Etreintes brisées
Cinéma / Critique - écrit par riffhifi, le 01/06/2009 (Tags : film almodovar etreintes brisees cinema pedro harry
Le nouveau mélo d'Almo, qui aime toujours autant son égérie Penélope Cruz que le cinoche en général. Sans doute un peu trop long vers la fin, mais le plaisir est là.
Reparti bredouille de Cannes, Pedro Almodovar s'est vu snober, taxer de nombrilisme et accuser de se répéter. Dommage, car Etreintes brisées est essentiellement coupable d'être plus accessible que les précédents films de l'Espagnol à la tignasse choucroute.
Mateo Blanco (Lluis Homar) ne se fait plus appeler que Harry Caine depuis qu'il a perdu la vue. De sa double vie de scénariste et de réalisateur, il n'a plus gardé que
la première. Vivant au jour le jour, il se prend le passé dans la tronche lorsqu'il apprend la mort d'un dénommé Ernesto Martel. Flash-back : quatorze ans plus tôt, il s'attelait au tournage d'une comédie, dont la vedette Lena (Penélope Cruz) était la femme trop jeune d'un homme trop vieux et trop riche...
Narcissique, Almodovar l'est forcément en contant l'histoire d'un scénariste-réalisateur (aveugle, mais rien à voir avec l'approche burlesque d'un Woody Allen dans Hollywood ending). Répétitif, il l'est inévitablement en tirant les ficelles mélodramatiques qui lui sont chères et en prenant à nouveau comme tête d'affiche la Penélope Cruz de En chair et en os, Tout sur ma mère et Volver. Mais le cinéaste fait fi du regard analytique des connaisseurs, et pousse le vice jusqu'à joncher le scénario de multiples références à ses œuvres précédentes, ainsi qu'à d'innombrables classiques du cinéma (cités directement ou simplement évoqués : entre autres, Le Voyeur, Ascenseur pour l'échafaud, Les enchaînés - et l'hommage à Hitchcock s'étend jusqu'à certains accents de la musique, rappelant celle de Bernard Herrmann...). Il fait fi, car son film peut s'apprécier sans la compréhension de ces références, et surtout car la répétition et la mise en abîme sont au cœur même du sujet. Davantage qu'une
histoire d'amour, Etreintes brisées est une apologie du cinéma, qui agit aussi bien comme miroir que comme révélateur, et permet à la fois de sublimer le réel et de le prolonger. Almodovar remet sur l'établis sa filmographie ? C'est pour mieux la polir, pour en sortir une nouvelle œuvre qui aura sa vie propre.
Comme toujours chez Pedro, on passe allègrement du rire au serrement de gorge, on fait une escale à la case "hôpital", on assiste à quelques scènes de sexe plus ou moins incongrues, on absorbe une quantité de couleurs largement supérieure à celles que contient le spectre, et on s'émerveille devant la capacité qu'a le bonhomme à choisir des cadrages inattendus avec un style toujours homogène. L'histoire est curieusement plus abordable que celles de Volver ou Tout sur ma mère, malgré les constants allers-retours temporels entre 2008 et 1994.
Le mélo, la comédie et le suspense se juxtaposent avec bonheur jusqu'au dernier quart d'heure où, pas de bol, la narration finit par se traîner un peu en délivrant lourdement des révélations que le spectateur avait intégré largement plus tôt. Mais le plaisir de refaire un tour avec un cinéaste passionné est bien là, et touchera particulièrement les cinéphiles pratiquants.