Mystic river
Cinéma / Critique - écrit par camite, le 11/10/2003 (Tags : mystic river dave film jimmy sean  
La vie n'est pas un long fleuve si tranquille
Boston, dans les années 70. Trois gamins gravent leurs prénoms dans du ciment frais pour tuer le temps. Débarquent au même moment deux hommes en voiture se présentant comme flics. Jimmy et Sean leur mentent mais pas Dave, qui se retrouve embarqué dans le sinistre véhicule. Il passera les quatre jours suivants séquestré dans une cave par les deux kidnappeurs, des pédophiles. Trente ans plus tard, un nouveau drame réunit les trois amis d'enfance, lesquels ont suivi des chemins bien différents...
Clint Eastwood nous avait laissé sur une impression pour le moins mitigée avec son dernier film Créance de Sang (d'après le roman de Michael Connelly). Pour Mystic River, l'inoubliable interprète de Blondin chez Sergio Leone retrouve le scénariste Brian Helgeland (par ailleurs réalisateur du très bon Payback et du très nul Chevalier) pour, cette fois-ci, une adaptation d'un bouquin de Dennis Lehane. Faut-il chercher la différence majeure du côté d'un réalisateur exclusivement concentré sur l'arrière de sa caméra ? Il existe en tout cas entre Créance de Sang et Mystic River l'écart qui se mesure entre un bon film de genre et un chef d'oeuvre.
Difficile de passer sous silence la distribution TRES haut de gamme de l'affaire. Dans des rôles bien distincts mais totalement cohérents entre eux, les trois têtes d'affiche trouvent presque à chaque apparition l'occasion d'en mettre plein la vue. Et aussi incroyable que cela puisse paraître, aucun ne tire la démonstration vers lui : tous se mettent au service de l'histoire dans une homogénéité qualitative qui ne court pas toujours les bobines. Il en résulte une rare intensité, particulièrement lors des différentes scènes d'interrogatoire (officielles ou officieuses), qui semble tout autant inspirer les (pas si) seconds rôles.
On le comprend plus ou moins consciemment : tout repose sur une histoire et un script solide. « Une tragédie américaine » selon les mots d'Eastwood. Ces incidents honteux qui soudent et en même temps déchirent des familles, clans voire villes entières dans la fatalité et le poids d'un destin peut-être divin rapprochent Mystic River de certains dramaturges du pays tel Eugene O'Neill. Pays dont le spectateur européen retrouvera ici un aspect fascinant au travers des couleurs et charmes de Boston, étrangement magnifié par les faces sombres de la fiction parfaitement rendues grâce à la photo subtile et délicate de Tom Stern.
Malgré quelques faiblesses mineures (un ou deux effets un poil grandiloquents, les passages anecdotiques avec la femme de Sean), Eastwood ne cède jamais au moindre effet branché si prisé dans les récents thrillers de seconde zone réalisés par les fournisseurs officiels de MTV. Au contraire, le vieux sage nous mène à un train de sénateur et tisse, avec une maîtrise confondante, un véritable thriller des sentiments humains.