Funny Games U.S.
Cinéma / Critique - écrit par knackimax, le 28/04/2008 (Tags : film haneke games funny michael ann films
Film sans âme qui ne démontre rien sans s'en soucier, reflet de sa propre image dans un miroir sans teint. Magnifique scénario et grands acteurs malheureusement abandonnés par un réalisateur masturbatoire.
Une famille paisible de la classe moyenne américaine rejoint sa maison de vacances au bord d'un de ces lacs qui abritent une pépinière de petites fortunes en villégiature. A leur arrivée, ils se rendent comptent que les "Johnsons", leurs voisins, ont deux jeunes invités des plus étranges : ils sont jeunes, blonds, portent des shorts et des gants blancs et jouent au golf dans le jardin. Alors qu'ils installent leur bateau sur le lac qui jouxte la propriété, ces jeunes gens viennent leur emprunter des œufs. En quelques instants, cette situation se transforme en kidnapping. Les deux psychopathes leur proposent de jouer à un jeu malsain en leur demandant de parier qu'ils seront encore en vie dans 12 heures alors qu'eux-mêmes parieront du contraire. Ils n'ont bien sûr pas le droit de refuser...
Remercions tout d'abord Monsieur Haneke pour avoir fait un remake de son propre film. Cela nous permettra de ne pas avoir envie de voir le précédent malgré notre tendance claire à se laisser aller au masochisme des salles obscures. Notez ici que la démarche est en soi assez pénible à supporter. S'auto-citer étant déjà pénible, s'auto-reproduire dénote soit d'une insatisfaction profonde et maudite, d'un manque d'imagination ou encore d'un narcissisme insoluble.
Nos plus sincères salutations pour avoir réussi à égaler la forte dose d'ennui que procurait Last days où un Gus Van Sant en recherche nous avait proposé un plan de fougère de 5 minutes au milieu d'un enssemble cinématographique très proche de Funny Games et Funny Games US (considéré comme une copie quasi exacte par les fans). Notez d'ailleurs que l'acteur principal est commun aux deux réalisateurs et aux deux films, ce qui n'est pas pour le servir malgré son talent indiscutable. Suivre le tortionnaire qui a faim pendant que l'autre reste dans le salon avec la famille et un fusil chargé ne nous propose pas la moindre impression de peur ou d'anticipation malgré un résultat étonnant qui suit la préparation d'un sandwich à la dinde. On ne note donc pas le style absent ou trop présent mais sur-réchauffé dont la dominante molle désanime l'ensemble d'une dynamique passionnante et d'un scénario tout aussi passionnant mais absent d'accompagnement.
Les plans et leur composition restent beaux mais inutiles au point que l'intérêt d'un accompagnement de la caméra en devienne superflu. On préférerait ne pas être pris à la gorge par ce sentiment de dégoût car malheureusement il n'est pas que le résultat de l'intrigue du film dont la gratuité surprend mais n'étonne pas, faute d'un traitement aseptisé. Ce mal-être qui touchera le spectateur n'est autre que son impression d'impuissance et de mise en conditionnement de consommateur d'un produit sans âme. Le ton décalé ne suffit malheureusement ni à détendre une ambiance rance ni à découvrir les prémisses d'un sentiment de compréhension d'une situation au bord de l'intolérable. Les quelques gadgets techniques dont fait preuve l'ingénieux réalisateur (le « rewind » ou le « parle à la caméra ») nous énervent et nous frustrent encore plus tant ils n'ont pas lieu d'être et ne servent à rien.
Remercions-le également pour le choix des acteurs. Tim Roth est bouleversant de faiblesse dans son rôle de père de famille impuissant malgré la force de persuasion qu'on lui connait. La loi psychologique qui régit les deux personnages dominants étant si emprunte d'inégalité que les sentiments en sont palpables. Naomi Watts quant à elle est d'une subtilité dans la détresse et d'une force toute aussi phénoménale dans l'adversité qu'on note son implication technique avec délectation. Le jeune Devon Gearhart impressionne aussi par la maturité de ses réactions. La famille au grand complet est d'une étonnante sobriété dans la douleur et dénote d'un dévouement supérieur à 150% dans la réalisation d'un travail quasi-parfait.
Remercions-le d'autant plus pour avoir su bien les utiliser dans un film sans ambition que celle de faire plaisir à son ego. Cela me permet de préciser que ma note se décerne uniquement auprès des acteurs dont l'angoisse et la détresse majestueuse prouve leur dévouement à un art que le réalisateur à décidé d'opérer en dilettante. Petite motion spéciale au duo meurtrier que forment Michael Pitt et Brady Corbert dont l'équilibre déséquilibré est des plus efficaces.
Et pour résumer, il est des films lapidaires dont on aurait voulu ne pas attendre la fin et filer en douce de la salle obscure. Je suis au regret de vous informer que ce sentiment a été mien dans un moment d'égarement et je voudrais m'en excuser auprès des acteurs. Toutefois mes remerciements au réalisateur seront je pense suffisants (et donc à son image dans cette œuvre) à lui exprimer mon dépit face à ce film masturbatoire et gratuit qui aurait mérité de l'être.