Créatures célestes - Heavenly creatures
Cinéma / Critique - écrit par nazonfly, le 18/03/2006 (Tags : creatures celestes film jackson peter kate melanie
Créatures c'est l'est !
Peter Jackson. Tout le monde connaît ce nom désormais. Parce que c'est le réalisateur du Seigneur des Anneaux (La Communauté de l'Anneau, Les Deux Tours et Le Retour du Roi) et dernièrement de King Kong. Excusez du peu.
Evidemment la plupart des fans d'un certain genre de cinéma, à savoir le cinéma de genre déliro-macabro-gore, connaîtront l'inoubliable Braindead dans ce que certains appellent les années trash de Peter Jackson.
Comment un réalisateur a-t-il pu passer d'énormes séries B fauchées à un des plus chers films de tous les temps ?
Remontons le temps. Passons l'énormissime King Kong, le pari risqué du Seigneur des Anneaux, d'autant plus risqué qu'une horde de fans de l'oeuvre de Tolkien sévit dans le monde entier. Ne nous attardons pas sur les premiers pas hollywoodiens de Jackson avec Fantômes contre Fantômes, une histoire spectrale fantastique. Survolons Forgotten Silver, vrai-faux documentaire sur un réalisateur néo-zélandais. Nous voilà arrivés à bon port sur Créatures Célestes qui est sûrement la première incursion de Peter Jackson dans un cinéma "normal". Ou presque.
Pauline Parker (Melanie Lynskey) s'ennuie ferme en classe. Complètement à l'écart des autres filles dans son école typique des années 50, elle se renferme et broie du noir, véritable icône gothique. Elle est le côté sombre, la lumière lunaire. Puis arrive la solaire et virevoltante Juliet Hulme (Kate Winslet dans l'un de ses premiers grands rôles), petite fille riche et foncièrement excentrique. Le soleil a rendez-vous avec la lune. Et les deux jeunes filles se lient rapidement d'amitié.
En marge de la société, Pauline et Juliet se créent un monde imaginaire, un château peuplé de princesses, de princes... tout comme peuvent le faire deux enfants. Mais quand généralement les enfants se content d'évoquer leur autre monde, les deux adolescentes vont d'abord lui donner vie en sculptant les personnages dans la glaise puis elles vont fantasmer complètement cet univers, mélangeant réel et imaginaire. Ainsi se verra naître un amour indéfectible entre les deux jeunes filles. Un amour que rien ne pourra empêcher, pensent-elles, pas même la volonté de leurs parents qu'une telle liaison inquiète. Bien que célestes, ces créatures tiennent plus de la créature de Frankenstein.
Ce conte tragique, tiré d'une histoire vraie, est peut-être le film le plus abouti de Peter Jackson en terme de sentiments. La perfection de l'amour de Juliet et Pauline est traitée de façon très sensible par le réalisateur qui évite tous les écueils du genre pour livrer un film exemplaire. Il raconte cette histoire sans y apporter ni jugement, ni morale. Il accompagne ainsi les héroïnes dans leur monde fait de terre glaise (au passage signalons le travail magnifique de WETA sur ce film), montre leur joie, leur bonheur, mais aussi leurs malheurs, leur solitude quand elles doivent se séparer pour un temps.
Chacune des émotions de Juliet et Pauline est parfaitement retransmise par les images, les personnages (Melanie Lynskey et Kate Winslet étant parfaites dans leur rôle). Et l'on sent au fil du film s'épanouir l'amour, et se dégrader les relations des amantes avec leur entourage. On comprend vite que, dans les années 50, on ne leur pardonnera rien. Ainsi la fin est présenté comme inéluctable.
Et justement les dernières minutes du film sont absolument terrifiantes. Pourtant Peter Jackson n'utilise pas de subterfuges pour amener de la tension au spectateur. Pas à pas, il suit Juliet et Pauline dans l'accomplissement de la destinée qu'elle (et la société) se sont choisie. Et, pas à pas, le spectateur sent monter crescendo l'horreur, voire l'incrédulitié. Mais à aucun moment, le destin ne sera perturbé. Et ce qui doit arriver se produit. Le soleil et la lune ne peuvent éternellement briller ensemble.
S'il faut un mot pour résumer Créatures Célestes, c'est le mot "brillant". Car tout semble parfait dans ce film. Certes on est loin de l'humour de Braindead ou Bad Taste, encore plus loin du souffle épique du Seigneur des Anneaux. Mais c'est sûrement le meilleur film de Peter Jackson qu'il m'ait été donné de voir.