Freudy : les griffes de l'inconscient
Cinéma / Critique - écrit par Lestat, le 21/06/2006 (Tags : inconscient freud psychanalyse pdf livre paris jean
"Nique ta mère, Frank !"
Ah, sacré Sigmund Freud. Vous pensiez en être débarrassé après ces quelques cours de philo naviguant entre complexe d'Oedipe et amusements scatophiles ? Monumentale erreur ! Il revient pour vous hanter, vous analyser et surtout... pour vous tuer. Tout commence alors que Frank perd son père, suicidé après une séquence de psychanalyse. Pour lui changer les idées, ses amis l'invitent à changer d'air. En chemin, un petit rituel : brûler Freud, le temps de réduire en cendre quelques ouvrages. Une vengeance symbolique pour Frank, qui passera ainsi ces quelques jours le coeur plus léger. C'est oublier le vénérable barbu, qui tapi dans l'Au-delà n'aime pas qu'on lui cherche querelle...
Il n'y a pas de secret, Freudy s'inspire directement du personnage de Freddy Krueger, introduit dans les années 80 par Wes Craven -outre la trame, on notera un joli clin d'oeil aux Griffes du Cauchemar, le troisième volet de la saga-. Pour autant, Freudy n'est pas une parodie. Bien que capable d'instants plutôt barrés, le film baigne dans un climat étrange, alignant des scènes en soi complètement absurdes mais qui à l'écran de prêtent pas à rire. Ainsi le début du film, alors que l'un des personnages règle son Oedipe de façon radicale : la scène est tellement tordue qu'elle frise l'absurde. Pourtant, le second degré n'agit pas et l'on frôle le sordide. Mine de rien, en adoptant un ton respectueux qui n'oublie pas d'être sérieux, Freudy gagne en fraîcheur et en originalité. Et là où l'on aurait pu craindre une parodie se limitant à son simple concept - Freud analyse ses victimes avant de les trucider salement-, on obtient un film non seulement réussi mais également purement horrifique. Et quelque part, ça fait un bien fou de voir qu'on peut très bien détourner le genre sans s'en moquer complètement.
Un film amateur sur Freud ? Ceux qui craignait un pensum facilitant le transit intestinal porté par des acteurs épouvantables et une caméra vacillante sortiront du visionnage avec le sourire béat du spectateur satisfait. Oui, cette phrase est très longue. Moyen métrage co-écrit et réalisé par Gautier Cazenave, Freudy a en effet plutôt fière allure, tant dans son montage que sa réalisation qui laissent échapper quelques fulgurances inattendues. Quant au casting, sans être exceptionnel, il s'en sort assez honorablement. Numérique et maquillages s'avèrent aussi soignés que l'ensemble et comble du bonheur, quelques effets gores viennent soutenir les exactions de notre atypique tueur. Débordements sanglants qui sans être du Tom Savini ne prêtent pas non plus à rire et s'avèrent efficace à leurs modestes niveaux. Allez, soyons un critique pisse-froid : le son est perfectible et il y a une saute de rythme après le deuxième meurtre. Ce qui n'enlève rien au bon petit pied que procure cette sympathique bande, d'autant que l'écriture est dans le ton. Car bien qu'échevelées, les théories déclamées par l'analyste-boogeyman ne sont pas spécialement absurdes ou traitées par dessus la jambe. Non content d'être bien fait, Freudy se dote donc d'un fond qui se tient, pour qui prend la peine d'en tenir compte.
Soupçonneux de ce concert d'éloges ? Force est de constater que le film amateur le plus mal fichu aura toujours pour lui un certain capital de sympathie. Pour autant, Freudy a suffisamment de qualités pour que celles-ci sautent au yeux sans trop se forcer. Quant au plan final, décalé et jouissif, il achèvera de convaincre les plus sceptiques. En s'enfonçant avec un sujet surréaliste dans un cinéma de genre qui se fait plaisir à être sérieux, tout en nous livrant ce qui restera, peut-être, comme le premier croquemitaine-psy, Gautier Cazenave et son équipe sont partis avec une foultitude d'handicaps pour s'en sortir haut la main. Cela s'appelle le talent.