The Fantastic Four
Cinéma / Critique - écrit par riffhifi, le 17/07/2007 (Une chose vite torchée et invisible
En 1993, le téléphone d'Avi Arad, patron de Marvel, retentit. « Allô Avi ? C'est Roger Corman. Je te rappelle que j'ai un contrat sur les droits de ta BD, les 4 Fantastiques. Et ces droits expirent l'an prochain, alors on va produire le film tout de suite, avec ton pognon. - Euh... Tu vas faire un gros nanar, Roger, comme d'habitude ? - Ben ouais, normal quoi. - Et tu veux combien ? - 40 millions de dollars. - Bon je t'en file un ou deux, tu produis ta daube et ensuite on la diffuse pas, on la montre à personne, ok ? Mais tu ne dis rien à ton réalisateur et tes acteurs, sinon ça va les démoraliser. - Bon, ça roule. A plus mec. »
Aussi surréaliste que cette conversation puisse paraître, il semblerait qu'elle ait réellement eu lieu, et qu'elle ait présidé à la production de la première version filmée des 4 Fantastiques, plus de 10 ans avant celle qui met en scène Jessica Alba et Chris Evans.
Filmé par une équipe enthousiaste sur un budget de misère, les 4 Fantastiques version 1994 ne fut donc jamais diffusé officiellement, ni au cinéma ni en vidéo. Il fut purement et simplement enterré, au grand dam du réalisateur Oley Sassone, qui aujourd'hui encore encourage les versions qui circulent sur Internet et dans les boutiques de comic book. On ne peut pas réellement parler de version pirate, puisque le film n'existe pas officiellement...
Reed Richards (Alex Hyde-White), son ami Ben Grimm (Michael Bailey Smith), son égérie Susan Storm (Rebecca Staab) et son futur beau-frère Johnny Storm (Jay Underwood) embarquent à bord d'une fusée dans le but de dépasser la vitesse de la lumière. Mais suite à un accident causé par le maléfique Dr Doom (Joseph Culp), les quatre aventuriers se crashent, et ne doivent leur survie qu'à la présence de rayons gamma qui, au passage, leur filent des pouvoirs extraordinaires (disons même fantastiques).
Reed Richards et Sue StormAdmettons que vous avez réussi à vous procurer une copie de l'œuvre (c'est faisable). Pour un budget environ 100 fois inférieur à la version de 2005, que propose donc celle-ci ? En terme de spectacle, pas grand chose bien entendu. Produire un film de super-héros partiellement situé dans l'espace, présentant quatre protagonistes aux pouvoirs différents, ne peut pas être fait de façon crédible avec aussi peu de moyens. Heureusement, l'école Roger Corman est celle de la démerde et du système D. Caméra subjective pour Mister Fantastic, dessins animés rotoscopés pour la Torche, un peu de foutage de gueule pour la Femme Invisible, une bonne partie du budget dans le costume de la Chose, et le tour est joué.
Le casting, de son côté, est constitué de parfaits inconnus, la plus grosse star étant Rebecca Staab, qui a joué dans un épisode de Columbo... Ce petit monde fait de son mieux, cabotine tant qu'il peut (mention spéciale à Jay Underwood, interprète de la Torche), et s'efforce d'insuffler de l'énergie à leurs personnages perdus dans les décors hâtivement construits autour d'eux. Visuellement, l'ensemble a plus l'air du pilote d'une série télé des années 60 que d'un blockbuster des années 90. Ce n'est pas désagréable pour autant, c'est juste ultra-cheap.
Dr DoomCeci étant, le scénario est-il lui aussi victime de la coupe de budget ? Pas vraiment. On peut même dire que, tout en restant linéaire, sans surprise et infantile, il dépasse de très loin celui de son successeur, qui représente la plus grosse tranche de vide de toute la livraison récente de super-héros cinématographiques. En gros, l'histoire est la même, avec les ajouts suivants :
- On assiste à la jeunesse des personnages, durant laquelle Reed Richards et le docteur Doom sont montrés en copains de fac ;
- Doom devient le vilain méchant au début du film, et non à la fin (ce qui semble être la moindre des choses) ;
- Le destin de la Chose et son amour pour Alicia Masters sont bien plus émouvants et crédibles;
- Ben Grimm, Reed Richards et Doom ont une histoire commune, qui rend leurs relations plus intéressantes ;
- Une sous-intrigue complète est développée, montrant une population sous-terraine qui n'est pas sans évoquer le peuple de la Taupe (personnage de la bande dessinée) ;
- Le film s'achève là où commence la suite de la deuxième version (Les 4 Fantastiques et le Surfer d'argent).
Donc pour peu qu'on soit prêt à avaler une copie de mauvaise qualité et des effets spéciaux risibles mais divertissants, ce Fantastic Four cru 1994 constitue une friandise bien plus savoureuse, et plus respectueuse du matériau d'origine que son successeur fadasse. Une curiosité à se procurer quand on préfère le travail des gens passionnés à celui des gens friqués.