Bon cop bad cop
Cinéma / Critique - écrit par riffhifi, le 04/06/2008 (Tags : cop bad good film adj anglais for
Comédie policière canadienne aux velléités hollywoodiennes, Bon cop bad cop pèche par sa réalisation et son scénario. Dit comme ça, on pourrait croire que le film est à jeter ; mais en réalité, l'aspect comédie et les dialogues fonctionnent plutôt bien.
Le cinéma canadien, soyons honnête, on n'en connaît pas grand-chose. Sorti des films de Denys Arcand et du fait que tous les titres américains y sont traduits littéralement (Fiction pulpeuse, Les suspects habituels...), on serait bien en peine de tracer spontanément un historique de leur pratique de cet art. Alors quand on vous dit qu'en 2006, un film canadien a remporté en son pays le plus gros succès depuis Porky's en 1982, on se dit qu'il doit valoir le coup d'œil. Seul bémol à cet enthousiasme : le film n'est pas distribué en salles en France, il ne sort qu'en DVD, le 10 juin prochain (soit près de deux ans après sa sortie canadienne)...
De fait, Bon cop bad cop nécessite un mode d'emploi pour le Français qui le découvre : lorsque vous insérez le DVD, on vous propose de choisir entre le français et l'anglais ; sachez que cette décision n'aura d'incidence que sur le menu, car le film lui-même n'existe qu'en une seule version, moitié anglaise moitié française, pour peu qu'on puisse qualifier de français la langue alternative pratiquée au Québec. Avant de lancer le film, on ne saurait donc trop vous conseiller d'activer les sous-titres, non seulement pour pouvoir suivre les dialogues en anglais, mais aussi et surtout pour suivre les dialogues en québécois ! Une fois ces précautions prises, vous pouvez vous installer dans votre fauteuil, en gardant un esprit ouvert et bienveillant. Car soyons honnête, on est en territoire inconnu malgré les efforts faits pour coller aux standards hollywoodiens.
"On fait moitié-moitié ?"David Bouchard (Patrick Huard) est un flic de Montréal, qui fume, parle français (ou plutôt québécois), mène ses enquêtes et sa vie personnelle avec un style branlouze (il est divorcé) et n'aime pas qu'on lui marche sur les pieds. Martin Ward (Colm Feore) est un flic de Toronto, qui ne fume pas, parle anglais (ou plutôt américain), mène ses enquêtes et sa vie personnelle avec trop de rigueur (il est divorcé) et n'aime pas qu'on lui marche sur les pieds. Le jour où un cadavre est découvert à la frontière de Montréal et Toronto, les deux cops sont obligés de faire équipe malgré leurs différences.
On l'aura compris, le procédé est le même que dans tout bon buddy movie américain : associer de force deux personnalités antagonistes, si possible de cultures différentes, et voir ce qu'il en ressort. Selon le modèle stigmatisé par les Nuls : « first they meet, then they fight, then they fuck. » A peu de choses près, la formule est applicable à tous les films appartenant à cette lignée : L'arme fatale (jeune/vieux, blanc/noir, chien fou/pépère, veuf/family man), Tango & Cash (classe/plouc, viril/viril), Rush hour (chinois/américain, athlétique/frimeur, concentré/rigolo), Men in black (jeune/vieux, noir/blanc, etc.)... Ici, l'opposition entre le Canadien francophone et le Canadien anglophone est évidemment l'occasion de mettre à plat les différences qui existent entre les deux bords, à base d'initiation aux coutumes locales et de dérision affectueuse teintée de tolérance. C'est la démarche qui a fait de Bienvenue chez les Ch'tis le triomphe de cette année en France, on peut donc concevoir qu'elle ait fait cartonner Bon cop bad cop au Canada. Mais de la même manière qu'on imagine mal le type de succès que pourraient avoir les Ch'tis à l'étranger, on reste un peu perplexe devant une partie de l'humour du film, manifestement truffé de private jokes à l'usage des Canadiens. Heureusement, il reste une large partie de gags compréhensibles par le non-initié, notamment à base d'apprentissage de la langue locale et de ses
Qui a la plus grosse lampe ?jurons. On appréciera également l'interprète particulièrement hilarant du médecin légiste, qu'on aurait aimé voir plus souvent au cours du film.
Hélas, côté policier, rien à se mettre sous la dent : tourné comme un téléfilm (pas l'option « à la papa », mais la version über-stylée qui consiste à filmer de travers et à baigner d'un éclairage vert métallisé pseudo-expressif un personnage qui ne fait rien de plus que sortir son stylo), BCBC suit une intrigue assez navrante menant à un méchant de pacotille qui ferait honte à Julie Lescaut elle-même. Quant aux scènes d'action, elles consistent en une simple suite de zooms avant et arrière frénétiques accompagnés de rock canadien déconcertant, tandis que le monteur s'acharne à raccourcir les plans au maximum pour masquer le peu de crédibilité et de tonus de la chorégraphie ; certains films américains usent de technique comparables, mais ils le font généralement mieux. Quant à la fin du film, elle est expédiée avec une désinvolture qui frise l'insolence.
Bizarrement, malgré la nullité de la partie policière et le charisme limité des deux vedettes, le film a quelque chose d'attachant avec sa perpétuelle alternance français-anglais, et offre quelques réels éclats de rire. Mais de là à en faire un triomphe national, il y a une marge qui reste incompréhensible vu de chez nous. Déjà qu'on a du mal à savoir pourquoi les Ch'tis plaisent autant...