Deux jours à tuer
Cinéma / Critique - écrit par nazonfly, le 01/06/2008 (Tags : film deux jours tuer antoine dupontel drame
Antoine détruit méthodiquement toute sa vie. Becker, lui, détruit un propos intéressant pour faire du sentiment. Dommage.
Ah ! Tout envoyer bouler. Dire leurs quatre vérités à ses amis, mettre les points sur les i avec sa belle-mère. Qui n'a jamais rêvé de ça ? Partir et tout laisser tomber, commencer une autre vie. C'est sous ce pitch qu'est présenté Deux jours à tuer.
Mister Becker
Et elle, c'est Cristiana Reali,
qui a une filmo toute pourrieAntoine, qui vient d'avoir 42 ans, décide donc du jour au lendemain d'envoyer toute sa vie aux roses, du travail aux amis, en passant par sa propre famille, et notamment ses enfants dans une scène terriblement dure. C'est apparemment dans l'air du temps, et on a par exemple vu dernièrement Into the wild ou 99 F, plus ou moins sur le même sujet. Les liens avec 99 F sont d'ailleurs assez marqués, Antoine est publicitaire comme Octave dans le film de Kounen. Evidemment aussi, il vend de mauvais produits qu'il faut montrer sous leur meilleur jour sans une once d'originalité. Et, dans Into the wild comme dans Deux jours à tuer, le personnage principal quitte tout, sur un coup de tête ou presque. Seulement, là où McCandless, dans le film de Penn, part sans laisser d'adresse, sans donner de nouvelles à sa famille, Antoine lui éprouve un malin plaisir à détruire tout ce qu'il a construit. Dans ce sens, Deux jours à tuer est plutôt une réussite et vraiment jouissif. La scène du déballage des paquets cadeaux ou de l'essai de la voiture de course sont grinçante à souhait et sont plus à chercher du côté des films de Dupontel que de Becker. Avec la vie d'Antoine, c'est aussi la société qu'on interroge. Une société hypocrite, une société du paraître, une société dans laquelle l'argent est le principal sujet de conversation et aussi ce qui guide les gens. Une société qu'on aimerait parfois descendre comme le fait Antoine. Pendant les trois quarts du film.
Docteur Becker
La solitude de l'homme face
à la mer (non je déconne)Parce que Becker n'est pas Dupontel, parce qu'il est sans doute trop difficile de détruire ce qu'on a construit sans raisons, Deux jours à tuer se tournera finalement dans un mélo dramatique, propre à amener les larmes aux yeux des spectateurs les plus insensibles. Et le film perd complètement sa force pour devenir bien conventionnel (encore qu'aujourd'hui on ne sache plus trop ce qui est conventionnel et ce qui ne l'est pas). D'autant plus que même les esprits les plus lents auront vu venir cette fin décevante à grands pas. Et ce ne sera pas la seule déception puisque les acteurs sont loin d'être convaincants, Dupontel en tête, que les dialogues sonnent souvent faux et que les plans sont parfois mal raccordés (observez la tache de vin sur Antoine pendant la scène du repas). Certes il reste quelques répliques agressives qui font mouche, par exemple en réponse au célèbre proverbe : « l'argent ne fait pas le bonheur ». Mais elles seront complètement mises à mal par cette triste fin, triste ayant ici plusieurs sens.
Si Antoine détruit tout ce qu'il a patiemment construit au cours de sa vie, à tel point que ça en est presque génial, Becker détruit tout ce qu'il avait réussi à montrer au début du film, à tel point qu'il n'y a plus de message intéressant, et qu'il ne reste plus qu'un film touchant, larmoyant et bien décevant.