Dossier Spécial: Le cinéma est-il dominé par les vieux?

/ Dossier - écrit par Hugo Ruher, le 28/11/2013

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Avec Last Vegas on découvre qu’un producteur s’est dit un jour : « Si on faisait Very Bad Trip dans une maison de retraite ? » et que des gens ont été engagés, payés, pour réaliser ça… D’où la question, est-ce que les vieux ont pris le pouvoir au cinéma ?

Les années 1970 ont été une grande période de découverte pour de nombreux acteurs : Robert De Niro, Harrison Ford, Michael Douglas, Al Pacino, Jack Nicholson… Problème : ils tournent encore. Bien sûr, ils ne jouent plus les jeunes premiers de l’époque mais plutôt les vieux caïds roublards qui ont la classe, la sagesse, du vécu… Bref, ils jouent des vieux. Et ils ont raison, c’est ce qu’ils sont et ce qu’ils font le mieux, alors pourquoi s’en priver ?

Mais Hollywood a bien du mal à se renouveler et préfère compter sur des valeurs sûres et se doit donc de donner le rôle que méritent ces monstres sacrés. D’où une certaine tendance à tourner des films adaptés à leur nouveau statut, des films pour les vieux. On voit en effet aujourd’hui une multitude de films sur le sujet.

 

Les vieux sont partout, et depuis longtemps

En France, nous avons récemment eu deux belles réussites : Paulette et Amour. Le premier avec la regrettée Bernadette Lafont suivait les péripéties d’une mamie dealeuse de drogue et le second explorait le quotidien de Jean-Louis Trintignant, tout décrépi, accompagnant sa femme dans ses derniers instants. Deux belles réussites qui ont donné l’impression que les vieux étaient plutôt vendeurs finalement, et qu’ils pouvaient à la fois permettre de raconter une belle histoire (Amour) et capter un public jeune (Paulette).


Une scène de vie ordinaire chez une retraitée.

 

Mais aux Etats-Unis aussi, la vieillesse fait recette. On trouve les mêmes super-flics d’il y a 30 ans désormais à la retraite. Bruce Willis se retrouve même à jouer le même personnage à deux-trois détails près dans Die Hard 4 et 5 et dans Red pendant que De Niro se prélasse en camping-car dans Mon Beau-Père et moi et ses suites. Pendant ce temps, Dustin Hoffman réalise son premier film sur des chanteurs d’opéra à la retraite et Bill Murray est le papy de Moonrise Kingdom.

Est-ce une tendance actuelle pour pallier l’absence de « gueules » susceptibles de remplacer nos chers acteurs surexposés que nous connaissons si bien ? Certainement. Mais est-ce le seul facteur ? Pas si sûr.

En effet, la vieillesse a le vent en poupe au cinéma et pas seulement depuis ces dernières années. Dès 1965, Orson Welles signait une ode à la vieillesse : Falstaff. Dans cette tragédie shakespearienne, le personnage-titre est un voleur frivole et vieillissant qui se voit délaissé par les siens. Et c’est ce que le réalisateur qualifie comme étant son meilleur film.

En France aussi, en 1989, Etienne Chatiliez truste le box-office et fait sautiller de joie l’ensemble de la critique avec Tatie Danielle. Ce personnage de retraitée machiavélique et vicieuse aura marqué les esprits. Elle rappelle d’ailleurs un peu le personnage de Paulette en 2013. Un peu plus tard, en 2002, c’est dans l’animation qu’on retrouve des retraitées dynamiques dans Les Triplettes de Belleville, un film qui a créé la surprise et enthousiasmé le public en son temps.


Les Triplettes qui n'ont pas pris qu'une ride!

 

 

A quoi ça sert un vieux?

On trouve dans ce panorama loin d’être complet bien évidemment, plusieurs types de films. Le plus répandu est malheureusement le film-hommage, qui consiste à prendre un acteur légendaire dans un rôle de caricature de lui-même en plus vieux. Vous vous rappelez de ces comics qui nous montraient Superman en vieillard et ce genre de choses ? Eh bien c’est la spécialité de Robert de Niro et Bruce Willis qui s’amusent comme des petits fous en tournant Red, Malavita et j’en passe. Dans ce genre prétexte, le pire exemple étant certainement La loi et l’ordre où l’intérêt du film tient en une phrase : Al Pacino et Robert de Niro sont dedans.

Mais ne généralisons pas, ce n’est pas parce qu’on prend une histoire basée sur la vieillesse que c’est forcément une mauvaise idée. Même pour un public jeune, il n’y a qu’à voir le succès de Là-haut. Dans ce type de rôle, Bill Murray est toujours aussi étonnant, notamment dans un film un peu passé inaperçu, Get Low. Il est à l’écran avec Robert Duvall (le consigliere Tom Hagen dans Le Parrain) qui incarne un vieillard qui veut des funérailles avant sa mort.

 
"Redarde Al, on a gagné un séjour en thalasso"

 

Ce qui est intéressant c’est aussi de regarder qu’elle est l’image des vieux que les cinéastes véhiculent à travers le film. Bien entendu, les anciens flics sont sur-représentés, et comme de leur temps ils étaient les meilleurs agents/la fierté de leur régiment/les plus grands chasseurs de criminels/les plus doués des détectives (cochez les mentions inutiles), ils ne peuvent pas s’arrêter et ne se voient pas rester en charentaises devant Julien Lepers. Ce sont des retraités hyperactifs qui passent autant de temps que possible au boulot.

Mais lorsqu'on sort de ces anciens aventuriers... Eh bien les vieux sont bien souvent des tarés misanthropes dans la veine de Tatie Danielle, de Paulette ou de Carl Fredricksen dans Là-Haut. Sinon, dans d'autres registres on trouve les grands sages qui font le point sur leur vie comme dans Amour, ou encore le gentil fêtard bourru de Falstaff.
Qui aurait cru que ça marcherait un vieillard comme héros de dessin animé pour gosses?

 

Que conclure de tout ça, me direz-vous ? Eh bien que si les vieux sont très présents au cinéma, ce n’est pas forcément lié à une évolution dans les goûts du public, mais plus à un vieillissement général des acteurs et réalisateurs en vogue actuellement. Reste à savoir si dans quelques années, les retraités en tête d’affiche seront Brad Pitt, Johnny Depp ou Sigourney Weaver. A part bien-sûr s'ils sont trop vieux pour ces conneries.