Danny The Dog
Cinéma / Critique - écrit par Lestat, le 03/02/2005 (Tags : danny film bart jet dog films action
Cave Canem
Depuis peu, Jet Li disait à qui voulait l'entendre qu'il était prêt à assurer désormais des rôles plus calmes, sans castagne. Un choix motivé par la crise de la quarantaine ? Non, par l'opportunité de tourner un film qui dévoile tout son talent d'acteur (aux yeux occidentaux du moins), que ce soit dans les registres de la tatane mais aussi dans une fibre plus subtile. Ce projet, qui n'attirait pas grand monde, ne tombera pourtant pas dans l'oreille d'un sourd mais plutôt dans le tiroir caisse d'un barbu : Luc Besson passe par là et saisissant l'occasion de retravailler avec la star asiatique, scénarise la chose et tant qu'à faire, produit le tout sous le giron d'EuropaCorp. Danny the Dog est né. Jet Li et Besson avaient tout à gagner. La carrière occidentale de Li est toute sauf folichonne et le pauvre Besson de par ses investissements discutables voit son aura décliner à vitesse grand V. Autant dire que les petits plats ont été mis dans les grands pour que sur le papier, le film ne puisse être raté. Aux côtés de Jet Li, un casting solide composé de Bob Hoskins en vilain pas beau et Morgan Freeman en pianiste aveugle. Le tout mis en boîte par un réalisateur de seconde équipe au CV confortable (Louis Leterrier) et chorégraphié par l'homme sans qui Keanu Reeves ne pourrait donner un coup de pied, j'ai nommé Yuen Woo Ping. Effectivement sur la fiche technique ça n'a pas l'air mal, mais à présent, verdict.
"Attaque, Danny..."
Bart (Bob Hoskins, impeccable) est un truand qui sévit à Glasgow. Quand on refuse de le payer, il lâche son "chien", Danny, pour corriger les impromptus. Un homme dénué de toute émotion, qui dort en cage, porte un collier et ne vit que pour se battre et obéir. Des bastonnades qui virent au massacre. Bart trouvera pourtant une activité plus lucrative et engage Danny dans des combats clandestins, à mort. Suite à une embuscade, Danny trouve l'occasion de s'échapper. Il est recueilli par Sam, vieil accordeur de piano aveugle, et sa fille, qui ensemble lui redonneront goût à la vie et à la musique...
Vous l'aurez compris, Besson fait dans le classique/efficace avec cette histoire d'homme impitoyable qui s'humanise. Trame qu'il avait déjà développé avec Léon ou Nikita, aux sujets rapprochant. De ce fait, l'intrigue de Danny The Dog n'est qu'un petit drame qu'on voit venir à des kilomètres. Ceci étant réglé, voyons un peu ce qui se passe sur l'écran. Et c'est là que l'on se prend une belle claque. Deux choses surprennent dans Danny The Dog : Jet Li et Jet Li. L'acteur martial n'a certes plus vingt ans et il ne reviendra sans doutes pas au niveau de ses films avec Tsui Hark. Toutefois, sur Danny The Dog, il se déchaîne littéralement : les scènes de combats, impeccablement chorégraphiées (Yen Woo Ping oblige) sont d'une violence et d'une sauvagerie déstabilisante. Ong Bak a fait visiblement des petits et quand le Dog montre les crocs, on est à deux doigts de sentir les coups tant ils pleuvent et leurs impacts résonnent. Jet Li est dans ces scènes plein d'une fureur palpable, donnant des coups de lattes qui font très mal. Danny explose littéralement son adversaire, c'est un pitbull qui ne lâche qu'une fois sa proie à terre. Les combat sont élégants car réglés, mais ne sont pas beaux : ils sont brutaux, impitoyables et chacune de ces scènes fait monter l'adrénaline. Il faut bien le dire, malgré la noirceur ambiante, on prend un pied d'enfer. Jet Li a enfin un terrain de jeu pour montrer toutes ses prouesses et elles restent impressionnantes. Un morceau de bravoure ? Ce long combat à quatre contre un dans une arène, pur moment de barbarie, où Danny fini ses assaillants à coup de masse...
Mais Danny The Dog, c'est aussi l'histoire d'un homme-chien qui aime la musique, qui cherche ses origines et se découvre des talents qu'il ne soupçonnait pas. Après l'évasion de Danny, celui-ci se fait "adopter" par une nouvelle famille en la personne de Sam et de sa fille Victoria. L'occasion pour Jet Li de montrer ses capacités d'acteur classique : "Danny a peur", "Danny fait les courses", "Danny mange des glaces", "Danny découvre l'amour"...Autant de passages obligés à tout mélo qui se respectent et qui par définition se doivent d'avoir un casting haut de gamme pour trouver crédibilité et émotion tout en évitant la niaiserie. Re-verdict. Si Morgan Freeman, ici plutôt sobre, n'a plus rien à prouver, Jet Li était attendu au tournant malgré des films comme Hero où il se dévoilait davantage. Une fois encore, il surprend, développant un personnage tour à tour mutique, apeuré, touchant, furieux ou brisé avec une justesse bienvenue. Indéniablement, il est avec Freeman le pilier principal de ce film et tire une ficelle qu'on ne lui connaissait pas ou peu. Sa naïveté mise à part, aucune lourdeur dans ce drame humain qui sans passionner outrageusement se suit sans déplaisir.
Alors sans fautes, surprise de l'année ? Oui et non. Oui car l'un dans l'autre, Danny The Dog est sans doute à ce jour la meilleure prod Besson et l'un des meilleurs films de Jet Li en Occident. Pari tenu et gagné ? Non, car le film enchaîne quand même son lot de bourdes. La réalisation est généralement efficace mais accuse quelques fautes de goûts, notamment lors du combat final (qui par ailleurs comporte une baston dantesque dans des toilettes microscopiques). Des ralentis un peu malvenus, des scènes filmées d'un peu trop près qui nuisent à la visibilité et au naturel de l'ensemble. On parle tout de même d'un homme devenu bête et de combats viscéraux, ces artifices ne servent alors pas à grand chose alors que l'ensemble appelait plutôt quelque chose de plus sec. En outre, toujours lors du final, le tandem Besson/Leterrier arrive à nous incruster trois plans sur une femme à poil au milieu de toute cette montagne de testostérone et de larmes et vu les circonstances, il fallait l'oser. Dans un autre registre, la partie dramatique, qui proportionnellement est la plus importante, malgré le beau jeu des acteurs, est clairement la plus faible tant elle est téléphonée. Dommage car le sujet était en or. Enfin, le côté réellement hybride du film, 55% émotion, 45% gnons est à la fois un avantage et un inconvénient car oblige d'une certaine façon à comparer les composantes entre elles. Les scènes plus humaines désamorcent la violence qui s'en retrouve décuplée lorsque les poings ressortent. De même, les scènes de combats sont d'une telle intensité que les moments intimistes apparaissent au premier abord fades avant de trouver leurs propres force. Il manque peut être un petit quelque chose pour que les deux s'articulent impeccablement.
Au final, un bon petit film, violent et assez sombre, malgré quelques faux pas qui empêchent de l'élever aussi haut qu'il aurait pu le mériter. Reste un Jet Li très en forme, dans un drame très carré, combiné à un film d'action très efficace. Ma foi, que demande le peuple ?