Infernal Affairs
Cinéma / Critique - écrit par Lestat, le 02/09/2004 (Tags : film lau affairs infernal cinema films wong
Yan et Lau. Yan est une taupe de la police de Hong Kong, infiltré dans les Triades depuis bientôt dix ans. Il n'a plus d'identité, plus de grade, plus d'existence. Parfois, il ne se rappelle même plus être flic. Son dernier poisson ? La bande de Sam, qui deale de la cocaïne sous couvert d'une honnête entreprise de voituriers. Lau était une recrue de Sam, avant. Il est à présent son principal informateur, au courant de tout ce qui se passe à l'Anti-Gang, dont il est devenu l'un des inspecteurs les plus brillants. Chargés tout deux de découvrir la brebis galeuse au sein de leurs camps, les deux hommes vont devoir affronter le pire adversaire qui soit : eux-mêmes...
Sur les rives froides de Hong Kong, pègre et forces de l'ordre jouent au chat et à la souris, aiguillées par deux hommes tentant de garder leurs idéaux. Infernal Affairs ressemble à beaucoup de choses. Sur le fond, au Hard Boiled de John Woo, notamment, référence tellement assumée que le réalisateur Andrew Lau en repiquera une scène entière. On peut penser au Heat de Michael Mann, aussi, un peu. Pourtant, là où Hard Boiled, malgré sa noirceur abyssale, s'imposait comme la référence inégalée du film bourrin, symphonie de gunfights réglés comme du papier à musique, Infernal Affairs dépose les armes et s'impose comme un brillant polar psychologique, passionnant et nerveux. Images délavées et regards qui en disent long, Infernal Affairs est une plongée à hauteur d'homme dans une guerre incessante entre les gangs et la Loi. Ici, pas de bullet-time, pas de duels aux berettas esthétisés. Dans Infernal Affairs, on monte ses coups en sourdine, on planque, on écoute et lorsque l'on communique, c'est discrètement, en morse. Sur l'échiquier d'Andrew Lau, il n'y a pas de héros, pas de personnages, de simples pions, qui ne sont ni noirs, ni blancs, mais bien tous gris.
Gonflé de scènes à se damner, Infernal Affairs est un thriller haletant et dépourvu de manichéisme. Un film sur l'humain, le sens du devoir, l'amitié. Et la trahison. L'intrigue, brillante et compliquée, passe soudain au second plan pour s'intéresser de plus près à ses protagonistes. Lau emménage avec sa petite amie, une écrivain. Yan va chez son psy, croise son ex-femme. Cette femme dont il ignore qu'il est le père de son enfant. Yan et Lau vont d'ailleurs se rencontrer, sans le savoir, dans un magasin hi-fi. Une scène surréaliste, placée en début de métrage, où les deux taupes discutent ampli, sans savoir que plus tard, ils se retrouveront l'un contre l'autre. La violence est rare : l'unique fusillade dure une vingtaine de secondes, moment tragique bercé par la voix mélancolique d'une chanteuse à la voix de cristal. C'est beau, le scénario est solide comme un roc, l'ambiance est tendue comme un slip, et c'est sur le flanc que l'on assiste à un final dont le pot aux roses est la gifle qui n'attendait que de partir depuis 1h37. Sans parler de l'interprétation, dominée par les deux stars du continent que sont Tony Leung (Hero) et Andy Lau (Fulltime Killer). Pupille triste et silhouhette désabusée, deux comédiens monstrueux qui semblent s'être trouvés.
Infernal Affairs n'a pas volé sa réputation : il a été décrété meilleur film asiatique depuis The Killer. A Hong Kong, les gens l'ont bien compris : à l'heure où j'écris ces lignes, Infernal Affairs est déjà une trilogie. Infernal Affairs 2, le prologue, et Infernal Affairs 3, l'épilogue. Sans parler d'Hollywood : cette extraordinaire combat entre deux taupes se trouve désormais entre les mains d'un certain Martin Scorcese qui entend bien en faire un remake. Le meilleur pour la fin ? Infernal Affairs arrivant un peu tard sur nos écrans, les heureux possesseurs de lecteur Zone 1 peuvent s'offrir la trilogie en petite galette. Quant aux autres, filez en salles voir la nouvelle référence du polar asiatique...