnages de Sergio Leone et Federico Fellini. Et comment ne pas évoquer le jeu vénéneux de Billy Drago dont le Judas restera sans aucun doute dans les annales ? Quant au regretté Peter Graves, il trouvera avec Ponce Pilate un dernier rôle d'envergure dans ce finalement film-peplum, genre qui lui colla à la peau durant toute sa carrière.

Pour sûr que l'on se souviendra du film dans 20 ans. Rappelez-vous alors : c'est Krinein qui vous en parla le premier.