Volver
Cinéma / Critique - écrit par Filipe, le 27/08/2007 (Tags : volver film almodovar raimunda paris paula espagnol
Homme à femmes !
Alternance de séquences amusantes et dramatiques, le dernier Almodovar ne ressemble à aucun autre film. Présenté en compétition au Festival de Cannes 2006, Volver est une réussite totale, aussi bien sur la forme que sur le fond, qui n'a rien à envier à ses illustres prédécesseurs (Tout sur ma mère, La mauvaise éducation). Film d'instinct, film à émotions, il fait la part belle aux beautés de la femme et de l'Espagne. Un pur moment d'évasion, à regarder - si possible - en famille.
Madrid et les quartiers effervescents de la classe ouvrière, où les immigrés des différentes provinces espagnoles partagent leurs rêves, leur vie et leur fortune avec une multitude d'ethnies étrangères... Au sein de cette trame sociale, trois générations de femmes survivent au vent, au feu, et même à la mort, grâce à leur bonté, à leur audace et à une vitalité sans limites.
On a beaucoup parlé des femmes d'Almodovar. Qu'elles soient libres, belles, drôles, attachantes, personne ne les filme mieux que lui. Il faut dire que le réalisateur sait trouver les mots pour leur rendre hommage : "La seule arme que tu possèdes, à part la mise en scène réaliste, ce sont les acteurs. En l'occurrence, les actrices. J'ai la chance qu'elles soient toutes spectaculaires. Le grand spectacle, ce sont elles." Volver ("revenir" dans la langue de Cervantès) marque un retour aux sources pour Almodovar. Après avoir réalisé deux films d'hommes, il donne la parole à trois générations de femmes : grand-mère, mère et fille. Les mauvaises langues craignaient un film bavard, mais il n'en est rien ! Bien sûr, Volver fait la part belle aux "cosas de mujeres", à toutes ces histoires de bonnes femmes auxquelles les hommes attachent en général assez peu d'intérêt. Fort heureusement, le film ne s'arrête pas là. On y trouve des chansons tristes, et toutes sortes de coutumes populaires toutes plus amusantes les unes que les autres. On peut y admirer de belles façades et de jolis patios, se perdre au cœur de ses rues pavées. Le film repose sur une galerie de gens simples, avec leurs croyances et leurs faiblesses. La mort y est omniprésente. L'ambiance est pesante, sans pour autant être sinistre. Il est aussi question de transmission et d'amour, plus fort que tout...
Égérie d'Almodovar, l'actrice latine Pénélope Cruz est au coeur du récit. Celle qui, selon le réalisateur, a "un visage que la caméra adore", y incarne Raimunda, une femme de caractère au cœur tendre. Un rôle tout en variations, auquel l'actrice répond avec le cœur, comme à son habitude. Ses collègues ne sont pas en reste, à commencer par Carmen Maura et Lola Dueñas, toutes deux remarquables, puis Blanca Portillo, Yohana Cobo, Chus Lampreave, María Isabel Díaz...
La qualité du travail des techniciens est également à relever. Scénario (très justement récompensé à Cannes) et mise en scène sont tous deux excellents. L'histoire est d'une richesse et d'une maîtrise à couper le souffle. Il est question de meurtre, d'inceste, d'adultère, de deuil, et de tout un tas d'autres fausses pistes, dont Almodovar raffole... Volver finit même par se doter d'un air de film fantastique, c'est dire ! Et pourtant, tout se tient, tout s'explique. Le cinéphile lambda appréciera. La musique est à la hauteur, les dialogues sont savoureux. Il y a moins d'effets graphiques, mais toujours autant de virtuosité dans le choix des cadrages. Almodovar s'éclate comme au tout premier jour. Servis par une photographie d'une finesse hallucinante, les costumes et les décors naturels contribuent efficacement à l'ambiance générale du film. La gestion des couleurs est superbe, le rouge et le noir prédominent, rappelant les plus belles heures du cinéaste. Bref, tout y est.
Tourné dans sa province natale, avec des actrices qui lui sont chères, Volver est l'œuvre d'un Pedro Almodovar inspiré, une ode à la Femme et à l'Amour en général. Un film tendre et cruel à la fois, qui résume parfaitement l'univers du réalisateur de Talons aiguilles et Parle avec elle. Almodovar a l'art d'enfanter des mondes sans jamais céder à la facilité. Un exemple pour tous.